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Station de transformation des déchets en Biogaz à Bir El Kassâa : A qui profite l’abandon ?

 

Créée dans le but de valoriser les déchets, diversifier les sources d’énergie et lutter contre la pollution, une station de traitement énergétique des déchets organiques à Bir El Kassaâ a été inaugurée en juin 2010.

Adjacente au marché de gros à Bir El Kassaa, cette station a pour vocation de transformer les déchets alimentaires en biogaz. Un appel d’offres pour la réalisation de l’étude a été lancé. Celle-ci a estimé à 2.5 millions de dinars le coût de réalisation de la station. A l’époque, le marché de gros produisait environ 35 tonnes de déchets par jour  et quelque 2.5 millions par an sur tout le territoire tunisien. La réalisation de cette station par le biais de la valorisation de ces déchets pouvait générer, selon l’étude en question, 400 mégawatts en énergie propre non fossile, soit l’équivalent de la station de la Steg à Radès.

La station

Le projet consiste en la valorisation énergétique des déchets de fruits et légumes issus du marché de gros de Bir El Kassaâ et autres marchés avoisinants, soit 35t par jour en pointe à 12% de matière sèche.

En effet, cette installation est une cogénération fonctionnant au biogaz issu de la biométhanisation de ces déchets, qui produira de l’électricité et de la chaleur.

L’électricité produite devait couvrir les besoins de la Sotumag et un excédent devait être injecté dans le réseau de la Steg.

La chaleur générée sera utile à la fois pour le projet lui-même ainsi que pour la production du froid nécessaire pour les chambres frigorifiques, dans une étape future.

En outre, les digestats à 25 % de matière sèche produits par cette installation à raison de 1.1 t/j en pointe seront utilisés par la suite comme fertilisant.

Compte tenu que ces déchets verts sont très humides et riches en matières organiques biodégradables, la technologie de digestion anaérobie permet la valorisation de ces produits, en plus de la conversion des déchets organiques en énergie, la biométhanisation permet d’avoir un résidu servant comme matière fertilisante en agriculture.

La technologie utilisée dans ce projet est la biométhanisation  fermentation bactérienne.

La biométhanisation est le seul mode de traitement permettant d’être excédentaire en termes de production d’énergie car la récupération de méthane peut produire de l’électricité, de la chaleur (chauffage) et du froid (réfrigération). Elle permet de respecter le cycle du CO2 et de la matière organique. Le principe est de convoyer des matières solides avec des vis sans fin dans un bac, puis une vis d’incorporation introduit les matières à travers le voile béton du digesteur.

Les matières liquides, telles que les graisses, les effluents ou bien encore les jus récoltés dans le local apport, sont stockées dans la préfosse. Une pompe équipée d’une tête broyeuse refoule cette matière liquide vers le digesteur à travers le répartiteur.

Les fosses de méthanisation sont au nombre de trois  une préfosse de réception des produits liquides à semi-liquides, un digesteur et un post-digesteur. Chaque fosse est munie de deux agitateurs  un agitateur mixeur et un agitateur immergé. Nous utilisons une seule pompe pour effectuer la circulation des flux liquides sur la globalité de l’installation. En plus de cela, les flux menés vers la pompe se font par écoulement gravitaire. Il s’agit d’une pompe centrifuge capable de convoyer de la matière à plus de 10% de MS. La pompe refoule le flux vers un répartiteur, qui permet de répartir le flux en question vers chaque fosse ou canne d’épandage reliée au répartiteur.

La recirculation de matières du post-digesteur vers le digesteur se fait de manière très aisée. Pour effectuer le passage de la matière digérée du digesteur vers le post-digesteur, nous utilisons les forces naturelles, selon le principe des vases communicants. Les réseaux de chaleur sont implantés dans la partie inférieure du digesteur et du post-digesteur sous forme de tubes en acier inoxydable maintenus par un système d’équerre de montages fixés au voile des fosses dont le diamètre est de 110mm et l’épaisseur de 2mm. Il y a 3 anneaux dans le digesteur et 2 anneaux dans le post-digesteur, montés en système serpentin.

Le volume du biogaz ainsi produit par jour et à partir de 70 tonnes de déchet est de l’ordre de 4.578 Nm3/j avec une teneur en méthane de 55%.

Un système de soupape de dépression/surpression permettra le contrôle et la régulation de la pression interne. La pression dans le digesteur est mesurée par un pressostat sur la sortie biogaz. Le biogaz est stocké dans un gazomètre qui se gonfle et se dégonfle au gré de la production de biogaz. Ce biogaz est épuré par un filtre H2S puis compressé pour alimenter un moteur à gaz bi-combustible de puissance électrique 330Kwe.

Un groupe froid installé au niveau de la ligne de biogaz permet de refroidir le biogaz fortement sur un court laps de temps.

L’installation est par ailleurs équipée d’un analyseur biogaz qui mesure les teneurs en CH4 (méthane),O2 (oxygène),CO2 (dioxyde de carbone) et H2S(sulfure d’hydrogène).

Une torchère permet de brûler le biogaz en excès, qui donc forme une surpression dans la fosse.

Impacts économiques et écologiques

Grâce à cette station, on peut identifier trois types d’impacts. Les impacts économiques qui s’articulent autour d’un gain important d’économie d’énergie sur la facture d’électricité, un gain substantiel des frais de dénaturalisation, de transport et d’enfouissement des déchets et un gain potentiel sur la valorisation des digestats. Un impact social  travers la création d’emplois supplémentaires et des impacts écologiques avec le désengorgement des décharges publiques.

En effet, la Société des marchés de gros de l’époque dépensait pas moins de 1000 dinars par jour pour les éliminer à Borj Chakir (environ 300 millions de dinars par an au cours de cette période (il a peut-être doublé aujourd’hui).

Le parcours du combattant

Au mois de novembre 2009, Ali Kanzari reçoit la notification d’attribution du marché par le ministère de l’Environnement. Mais il fallait que la station fût prête pour le mois de juin 2010. Les travaux ont été engagés à un rythme rapide. Le promoteur, pour faire vite, a contracté un prêt auprès de sa banque. Il engage des sous-traitants spécialisés étrangers et locaux pour honorer ses engagements et livrer la station dans les délais impartis. Entre-temps on lui demande de porter la capacité de la station au traitement de 50 tonnes de déchets par jour. Il s’agissait de collecter les déchets alimentaires des casernes et des prisons (20 tonnes/jour). Des conventions à cet effet ont été signées avec l’Anged notamment. Ce qui exige une augmentation de 1,3 million de dinars. Il fallait dès lors signer un avenant et constituer une commission qui a  approuvé un budget supplémentaire de 900 mille dinars. Le 30 mai Ali Kanzari reçoit la première tranche soit 1 million 100 mille dinars qui représente la quote-part de la Sotumag. Le reste devant être réparti entre le ministère de l’Environnement (1.400 mille dinars ) et les autres agences sous tutelle devaient se charger du reliquat.

Coup de théâtre, la Révolution du 14 janvier 2011 bloque le processus. La station était prête pour entrer en service mais il n’y avait pas de raccordement à la Steg. Entre-temps, le propriétaire du projet s’est retrouvé confronté à de nombreux problèmes financiers, des problèmes juridiques et des pressions visant à mettre fin à l’accord entre lui et l’État et à considérer la station impropre à l’exploitation sur la base de rapports et de tests que le porte-parole a qualifiés d’erronés et de non sérieux.

Ce qui servira d’alibi pour ceux qui ont fait une chasse aux sorcières pour pointer du doigt le projet. Mais le promoteur continue à mener son travail contre vents et marées (essais, analyses, etc.).

Depuis, la station est envahie par un ballet d’experts non spécialisés pour des missions d’audit et de contrôle. S’ensuit une résiliation unilatérale et abusive du marché. Le promoteur est évacué par la force de la station qui sera depuis à l’abandon.

Conséquences : les déchets produits par le marché de gros passent de 35 tonnes par jour à moins de 2.5 tonnes par jour. Ce qui veut dire que plus de 30 tonnes de déchets alimentaires impropres à la consommation sont remises à la vente sur les étals.

Pour le promoteur, bonjour les dégâts. Il assure les frais bancaires du prêt à un coût élevé, soit à l’époque TMM+5,5%. N’étant pas payé par l’Etat, il a dû brader un bien d’une valeur de 7 million de dinars à 4 million de dinars pour rembourser le crédit.

Aujourd’hui, après plus de 12 ans, son calvaire continue. Le dossier traîne en justice bien que l’argent prévu pour cette station soit déposé à la BNA. Il engage tous les recours et procède à des sit-in devant le siège du ministère de l’Environnement. En vain. Il a dû libérer plus de 40 personnes qui, après avoir acquis une expérience notable dans le domaine, ont trouvé des emplois dans des firmes internationales actives dans le domaine des énergies renouvelables.

Entre-temps, la station pilote, avec ses divers équipements modernes et avancés, a été transformée en décharge de déchets du marché et s’est retrouvée dans une situation catastrophique et a besoin d’être déblayée et entretenue après avoir été « noyée » dans les déchets.

A cet effet, Ali Kanzari ne baisse pas les bras. Il pense que la Tunisie ne devrait pas sacrifier un tel projet innovant et valorisant et qu’il faudrait, moyennant une petite enveloppe qui ne dépasse pas 200 mille dinars, remettre à niveau la station et la confier à un investisseur privé pour son exploitation.

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