Les nouvelles structures de l’économie sociale et solidaire représentent un espoir pour l’avenir du pays en répondant aux défis actuels et en créant des opportunités pour les générations futures.
De nos jours, les jeunes en Tunisie sont de plus en plus impliqués dans la création de structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) pour relever les défis auxquels notre pays est confronté. Ils ne cessent d’apporter de nouvelles idées, de l’innovation et un engagement en faveur du bien-être social et de la durabilité. Mais pour qu’ils puissent jouer pleinement ce rôle, ces jeunes ont besoin de nouvelles générations de structures de l’ESS pour apporter fraîcheur, dynamisme et innovation au secteur et relever par la suite les défis contemporains afin de contribuer de manière significative au progrès social et environnemental.
Ceci est encore vrai à l’heure où ces nouvelles structures de l’ESS jouent un rôle crucial dans le développement socioéconomique de la Tunisie en favorisant l’emploi des jeunes, en promouvant l’inclusion sociale, en encourageant l’innovation et en contribuant à la durabilité.
Quelles sont les caractéristiques principales qui distinguent les nouvelles générations de structures de l’ESS des anciennes ? Comment s’adaptent-elles aux défis économiques et sociaux contemporains ? Quel est leur impact sur la création d’emplois et la réduction de la pauvreté en Tunisie ? Comment ces structures contribuent-elles à renforcer la solidarité et l’inclusion sociale ?
C’est principalement à ces questions et à bien d’autres que les participants à la cérémonie de présentation de la nouvelle structure de l’ESS du projet JEUN’ESS ont tenté de répondre lors d’une rencontre tenue hier à Tunis.
L’événement a été marqué par la présence du ministre de l’Économie et de la Planification, Samir Saied, de l’Ambassadeur de la délégation de l’Union européenne en Tunisie, Son Excellence Marcus Cornaro, du Coordonnateur Résident du système des Nations unies en Tunisie, Arnaud Peral, ainsi que du conseiller technique principal du projet JEUN’ESS, Youssef Fennira.
Innover pour financer
En présentant les caractéristiques du projet JEUN’ESS, Youssef Fennira a précisé que l’accès au financement est l’un des grands problèmes soulevés par les jeunes tunisiens, notamment dans les régions, malgré l’existence des idées, de la volonté d’avancer, d’innover… Mais ceci n’est que la partie émergée de l’iceberg.
“C’est face à cette situation qu’on a opté pour un partenariat avec la BTS pour simplifier ce processus et faciliter la tâche à nos jeunes. Cette autonomisation économique de la population vulnérable — qui est un mot très cher pour nous — est l’âme du projet qu’on porte aujourd’hui. Mais le financement à lui seul n’est pas suffisant, ces jeunes doivent apprendre comment passer de la production à l’étape de la valeur ajoutée pour réussir dans leur projet et créer de la différence…
C’est en fait autour de cette idée qu’est né le projet JEUN’ESS avec quatre fonds qui sont le Re-Fund Challenge, le Social Innovation Fund, les Clubs Limit l’ESS ou encore le Market Fund. D’une manière générale, ce projet cherche à renforcer l’autonomisation économique des jeunes en situation de vulnérabilité par la promotion de l’action dans l’économie sociale et solidaire. Cet appui doit permettre de garantir une dynamique de développement de la structure en préservant les emplois déjà existants et en impulsant une stratégie de création de nouveaux emplois ”, a-t-il indiqué.
179 structures dédiées
Se référant aux chiffres, Youssef Fennira a souligné qu’en Tunisie, l’économie sociale et solidaire a connu un essor significatif avec la création et la consolidation de 179 structures dédiées depuis le lancement de ce projet, il y a un et demi. Ces initiatives ont eu un impact direct sur l’emploi, générant 1.341 emplois nouvellement créés ou consolidés. De plus, l’ESS a joué un rôle majeur dans la formation et l’incubation de la jeunesse tunisienne, avec 1.235 jeunes ayant bénéficié de programmes de formation et d’incubation. En partenariat avec Enactus Tunisia, 23 clubs de l’ESS ont été lancés, favorisant l’engagement et l’innovation sociale parmi les jeunes. Il est à noter que 69 % des bénéficiaires de ces initiatives sont des femmes, démontrant ainsi l’impact positif de l’ESS sur l’autonomisation des femmes en Tunisie.
“Il est important de rappeler à ce niveau que notre objectif initial était de financer et accompagner 98 projets. Aujourd’hui, nous sommes fiers d’annoncer que 137 projets ont été retenus pour un financement dans la prochaine phase du projet.
Ces derniers sont porteurs d’espoir et sont soutenus par 765 jeunes qui ont été mobilisés au cours des six derniers mois grâce à nos différents partenariats. Notons que dans l’ensemble, le budget total alloué à ces initiatives s’élève aujourd’hui à environ 11.229.487 dinars”, a-t-il affirmé.
Les trois ‘’S’’
Samir Saïed, ministre de l’Economie et de la Planification, a, quant à lui, indiqué que grâce à cette rencontre, l’OIT a ouvert une porte d’écoute aux jeunes entrepreneurs, qui ont déjà entrepris ou qui envisagent de se lancer dans de nouveaux projets. Mais dans environ 80% des cas, la question du financement est au cœur de leurs préoccupations. “Lorsque nous échangeons avec des banquiers et des investisseurs, ces derniers nous indiquent que les jeunes sont prêts, mais ils manquent souvent d’un projet viable.
C’est pourquoi nous devons travailler main dans la main, en mettant l’accent sur l’accompagnement, qui sera le principal catalyseur de réussite. Nous pouvons aborder cette question à travers le concept des ‘’trois S’’”, a-t-il souligné.
Sur ce dernier point, le ministre a précisé que le premier «S» est la Synergie. Il s’agit d’encourager les entrepreneurs à se regrouper pour se soutenir mutuellement et compléter leurs compétences. Cela permet de maximiser leurs compétences collectives et de remédier à leurs faiblesses.
Le deuxième «S» est la solvabilité qui découle des ressources financières. “Nous ne devons pas nous limiter à la BTS ou à d’autres institutions bancaires. Nous devons diversifier les sources de financement, notamment les fonds publics et les dons. Il est essentiel de prévoir une stratégie de financement à long terme pour garantir la viabilité du programme, car les besoins de fonds de roulement, d’investissements et d’expansion augmentent avec le temps”, a-t-il encore souligné.
Finalement et non moins important, M. Saïd indiqué que le troisième «S» est la sélectivité. Il est essentiel de ne pas financer que les projets et les groupes d’entrepreneurs qui ont été correctement formés, qui ont identifié un marché potentiel et qui ont bien préparé leur plan. “Cette approche ne doit pas exclure ceux qui ne sont pas sélectionnés lors d’un appel à projets spécifiques, car cela peut servir de catalyseur pour améliorer leurs projets. Il est aussi essentiel de se rappeler que le succès d’un projet est construit progressivement, étape par étape. Les jeunes entrepreneurs qui ont franchi le pas ont déjà acquis la culture, les compétences et le savoir-faire nécessaires pour faire de leur projet un succès professionnel et personnel”, a-t-il expliqué.
Pour conclure, le ministre a affirmé que pour réussir, nous devons également miser sur la science, le savoir et la digitalisation. Même dans l’artisanat, la technologie peut ouvrir des marchés mondiaux, au lieu de se limiter à une clientèle locale. “A titre d’exemple, grâce à la technologie actuelle, il est possible de vendre des produits artisanaux à l’échelle internationale, ce qui était autrefois limité au quartier. Il est temps de tirer parti de ces outils pour garantir la réussite de l’ensemble des programmes”.
La coordination et l’articulation : Un impératif pour atteindre les ODD
Pour sa part, Arnaud Peral a précisé que ce type de programme constitue une illustration exemplaire de la coordination et de l’articulation.
Cette collaboration favorisera aussi une meilleure connectivité entre les différentes parties prenantes qui portent des initiatives, ainsi qu’avec la coopération internationale présente en Tunisie, ce qui leur permettra de mieux identifier ce qui fonctionne bien et les domaines dans lequels ils pourraient investir de manière plus efficace pour maximiser leur impact.
“Lors de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, nous avons constaté qu’en raison des répercussions de la pandémie de Covid-19, de la situation financière mondiale, de la géopolitique et de l’économie internationale, nos ambitions sont loin d’être réalisées. En ce qui concerne l’ensemble des objectifs de développement durable (ODD), le bilan indique que seulement 15 % des objectifs fixés pour 2030 seront atteints.
Concernant l’objectif de réduction de la pauvreté d’ici 2030, seuls 30% des pays y parviendront, ce qui signifie que 70% d’entre eux échoueront. Encore une fois, le financement est l’une des clés de cette équation, avec un important déficit financier”, a-t-il affirmé.
Dans le même sillage, le Coordonnateur Résident du système des Nations unies en Tunisie a appelé à une refonte de nos mécanismes de financement international et de notre architecture financière mondiale. “L’évaluation financière pour atteindre les objectifs de développement durable d’ici 2030 nécessite un investissement annuel de 4,2 billions de dollars, une somme colossale, mais réalisable compte tenu des bénéfices accumulés dans certains secteurs, notamment les énergies fossiles et les marchés financiers. Le problème réside dans l’architecture et les mécanismes de financement dont les pays ont grandement besoin dans ce contexte complexe. En conséquence, travailler ensemble est essentiel… La finance est un élément clé, mais il est également impératif de faciliter les relations et la coopération entre les acteurs. Ainsi, les institutions tunisiennes et internationales offrent un soutien crucial aux acteurs locaux qui cherchent à faire la différence grâce à leur travail, leur vision et leur énergie”.
Il est à noter que la fin de la cérémonie a été marquée par la signature d’un partenariat historique entre l’OIT, représentée par Rania Bikhazi, Directrice du bureau de l’OIT pour le Maghreb, et la Banque tunisienne de solidarité (BTS), représentée par son Directeur général, M. Khalifa Sboui.
Rappelons aussi que le projet JEUN’ESS fait partie du programme EU4YOUTH, qui est une initiative de l’Union européenne visant à soutenir la jeunesse. Mis en œuvre par l’Organisation Internationale du Travail (OIT), JEUN’ESS est un projet spécifique qui vise à soutenir les jeunes tunisiens qui souhaitent s’engager dans l’entrepreneuriat social. Il offre des formations, des ateliers, des ressources et un accompagnement pour aider les jeunes entrepreneurs sociaux tunisiens à développer leurs idées de projet, à acquérir des compétences entrepreneuriales et à créer des entreprises à impact social positif, le tout dans l’objectif d’encourager l’innovation sociale et l’entrepreneuriat parmi les jeunes, ce qui peut contribuer au développement économique et social du pays.