Accueil A la une Crise de la santé publique : A qui profite le statu quo ?

Crise de la santé publique : A qui profite le statu quo ?

 

Le fait est là ! Tous ceux qui ont accédé à la tête du département de la Santé ont fait preuve d’une mauvaise gestion du dossier. Certes, le constat semble inquiétant, mais il n’est guère surprenant.

Notre santé publique ne se porte pas bien. Cela n’est guère une fatalité. Mais bien une évidence qui tient à la réalité crue d’un secteur à bout de souffle, dont l’œuvre de réforme a toujours buté sur d’énormes difficultés, à toutes les échelles. En témoignent, sans détours, médecins et personnel de santé, eux-mêmes las d’avoir pointé du doigt les maux de nos hôpitaux. Combien de fois ils ont protesté et alerté sur un tel état des lieux affreux, lequel n’est que la suite des stratégies improvisées et mal conçues. Seul le pauvre patient en paie les frais.

Nos hôpitaux en danger bien réel !

Certes, la vérité dérange. Nos hôpitaux sont en danger bien réel. D’autant que le droit d’accès à la santé n’est plus garanti. Contrairement à ce que stipulent la Constitution tunisienne et celles du monde entier, étant donné que l’être humain est digne de tout respect et que ses droits priment sur tout autre considération. On ne badine pas avec sa santé ! Dans nos hôpitaux, les patients peuvent être confrontés à des risqies à cause de certaines négligences. On les traite grossièrement et sans ménagement, loin des petits devoirs de convenance et de civilité. Les prendre en charge, les accompagner tout en leur fournissant les soins nécessaires dont ils ont besoin, en urgence, cela n’est pas toujours garanti. Aller prendre un rendez-vous, se faire consulter ou s’informer de quoi que ce soit, vous risquez de vous engouffrer dans le maquis de la bureaucratie, à n’en plus finir. Des seniors, des handicapés ou des malades épuisés, pourtant munis de leurs carnets de soins à tarifs réduits, ont du mal à s’inscrire aussi facilement. Pour eux, la longue attente est une véritable torture. Alors, se faire soigner dans la dignité n’est-ce pas un droit acquis? Oui, mais, en Tunisie, on ne fait pas dans la dentelle. Pourquoi tout service correctement rendu ou tel rôle dûment accompli revêtent-ils souvent l’aspect d’un privilège gratifié ? Voire une faveur exclusivement accordée à certains patients aux dépens des autres. En effet, tous ces comportements aussi extravagants ne font que cultiver indécence et favoritisme. Pire, dans un tel milieu sensible à tous ces abus, cela pourrait coûter très cher en vies humaines.

Deux millions n’ont pas accès aux soins !?

A ce paysage hospitalier indiscipliné s’ajoutent corruption et mauvaise foi. Face à une telle situation intenable, marquée par des structures quasiment défaillantes, le projet de réforme sanitaire demeure, aujourd’hui, plus que nécessaire. Voire impératif, à plus d’un titre. Or, la vérité a toujours un visage blafard : infrastructure de base mal en point, appareils et équipements complètement dégradés, produits périmés, services de soins rendus inhumains, défauts médicaux sans restriction, rapports personnel-patients tendus, centres hospitaliers en état d’urgence, médicaments en rupture de stock… La crise du secteur n’est plus à démontrer. Et les chiffres sont têtus : «Près de deux millions des Tunisiens n’ont aucune couverture sanitaire, alors que presque trois quarts d’entre eux ont du mal à bénéficier de soins de qualité», ainsi dénonçait l’Association tunisienne de défense du droit à la santé. Et pourtant, on paye aussi cher nos frais médicaux et consomme assez de médicaments qui ne sont plus à la portée de toutes les bourses. 

On est face à une santé à deux vitesses. Et la pandémie de Covid-19 lui asséna un coup de grâce, mettant à nu son dysfonctionnement. Mais, au pays des paradoxes, on dit, parfois, la chose et son contraire, la vérité et la contre-vérité. Autrefois, se rappelle-t-on encore, un ancien ministre de la Santé allait jusqu’à démentir son porte-parole et nier une crise du secteur bien réelle. Il avait préféré la fuite en avant : «Notre système est encore capable de surmonter les difficultés et les urgences grâce aux compétences des professionnels de la santé…». Pourtant, tout le monde sait que notre potentiel hospitalier s’épuise de plus en plus. Et que le temple de la santé, jadis une source de fierté nationale, est en train de s’effondrer comme un château de cartes.

On s’en remet au Président

L’actuel ministre et ses prédécesseurs sont-ils au parfum des souffrances des patients et le calvaire qu’ils subissent tous les jours dans les dédales des hôpitaux ? Peuvent-ils nous édifier sur les besoins pressants des régions en médecins spécialistes ? Ont-ils entendu parler du matériel et des équipements médicaux constamment hors service, du trafic des médicaments, des consultations externes bâclées, des délais des rendez-vous trop prolongés, de la fuite de milliers de cerveaux et bien d’autres fléaux qui déciment le corps de la santé publique ? Encore, des hôpitaux locaux et régionaux saignent à blanc. Où va-t-on ? En 2017, peu avant sa mort subite, Slim Chaker, alors ministre de la Santé, avait poussé un cri d’alerte, insistant sur la réhabilitation du secteur. Soit l’élaboration d’un plan santé qui aurait pu, à l’époque, nous sortir d’une crise sans fin. Hélas, l’homme décéda, peu après sa prise de fonction, et tout fut enterré avec lui. Comme si de rien n’était !

Et depuis, aucun ministre n’a eu le courage d’avancer sur les problèmes de la santé.  Force est de constater qu’il est temps de se pencher sur le devenir du secteur de la santé. En 2012, une idée de projet de réforme sanitaire, théoriquement engagée, sans être suivie d’effet. Mohamed Salah Ben Ammar, alors ministre de la Santé dans le gouvernement Mehdi Jomâ, avait eu à promettre monts et merveilles : «Tout fut ainsi annoté dans le livre blanc du secteur et il ne reste que passer à l’action», ainsi révéla-t-il. De tels propos positifs nous ont donné l’envie de nous laisser bercer d’illusions et croire dur comme fer en son projet qualifié d’ambitieux. Tout comme l’Education, l’on doit, urgemment, lancer une consultation nationale sur la réforme du secteur de la santé qui soit ouverte à tous les citoyens. Et là, le président Kais Saied est sollicité pour prendre les choses en main et sauver les meubles. Car la santé reste un capital inestimable.

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