Il y a une vingtaine d’années, le gouvernement réservait plus de 3.000 milliards de millimes pour le projet du Rfr. Cette vision stratégique en lien avec le secteur du transport devait porter ses fruits en 2013. Un retard de 10 ans sur le planning et le programme ne semble pas au bout de ses peines. Pendant ce temps, les usagers du transport public vivent sous pression à cause de la dégradation sans précédent de la qualité des services et de l’incapacité des autorités à satisfaire la demande.
La situation, aujourd’hui, est inqualifiable. Tout ce que l’on peut dire ne suffira pas à décrire le chaos qui caractérise le transport aussi bien dans le Grand-Tunis que dans le reste des gouvernorats du pays. Les Tunisiens n’en peuvent plus de vivre dans cet enfer quotidien sans, pour autant, voir le bout du tunnel.
Des décisions tardives et insuffisantes
La rentrée administrative et scolaire a accentué les problèmes et rendu l’utilisation des moyens de transport (bus ou métros) quasiment impossible pour la majorité des personnes. Chaque jour, ils endurent toutes les souffrances pour arriver à leurs lieux de travail ou à leurs établissements scolaires ou universitaires. Le recours à d’autres moyens (taxis individuels, collectifs, covoiturage, voitures particulières, etc.) les oblige à dépenser beaucoup d’argent grevant ainsi leur maigre budget. Le manque flagrant de véhicules de la part de la Transtu et des retards énormes occasionnent des préjudices à tout le monde. Les travailleurs retardataires ont des problèmes avec leurs employeurs. Les élèves et les étudiants (surtout) ratent des cours et des TD (travaux dirigés). Et d’autres patients manquent des rendez-vous avec leurs médecins de santé publique, etc. Rien ne leur permet de se justifier. Dans le temps, les opérateurs de transport pouvaient délivrer des billets de retard qui étaient pris en considération. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Le pire c’est qu’on ne sait plus, en se réveillant, si on va arriver tout court ou arriver sans retard à destination. L’attente d’un moyen de transport, le matin, est une vraie torture pour les usagers. Ces derniers s’estiment heureux de pouvoir monter dans un bus ou un métro déjà bondés. Les gens s’agrippent aux portes et empêchent, souvent, le métro de continuer son chemin. Chacun tient bon à ne pas laisser échapper cette ultime opportunité, car il n’est pas sûr de trouver un autre moyen. De tels spectacles nous rappellent ceux que l’on voit dans des documentaires dans certains pays d’Afrique ou d’Asie. Pour les Tunisiens, il n’y a pas d’espoir de voir se résoudre cette situation malheureuse dans les prochains mois ou années. De crainte que cela s’éternise à jamais.
Absence de volonté et de réactivité
Malgré l’acquisition d’une centaine de véhicules d’occasion et la restauration de certains autres et leur injection dans le trafic, on ne remarque aucune amélioration. En outre, les habitants de la banlieue Nord-ouest de la capitale ne comprennent pas l’inaction des autorités face aux retards qui perdurent au niveau du parachèvement du projet du Rfr. Des mesures énergiques sont attendues par des centaines de milliers d’habitants de cette banlieue privée d’un moyen de transport moderne et de qualité. Jusqu’à quand cette situation va-t-elle perdurer ?
Par ailleurs, c’est à une détérioration de plus en plus grande que l’on assiste. L’irrégularité des fréquences et les retards cumulés perturbent le trafic et compliquent davantage les choses. Les métros qui ont pourtant une emprise propre accusent le plus de retards et du coup ils ne respectent plus la fréquence. On peut, par exemple, attendre un métro pendant une heure ou plus. Ceci sans parler des suspensions impromptues du trafic pour diverses causes par les conducteurs de métros. Dans tous ces scénarios, l’utilisateur est royalement ignoré. Aucun effort de communication de la part du transporteur. On ne trouve aucune explication des arrêts intempestifs des métros, il y a quelques jours. Rien dans la page officielle de la Transtu. Aucun affichage, ni utilisation des haut-parleurs existants dans les principales stations pour renseigner les clients et leur permettre de prendre les décisions qui s’imposent.
En tout état de cause, il faut reconnaître qu’il n’y a pas, uniquement, urgence mais bien plus. Les autorités ne réagissent pas avec la célérité et l’efficacité requises, sans prendre les mesures qu’il faut au moment opportun. Il y a, nous semble-t-il, une absence d’initiative et de volonté.
Ils naviguent à vue !
Les décideurs ne cherchent pas de nouvelles voies pour résoudre la question et n’osent pas s’aventurer sur des terrains inconnus. La politique actuelle se limite à gérer la crise et non à lui trouver des solutions. Depuis 2015, les différents responsables promettaient l’achat de nouveaux moyens de transport, des partenariats avec l’Allemagne pour prendre en charge la rénovation du parc de Tunis-Marine et l’acquisition de bus d’occasion auprès de la France. Toutes ces promesses ne se sont pas totalement concrétisées ou le sont avec de grands retards. Cela montre, si besoin est, que le secteur ne dispose pas d’une véritable stratégie comme cela était le cas il y a une vingtaine d’années.
Les responsables naviguent à vue. Pourtant, il suffit d’avoir le courage de proposer une nouvelle approche et sortir des sentiers battus qui ont montré leurs limites. Aujourd’hui, il n’y a qu’une seule issue. Le secteur a besoin de la mobilisation d’énormes moyens, quitte à sacrifier d’autres secteurs.
Serait-il insensé de parler ainsi? Point du tout.
D’anciens responsables du secteur, aujourd’hui à la retraite, sont presque unanimes à conseiller l’adoption d’une politique plus ambitieuse et plus audacieuse. Ils n’hésitent pas à exiger de l’Etat de consacrer un budget conséquent pour développer le secteur du transport public.
Une enveloppe de pas moins de 4.000 milliards de millimes devrait lui être consacrée dans les toutes prochaines années. Soit un chantier qui ne peut plus attendre. A l’instar de ce qu’on dit du bâtiment: quand le transport va, tout va !