C’est avec «Albatros», une pièce en deux parties écrite et réalisée dans le cadre du projet Accadémia, que s’est ouverte la saison théâtrale à la Cité de la culture, mardi soir. Sous l’intitulé «Sortie au théâtre», cet évènement donne le coup d’envoi à la dynamique attendue d’une vie culturelle et artistique dense. Avec de nouvelles productions et d’autres peu présentées auparavant, une semaine entière à suivre au théâtre de l’opéra de Tunis.
Le projet Accadémia est une initiative qui expérimente et systématise une approche innovante d’échange de bonnes pratiques, d’harmonisation et de création de parcours de formation et mobilité communs dans le monde de la formation académique et professionnel.
Entre le théâtre de l’Opéra de Tunis et le Teatro Stabile de Catania en Sicile, les affinités semblent évidentes pour réussir ce projet dans le respect de sa propre diversité mais en exaltant la richesse de ses points communs. Le projet considère la mobilité comme un élément clé pour la construction de partenariats italo-tunisiens à long terme, mais estime qu’il est nécessaire de construire un système de connaissances et de possibilités d’emploi réelles qui puisse rendre la mobilité pleinement efficace.
Et c’est dans cette même problématique que la pièce «Albatros» avec ses deux parties et ses deux metteurs en scène prend forme.
Ils sont cinq… Le sixième est un petit bateau en papier… Brisé par les vagues déferlantes de la mer… Ils sont cinq, le sixième est un bateau au fond sombre. Ils reviennent de loin… La vie reprend… Les mots fusent… Ils parlent… Ils dansent, chantent et racontent les détails de leur aventure sur l’autre rive. À la recherche des disparus…
Avec un casting des plus solides, formé de Fatma Ben Saïdane, Abdelkader Ben Saïd, Ali Ben Saïd, Meriem Ben Hamida, Malek Zouaidi, Chedly Arfaoui traite sa partie tel un documentaire. Le poids des médias et des images véhiculées par les différents écrans pèse lourd sur cette écriture. «Albatros» ne cherche pas à produire un discours savant, ni politiquement correct et encore moins prendre le flambeau du militant indigné. Il place juste un micro pour donner la voix à ceux qui en ont déjà mais qui sont devenus un produit récurent dans les infos à un tel point qu’on ne les entend plus.
Des bribes, des histoires, des séquences… Chedly Arfaoui use de son savoir-faire pour intégrer un projet de point de vue. De notre côté de la mer, les histoires se racontent autrement, se laissent sentir, voir avec une composition de la scène proche de l’installation pour créer empathie, douleur ou indifférence.
De l’autre côté, les choses sont vues différemment. La parole prend le dessus sur l’image, la scène est nue de tout artifice capable de produire un discours politique, artistique ou esthétique ajoutons à cela la barrière de la langue.
Autant, la première partie «tunisienne» a tenu à assurer un surtitrage en langue italienne pour les quelques personnes invitées, autant la deuxième partie dite italienne n’a pas pris la peine de nous offrir ce «privilège».
Et nous sommes tentés de dire qu’avant de rêver grand et prétendre œuvrer pour une éventuelle libre mobilité, il fallait juste penser à briser les barrières de la langue et considérer un public majoritairement tunisien en lui permettant de suivre les propos de la 2e partie.