Nous avons longtemps parlé de la mode durable et lente (slow fashion), mais la nouvelle tendance est maintenant à la mode circulaire. Il s’agit d’un concept qui prend da la place dans nos vies depuis quelques années déjà, et qui traduit le grand intérêt que portent les industriels du textile aux questions environnementales.
Actuellement, la production de la majorité des vêtements que nous portons est néfaste pour l’environnement. Car pour produire des vêtements pendant une saison et que nous jetons par la suite, des ressources naturelles considérables et non renouvelables sont extraites. C’est le cercle vicieux de la « Fast Fashion », ce modèle de surconsommation, extrêmement rapide et éphémère.
Selon les dernières statistiques (2020), fournies par l’Agence nationale pour la gestion des déchets (Anged), les dépotoirs contrôlés et aléatoires en Tunisie reçoivent, chaque année, environ 140.000 tonnes de déchets du textile, dont des vêtements usagés de sources inconnues et des friperies. D’énormes quantités de ces déchets sont brûlées de manière nocive pour l’environnement.
Aussi, les usines du textile en Tunisie produisent des tonnes de déchets. Les magasins et les marchands de tissus ont également beaucoup de stocks de vêtements invendus en raison du mouvement de la « Fast Fashion ».
Pourtant, ces déchets, embarrassants et encombrants pour la nature et l’homme, constituent un potentiel valorisable et beaucoup de matières premières à recycler, pour faire fonctionner des ateliers de couture, lancer des marques locales et de nouvelles modes respectueuses de l’environnement et non destructrices pour la planète.
Vraiment nuisible !
En achetant de nouveaux vêtements, il est très peu probable que nous pensions à l’impact de notre comportement sur l’environnement. L’industrie textile est, pourtant, le deuxième plus gros pollueur d’eau au monde après l’industrie agricole, selon Greenpeace.
Le coton, par exemple, est le matériau le plus utilisé pour fabriquer des tissus, mais il est le plus destructeur de l’environnement de la planète. D’après le Fonds mondial pour la nature (WWF), la production de coton, à elle seule, consomme 25% des pesticides et 10% des herbicides.
Au niveau mondial, la production textile est très gourmande en eau, et exige, en outre, des terres pour cultiver le coton et d’autres fibres. On estime que l’industrie mondiale du textile et de l’habillement utilise plus de 100 milliards de mètres cube d’eau par an, sachant que les besoins en eau de toute l’économie européenne se sont élevés à environ 300 milliards de mètres cubes.
Un grand gâchis
Selon des estimations, la fabrication d’un seul t-shirt en coton nécessite 2.700 litres d’eau douce, soit ce qu’une personne boit en 2,5 ans. Aussi, d’après les statistiques, le secteur textile est la troisième plus grande source de dégradation de l’eau et d’utilisation des terres en 2020. Cette année-là, il a fallu en moyenne neuf mètres cubes d’eau, 400 mètres carrés de terrain et 391 kilogrammes de matières premières pour fournir des vêtements et des chaussures pour chaque citoyen de l’Union européenne. On estime que la production textile est responsable d’environ 20 % de la pollution mondiale d’eau potable, à cause des teintures et autres produits de finition.
Ainsi, les vêtements synthétiques sont responsables de 35 % des micro-plastiques primaires rejetés dans l’environnement. Une seule lessive de vêtements en polyester peut libérer 700.000 fibres micro-plastiques, qui peuvent ensuite se retrouver dans la chaîne alimentaire.
Par ailleurs, l’industrie de la mode est responsable de 10 % des émissions mondiales de CO2, soit plus que l’ensemble des vols et transports maritimes internationaux.
Selon l’Agence européenne pour l’environnement, en 2020, les achats de textile dans l’UE ont généré des émissions de CO2, équivalentes à 270 kg par personne. Cela signifie que les produits textiles consommés dans l’UE ont généré des émissions de gaz à effet de serre de 121 millions de tonnes.
Mais la mode circulaire définit l’opposé du modèle linéaire de la « Fast Fashion ». Ce nouveau concept incarne une consommation durable qui considère l’environnement, le cycle de vie du produit, le présent et le futur de la mode. Mais en quoi consiste la mode circulaire ? Quels sont ses bénéfices ? Comment y contribuer ? Et quel est son avenir ?
Rétrospective et évolution
Pour bien comprendre les enjeux actuels de la mode circulaire, voici un retour rapide, quelques décennies en arrière. L’histoire de la mode avec la haute couture au 19e siècle. En 1950, naît le prêt-à-porter et la mode devient « fashion » et ce terme définit à lui seul un passage de relais. Au début des années 2000, ont émergé les marques et, pour la première fois, le nom du fabricant du vêtement compte davantage que son look.
En 2005, il y a eu le boom de la « Fast Fashion » ou plutôt du prêt-à-jeter. C’est le début de la délocalisation pour réduire les coûts de production textile, de la surexploitation des ressources naturelles et des humains, dans le but de produire en masse à bas prix.
Actuellement, les industriels commencent à se tourner de plus en plus vers « la mode circulaire » pour limiter les dégâts et protéger au maximum les ressources naturelles.
Commençons par le terme « circulaire ». Selon les spécialistes, « la circularité est un cycle vertueux qui s’applique aux alternatives visant la réduction des déchets sur la planète. Elle consiste à réutiliser, recycler, réparer et régénérer un produit plutôt que de s’en débarrasser, de sa conception à la fin de son cycle de vie ». Dans ce cadre, la mode circulaire consiste à se battre contre une mode jetable en limitant l’empreinte carbone d’un vêtement.
Des solutions efficaces
Pour limiter les dommages, il est important que les industriels du secteur textile opèrent en amont mais, également, en aval. Il convient, tout d’abord, de se pencher sur le modèle d’éco-conception du vêtement : sa production (au maximum local avec une empreinte carbone allégée) et son approvisionnement en matières durables (fibres naturelles comme le lin, le chanvre, le coton bio dont la culture ne nécessite pas d’engrais, et étant des fibres facilement recyclables). Ensuite en aval, il serait nécessaire de prolonger la vie du vêtement par toutes les alternatives possibles : en le réutilisant, en le recyclant, en le réparant, en le revendant, en le louant …
La mode circulaire compte de nombreux avantages par rapport au modèle linéaire de la « Fast Fashion ». La mode circulaire maintient les ressources en service aussi longtemps que possible afin d’en extraire la valeur maximale de leur utilisation. Il est donc important de réduire les déchets utilisés, de réduire l’impact environnemental de la production et de stimuler la productivité des ressources.
Selon une récente étude, un modèle circulaire « pourrait augmenter la productivité des ressources en Europe de 3% d’ici 2030, générant des économies de coûts de 600 milliards d’euros par an et de 1,8 billion d’euros supplémentaires en d’autres avantages économiques ».
Cette même étude suppose qu’il y a tellement de vêtements sur notre planète que l’on pourrait habiller l’humanité entière sans produire davantage de nouveaux textiles, et ce, grâce à la circularité et à la mode seconde main. Le travail présente même quelques exemples d’alternatives. Faire de l’up-cycling, c’est-à-dire recycler ses vêtements tout en leur apportant une nouvelle utilité (transformer une robe en jupe), consommer moins, mais mieux, prêter attention à la matière, à la qualité, à la provenance et prolonger au maximum la consommation du produit, acheter de la seconde main. En consommant des pièces déjà produites et existantes, nous pouvons parvenir à réduire l’impact écologique.
Il est aussi primordial de donner les vêtements que nous ne portons plus. Le don est donc le moteur de mode circulaire. Certaines personnes pourront prolonger la durée de vie du produit plutôt que de l’acheter neuf.