Parmi toutes les villes et tous les villages du pays, il se trouve une petite cité balnéaire du Cap Bon dont le festival s’est imposé non seulement comme le seul et la référence de la Bande dessinée, mais aussi par sa longévité et son aspect original : le Salon international de la Bande dessinée de Tazarka.
La session 2023, la 26e du nom, a commencé le 17 août et pris fin le 20 du mois dans la joie, et, pour ne rien cacher, dans un brouillard d’amertume. La raison de s’en satisfaire : l’afflux massif des jeunes participants, l’intérêt incontestable des nombreux enfants et les échanges instructifs entre les éducateurs et les apprenants. La cause de la déception, et le blues qui s’ensuivit, est due à l’absence totale d’aide et aux dettes accumulées par quelques responsables qui se comptent sur les doigts d’une seule main et qui sont accrochés à la régularité (ou plutôt à la survie) du Salon, et ce, contre vents et marées.
Pourtant, l’édition qui vient de se terminer, dédiée à l’Afrique, a été (à la lumière de nos informations) réussie en tous points. Dédiée à l’Afrique, cette session a permis aux amateurs de découvrir à travers des ateliers dirigés par des bédéistes tunisiens les œuvres de dessinateurs africains issus de plusieurs pays participants : Angola, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo, République Centre Afrique, Sénégal, Algérie, Maroc, Tunisie. Les thèmes qui ont été développés durant ces 4 jours se rapportaient à : la lutte contre le sida, l’excision, la toxicomanie, les personnages historiques, l’immigration et les problèmes liés à la santé, l’éducation, l’environnement et l’urbanisme ainsi que les portraits des personnages historiques du continent. Autant dire que c’est un programme d’éducation pour enfants et, bouquet final, par le biais d’histoires, de scénarios dessinés. Le bonheur !
Nuages sur le Salon
Saura-t -on suffisamment savourer la chance que nous avons de pouvoir profiter d’une telle aubaine unique que représente le Salon de Tazarka dans les années à venir ? Rien n’est moins sûr.
Résumons : un Salon d’un genre unique, qui a connu des années de gloire, a vu des participations internationales de haute valeur (il suffit de consulter les articles de presse), plus est, qui bénéficie d’un budget dérisoire et franchement ridicule en comparaison aux autres festivals. Ce Salon est en faillite et risque de disparaître du paysage faute de soutien financier et… moral.
Les responsables, aux premiers desquels son président, Chedly Belkhamsa, lui-même dessinateur au long cours à La Presse de Tunisie et le vice-président , tazarkien de haute lignée, Wissem Mzoughi, neveu du fondateur du Salon, le regretté Abou Saoud el Messâadi, nous ont transmis leurs regrets et leur déception à coups de chiffres qui abattraient le moral du plus optimiste des organisateurs.
Le courrier, que nous avons reçu de leur part, nous éberlue, nous laisse coi, sans armes… «Nous ne voudrions pas faire de cette cession une vasque de larmes ou un mur de lamentation ; d’innombrables handicaps ont parsemé depuis deux ans nos activités, absences d’aides étatiques, ignorance totale de la part des responsables locaux, etc. Ce salon n’a eu lieu qu’avec le courage et la persistance de quelques jeunes Tazarkiens qui ont persisté bénévolement à poursuivre ce festival local d’un genre unique. Ce sera, nous pensons, le dernier après 26 ans d’existence».
Des réactions ? En attendant celles des responsables, pour le moment, des pincements au cœur chez les amateurs de BD, les enfants et habitants de Tazarka, sans compter le désarroi des organisateurs. Et si, par quelque hasard, la missive arrivait sous les yeux du regretté fondateur du Salon, il se retournerait dans sa tombe.