Selon l’enquête, la hausse du poids du secteur informel, durant la dernière décennie, a contribué significativement à un revenu par habitant plus faible, une pauvreté plus répandue, de plus fortes inégalités de revenu, un marché financier moins développé, un recul de l’investissement privé, et des retards en matière de réalisation des objectifs du développement durable.
L’Institut tunisien des études stratégiques, en partenariat avec la «Konrad-Adenauer-Stiftung», a publié, cette année, une étude sur l’inclusion financière et son rôle dans la réduction de l’informalité en Tunisie. Ce travail se compose de quatre parties essentielles, à savoir « repères méthodologiques et focus succinct sur l’informalité en Tunisie et ses principaux déterminants », « diagnostic des niveaux d’inclusion bancaire et financière : Tunisie — versus — comparateurs régionaux », « facteurs de blocage et obstacles majeurs à l’inclusion financière en Tunisie » et enfin « initiatives en faveur de l’inclusion financière en Tunisie et pistes ouvertes de réformes pour remédier à l’informalité ».
Selon l’enquête, la hausse du poids du secteur informel, durant la dernière décennie, a contribué significativement à un revenu par habitant plus faible, une pauvreté plus répandue, de plus fortes inégalités de revenu, un marché financier moins développé, un recul de l’investissement privé, et des retards en matière de réalisation des objectifs du développement durable.
Des secteurs vulnérables
D’après la Banque mondiale, en 2021, l’étendue du secteur informel dans les économies émergentes et en développement et surtout en Afrique (hors la sous-région d’Afrique du Nord) elle est la plus marquée, avec un taux de 36,4% du PIB, contrairement à la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena), qui affiche un taux plus faible (22,2%). En Tunisie, la prolifération des activités informelles représenterait près de 40% du PIB en 2014 et 35,6% de la main-d’œuvre, contre 29,2% avant 2011, avec un manque à gagner estimé des recettes fiscales de l’ordre de 11,5 milliards de dinars. Les secteurs d’activités les plus touchés par ce phénomène sont l’artisanat, les services liés à l’agriculture ou encore certains métiers du commerce. L’économie informelle touche plus particulièrement les femmes, les travailleurs peu qualifiés et les jeunes.
On estime que 50% des jeunes occupent des emplois informels. Bien que ces chiffres ne soient pas très récents, la situation n’a pas beaucoup changé. Le phénomène continue à prendre de l’ampleur et devient, à la limite, effrayant. Les statistiques périodiques issues des enquêtes sur l’emploi de l’Institut National de la Statistique (INS) montrent, qu’en 2019, environ 23% de la force de travail sont des salariés dans le secteur informel auquel s’ajoutent 7 % de travailleurs indépendants sans sécurité sociale et 2% qui contribuent à une entreprise familiale, soit près de 32% de la force de travail qui est dans une situation précaire. De toute la région d’Afrique du nord, la Tunisie affiche la première place en termes de production informelle (35,6) et la seconde place en termes d’emploi informel (58,8).
Commissions élevées
« En dépit des efforts pour renforcer l’accès aux services financiers, l’analyse du profil de l’inclusion bancaire et financière en Tunisie montre qu’elle demeure encore en deçà des moyennes des comparateurs internationaux et régionaux», assure l’Ites. «La Tunisie compte seulement 37% de la population bancarisée (adultes âgés de 15 ans et plus qui déclarent avoir un compte dans une institution formelle), contre 43% en moyenne dans la région Mena», relève la même source.
Les femmes, plus que les hommes, sont concernées par ce phénomène d’exclusion puisque 28% seulement détiennent un compte dans une institution formelle contre 46% pour les hommes. Néanmoins, la Tunisie a enclenché une certaine dynamique en matière d’accès et d’utilisation de la finance digitale et de la technologie financière (Fintech), y compris l’utilisation de la téléphonie mobile et d’internet pour effectuer des transactions financières.
Les barrières à l’inclusion financière en Tunisie sont plutôt d’ordre « involontaire » que « volontaire ». S’il est vrai que pour des raisons d’évasion fiscale ou de vulnérabilité sociale extrême, une exclusion volontaire se manifeste pour ne pas recourir aux services financiers formels, les facteurs subis d’exclusion font en sorte que ces barrières sont principalement « involontaires » et ont trait, globalement, à des déficiences économiques d’ordre structurel auxquelles il y a lieu de remédier.
Développement du secteur de la micro-finance
Sur un autre plan, et en ce qui concerne les facteurs de blocage et les obstacles majeurs à l’inclusion financière en Tunisie, selon l’enquête de l’Ites, « les obstacles majeurs d’accès des entreprises et des particuliers aux sources de financement bancaire sont exacerbés en fait par le déficit de liquidité globale du système bancaire et son resserrement, qui ont induit des contraintes de financement de l’économie ».
L’utilisation du cash est inhérente à l’évasion fiscale, d’une part, et du retard accusé dans le développement et l’utilisation des moyens de paiement modernes (TPE et cartes bancaires de paiement) en raison notamment des commissions élevées. Par ailleurs, le volume global des transactions en monnaie électronique demeure faible par rapport aux autres moyens de paiement.
Pour ce qui est des pistes ouvertes et des réformes qui doivent être entreprises en Tunisie, le travail offre plusieurs solutions : la modulation du cadre opérationnel de la politique monétaire, une politique nationale pour consolider le decashing, garantir une inclusion financière par La Poste, le développement du secteur des services financiers et de la finance digitale en plus d’autres mesures de finance non-conventionnelle.
Afin de soutenir une meilleure inclusion financière, il y a lieu de revoir la stratégie de développement du secteur de la micro-finance.
Ainsi, l’inclusion financière des entreprises et surtout des particuliers est d’abord un catalyseur de l’inclusion sociale, et peut constituer un mécanisme majeur pour promouvoir la croissance économique et offrir un avenir meilleur à la population, surtout pour les Tunisiens à faible revenu.
« Des réformes et des mesures globales pour garantir un meilleur accès aux sources de financement bancaire et non bancaire permettraient aussi l’inclusion du secteur informel dans l’économie organisée. La Tunisie présente des opportunités en matière d’inclusion financière. Néanmoins, elle doit encore surmonter des obstacles d’ordre structurel et, à court terme, mettre à profit et moderniser l’usage des moyens et services de paiements, lever les contraintes majeures d’accès des entreprises aux sources de financement, renforcer la pénétration des comptes bancaires et généraliser l’accès des particuliers aux services bancaires et financiers », mentionne l’Ites.