Les clubs de chant sont des espaces enchantés où les rêves reprennent forme en chansons et les émotions s’expriment en harmonie.
À travers les années, une tendance musicale est en train de prendre de l’ampleur, rassemblant des personnes pour chanter et même jouer d’un instrument de musique : ce sont les clubs de chant.
C’était vendredi soir, 18h15, au club de chant Loumy’ARTS. Dans une ambiance conviviale, les participants affluaient dans l’espace, chacun prenant sa place devant son pupitre. Ils étaient détendus, leurs pieds bien fixés sur le sol, les yeux fixés sur le maestro, attendant le début de la séance de chant. Après les salutations, le maestro commença par des vocalises pour préparer le groupe à interpréter un dawr, exigeant une grande concentration et de nombreuses répétitions. Tantôt, il chantait lui-même, tantôt il donnait la parole à la chorale pour répéter, tout en les écoutant attentivement pour corriger les erreurs et leur permettre d’apprendre la chanson correctement.
La chorale était confrontée à un défi : apprendre le dawr. Après une heure, les participants étaient prêts et commençaient à chanter en solo, chacun ayant un moment libre pour briller.
Apprendre les techniques de chant
Pour faire chanter un groupe ensemble, M. Nizar Abdelkefi, professeur de musique et chef de clubs de chant, nous explique «qu’une bonne séance de chant ne peut commencer sans un moment de détente, d’étirement et de respiration. Je consacre donc un laps de temps aux vocalises pour chauffer les voix par des exercices physiques. En effet, le son nécessite une petite récupération musculaire pour rester performant. Ces exercices permettent de contrôler le souffle tout en laissant la voix évoluer librement. Ensuite, vient l’étape de faire chanter le groupe ensemble. Je dois le diriger en donnant des consignes sur le moment où il faut chanter, l’intensité vocale, et quand il faut s’arrêter. J’interviens dès le départ et je guide la vitesse suggérée par des gestes. Je joue également un rôle essentiel dans l’arrêt synchronisé du groupe, car il est important de savoir commencer et finir ensemble. Le contact visuel est essentiel pour guider le groupe. Je dois aussi faire motiver tous les participants et stimuler le désir de chanter, puis, c’est au tour des chanteurs de prendre le relais. Je consacre le reste du temps aux solistes, leur permettant d’explorer leurs propres interprétations artistiques. Je les écoute attentivement, corrige les erreurs et les aide à briller individuellement, que ce soit avec des chansons classiques ou récentes. J’organise même des séances d’instrument pour celles et ceux qui aspirent à améliorer et développer leur potentiel instrumental. Tout cela se déroule dans une ambiance conviviale, loin du stress quotidien, où nous partageons ensemble nos émotions».
Revaloriser le patrimoine musical
Le Pr Abdelkefi accorde un intérêt particulier aux chansons traditionnelles arabes, en général, et tunisiennes en particulier, et ce, «afin de revivifier la nostalgie des jours révolus et perpétuer notre héritage musical qui est malheureusement en cours de disparition, contrairement à d’autres pays, à l’instar de l’Algérie qui est en train de préserver son patrimoine musical, s’imposer comme un point focal africain et exporter sa culture musicale dans le monde. Tandis que chez nous, n’eussent été quelques très rares artistes, tels que feu Zouheir Belheni, grand compositeur et violoniste qui avait enseigné à La Rachidia, son ami Béchir Bhouri, enseignant principal au conservatoire national de musique, Zied Gharsa et quelques instituts de musique, comme l’Institut supérieur de la musique et le Conservatoire national de musique, qui redoublent d’effort pour conserver ce patrimoine, notre héritage musical aurait disparu et serait tombé dans les oubliettes. Donc, c’est de mon devoir comme enseignant de mettre la main à la pâte et transmettre et partager ce répertoire riche et consistant au public.
Un espace de divertissement
et de partage d’émotions
La directrice du club, Mme Mervet Elloumi, diplômée en musique arabe, a déclaré que «notre Club Loumy’ARTS offre l’occasion de partager la passion de la musique, en créant un espace qui permet de développer les compétences vocales, partager nos émotions, offrir aux amateurs l’occasion de se produire en public lors de concerts ou d’événements spéciaux que nous organisons tout au long de l’année et d’explorer un répertoire varié qui répond à tous les goûts, et ce, à l’aide de professeurs très compétents dans le domaine artistique qui fournissent des séances de qualité permettant aux membres du club d’améliorer leurs compétences vocales et instrumentales». Et d’ajouter que « les membres du club sont répartis en groupes, auxquels s’ajoutent un groupe dédié aux médecins et un autre destiné aux mamies».
Zineb Kamoun Damak, 48 ans, membre du club de chant, juriste universitaire, passionnée de musique depuis l’enfance, a déclaré : «Je faisais partie de la jeunesse scolaire du lycée Habib Thameur à Sfax. Ma première montée sur scène était à l’âge de 10 ans. J’ai intégré la chorale du lycée et je jouais, depuis, le qanoun. Je suis enchantée de faire partie de ce groupe de chant grâce tout d’abord à la présence du maestro Nizar Abdelkefi, dont le professionnalisme est une source d’inspiration. Chanter en groupe me donne l’occasion d’écouter d’autres belles voix, de m’améliorer, d’être performante. De plus, des liens sociaux se créent avec les membres du club. Cela me permet de sortir du stress quotidien et de me défouler pendant une séance de chant».
L. C., 49 ans, travaille dans le domaine médiatique et membre de ce groupe, nous a révélé : «Je suis membre de ce club depuis sa création en 2016, je chante et je joue au luth. Ce qui me permet d’explorer le monde musical qui est à la fois vaste et passionnant. Les séances de chant ont pour moi une dimension thérapeutique car elles me permettent de me libérer du stress quotidien, des ondes négatives et de partager des émotions avec des personnes avec lesquelles je suis à l’aise. De plus, elles renforcent ma confiance en moi».
Le chant : un outil
psychothérapeutique
Dans cet ordre d’idées, Mme Soumaya Baklouti, psychothérapeute à Montréal et membre de ce club culturel, suit des cours de chant à distance à des fins professionnelles, a déclaré que «les techniques de chant peuvent être utilisées de manière thérapeutique dans une approche appelée musicothérapie ou thérapie par le chant pour aider les patients à gérer leur santé mentale, émotionnelle et physique. Le chant peut les aider à surmonter des problèmes physiques, tels que ceux liés à la posture ou à la respiration, ainsi qu’à aborder des problèmes émotionnels, tels que la gestion du stress, de la dépression, de l’anxiété… Il réduit ces problèmes puisqu’il libère des endorphines, induisant ainsi un sentiment de bien-être. Le chant permet, en outre, d’exprimer des émotions de manière créative, favorisant ainsi la libération émotionnelle et le soulagement. Il peut encourager une meilleure posture et renforcer la confiance en soi, car il nécessite une présence et une projection vocale. Le chant améliore aussi la respiration. En fait, il nécessite une respiration contrôlée, ce qui peut renforcer les muscles respiratoires et améliorer la capacité pulmonaire. Ainsi, le chant régulier peut renforcer le système immunitaire en augmentant la production d’immunoglobulines et d’autres facteurs liés à la défense du corps. Il stimule aussi la circulation sanguine puisqu’il peut augmenter le flux sanguin, favorisant ainsi une meilleure circulation dans tout le corps.
D’un autre côté, le chant peut renforcer les muscles du cou, du diaphragme et du visage, ce qui peut être bénéfique pour la posture et la santé vocale.
Chanter en groupe peut favoriser un sentiment d’appartenance, renforcer les liens sociaux et permettre aux participants de communiquer et d’interagir avec les autres dans un cadre social, ce qui peut être bénéfique pour la santé mentale.»
En définitive, les clubs de chant sont des endroits où l’on exprime nos émotions, où l’on se sent forts, nous permettant de célébrer notre joie, de nous libérer de notre tristesse et de nos maux physiques, de revivre nos souvenirs nostalgiques… Ils nous rendent heureux. Alors, libérez vos voix et chantez !