Même l’appellation est compliquée ! La «shrinkflation» ou la «réduflation» est un concept marketing inventé ces dernières années par les industriels dans le monde entier pour «arnaquer» les consommateurs finaux. L’idée du départ à travers ce nom insolite, aussi dur à lire qu’à prononcer, consiste à réduire les quantités dans un emballage semblable avec un prix de vente identique ou, plus souvent, plus élevé.
Tous les consommateurs ont, certainement, remarqué que les quantités de la quasi-totalité des produits de consommation ont baissé pour des prix toujours en hausse. Ces pratiques ont débuté depuis la crise sanitaire et se poursuivent jusqu’au jour d’aujourd’hui. Il ne s’agit sûrement pas de simples cas isolés ! La «shrinkflation» est une technique utilisée par la plupart des industriels pour, soi-disant, réduire l’inflation, mais la réalité est tout autre.
Tout d’abord, une petite définition de cette stratégie marketing et commerciale s’impose, même si l’origine du concept est incertaine. Le terme «shrinkflation» a été élaboré à partir du verbe anglais «to shrink» qui signifie «réduire» et du mot «inflation». On parle également en français de «réduflation».
Jusque-là plutôt confidentielle et pratiquée en catimini, la «shrinkflation» ou la «réduflation» est aussi une technique jugée par certains économistes assez malhonnête. Elle consiste à faire fondre le poids d’un produit tout en augmentant son prix. Il s’agit d’un nouveau marqueur de l’inflation galopante qui s’est installée dans les rayons des supermarchés.
Gonfler les marges des industriels
Depuis plusieurs mois déjà, le prix des denrées alimentaires a progressé de manière vertigineuse, de quoi noircir le moral des consommateurs. Face à ces pratiques qui alourdissent encore un peu plus le ticket de caisse, les industriels ont mis au point une pratique, le moins que l’on puisse dire, machiavélique, qui vise à baisser le poids d’un article tout en augmentant son prix de vente. Cela permet aux industriels de l’alimentaire de gonfler leurs marges au détriment du consommateur. Cette technique généralisée au plus grand nombre de produits a été dénoncée en ces temps de forte inflation.
Il est à rappeler que d’après la dernière note éditée par l’Institut national de la statistique (INS), pour le mois d’août 2023, les prix à la consommation ont augmenté de 0,6% après une hausse de 0,7% en juillet dernier. Cette hausse est expliquée principalement par l’augmentation des prix de l’alimentaire et du tabac. Sur un mois, les prix des produits alimentaires ont augmenté de 2,3%, à la suite de la hausse des prix des œufs de 11,8%, des légumes de 5,1%, des huiles alimentaires de 3,8% et des fruits frais de 3,6%.
Par ailleurs, et sur un mois, les prix des boissons alcoolisées et du tabac ont, à leur tour, augmenté de 3% à la suite d’une hausse des prix du tabac de 3,2%.
Toujours selon la même source, au mois d’août dernier, l’inflation augmente à 9,3%, contre 9.1% un mois auparavant. Cette augmentation revient à l’accélération du rythme d’augmentation des prix entre août et juillet de cette année, comparé à la même période de l’année dernière, particulièrement en ce qui concerne le groupe «produits alimentaires» dont le glissement annuel des prix passe de 14,2% à 15,3%, le groupe «boissons alcoolisées et tabac» (qui passe de 1,8% à 4,6) et le groupe «restaurants et hôtels» (qui passe de 11,2% à 11,5%).
Cela s’appelle voler !
Cette situation insoutenable pour les consommateurs, et qui perdure depuis plusieurs mois déjà, les pousse à changer de comportement et à abandonner certains produits. Ainsi, et afin d’alimenter la frénésie acheteuse des citoyens, les industriels tunisiens et même internationaux, ont mis en place la «shrinkflation».
Les bouteilles de jus ou de boisson gazeuse, qui contenaient un litre, ne contiennent désormais plus que 900 ml sans informer clairement le client, les pots de yaourt perdent 10 grammes et passent de 110 grammes à 100 grammes, les paquets de sucre vanillé ou de levure (auparavant contenant 10 paquets) ne proposent à la vente que 7 ou 5, les bouteilles d’huile végétale de 5 litres sont diminuées d’abord à 4 litres puis à 3,8 litres… Cela s’appelle voler !
«Les industriels gardent le même package, il y a moins de contenu, et on vend au même prix, voire au prix supérieur», s’est indigné une mère de famille. Elle poursuit : «Nous devrions lutter contre ces pratiques trompeuses et abusives. Je saisirai l’Organisation pour la défense du consommateur pour obliger les industriels à faire figurer le changement de contenu lorsqu’il a baissé et que le prix reste le même».
Il faut dire que la pratique n’est pas illégale, tant que l’entreprise qui la pratique informe le client du changement. Mais les informations sont souvent peu lisibles et les acheteurs ne s’aperçoivent des changements que par hasard, seuls dans leurs cuisines ou de bouche à oreille. Ce manque de transparence est inadmissible car il induit consommateurs et consommatrices en erreur tant sur le format que sur le prix de produits qu’ils et elles ont l’habitude d’acheter.
Un contrôle depuis hier
En France, par exemple, et afin de lutter contre les pratiques commerciales louches, sont considérés comme trompeurs tous les industriels et les distributeurs qui essayent de «réduire la quantité d’un produit pour un prix équivalent ou supérieur sans clairement en informer le consommateur».
D’ailleurs, depuis hier, les produits concernés par la «shrinkflation» seront signalés par une étiquette dans les magasins de la grande distribution.
«C’est une pratique qui est inacceptable quand il y a une hyperinflation, que les Français souffrent», a dénoncé, sur le plateau de «C dans l’air», le Pdg d’un grand groupe de distribution. Ces étiquettes, révélées par le distributeur, afficheront la mention : «Ce produit a vu son grammage baisser, et le tarif pratiqué par notre fournisseur augmenter», sur un fond orange. L’objectif serait de mettre la pression sur les industriels pour négocier des baisses de prix.