Pour rationaliser la consommation de l’énergie, on s’est limité, vainement, à des campagnes de sensibilisation auprès d’un consommateur tunisien inconscient de tous ses excès. Et combien de fois l’on assiste à des comportements et des actes qui vont à l’encontre de toute mesure de rationalisation!
L’on a trop parlé de l’énergie et ses impacts sur l’économie et l’écologie. Ça fait maintenant bien longtemps qu’on l’aborde et on en discute longuement dans nos médias, sans arriver à imposer une politique de sobriété énergétique. Et le fameux slogan «consommer avec modération » n’a pas trouvé, ici, sa juste signification. Il est resté lettre morte.
Pourquoi revient-on à la même question ?
D’ailleurs, on s’est, limité, vainement, à des campagnes de sensibilisation auprès d’un consommateur tunisien inconscient de tous ses excès. Et combien de fois l’on assiste à des comportements et des actes qui vont à l’encontre de toute mesure de rationalisation! Même dans des secteurs reconnus être énergivores, tels que le transport, le bâtiment, l’hôtellerie, l’économie d’énergie semble une notion figée, loin d’être traduite dans les faits, ou un volet mutilé d’une politique d’entreprise archaïque. Des patrons à l’esprit étroit ne font que dépenser de l’argent fou, sans retour sur investissement pour savoir gérer leur manque à gagner en termes d’énergie. Ainsi, en tournant le dos à tous ces efforts pendant des décennies, l’on revient, aujourd’hui, à ressasser les mêmes mots sur la même question d’antan : la maîtrise de l’énergie. Cet objectif qui traîne depuis plus de 30 ans se voit, entre-temps, rehaussé par de nouvelles stratégies visant à pousser le choix des énergies renouvelables. Parallèlement, un arsenal juridique l’organisant a été mis en place, sur fond d’encouragement à faire valoir l’utilisation rationnelle de l’énergie. D’autant plus que l’Agence nationale de maîtrise de l’énergie (Anme) a dû hisser ce secteur à des paliers supérieurs, misant sur la rationalisation de la consommation et l’adoption de comportements amis de l’environnement. Elle n’a pas lésiné sur les moyens pour initier des campagnes de sensibilisation, soutenir des projets verts et assurer l’accompagnement des initiatives à « zéro émission nette ». Bref, l’Anme se fraie un passage vers une transition énergétique efficace et réussie. Et pourtant, on a toujours les yeux plus gros que le ventre, à tel point qu’on n’a pu se débarrasser des mauvais réflexes à éviter. Eteindre les téléviseurs, la lumière ou les ordinateurs la nuit, limiter la température de la climatisation ou du chauffage…, cela ne requiert point d’effort. Au cas contraire, gaspiller de l’énergie implique, forcément, des dépenses supplémentaires. Bien que ces gestes simples ne soient pas coûteux, ils ne sont pas encore majoritairement adoptés. D’où il semble bon, chez le consommateur tunisien, d’en prendre conscience. Mais qu’en est-il à l’échelle de l’Etat ? On est en train d’élaborer des stratégies d’énergies beaucoup mieux adaptées aux aléas du climat. L’Etat devrait, alors, montrer l’exemple.
« La mentalité du gaspi »
Car, face à ce dérèglement climatique dont les impacts pèsent sur nos modes de vie et de consommation, «la mentalité du gaspi » n’a plus de raison d’être par les temps qui courent. Qu’il s’agisse de ménages ou d’entreprises, la maîtrise de l’énergie demeure un gage de résilience et de pérennité. Voire une question vitale. En effet, peut-on, en hiver ou en été, se passer de l’électricité ? Qui oserait, en pleine canicule, se priver de son clim, ou ne pas allumer son chauffage en temps de froid ? C’est quasiment indispensable, sauf que l’on doit comprendre que vivre dans sa zone de confort n’est pas donné à tout le monde. Aux parcimonieux d’en profiter et seulement ceux qui font preuve d’économie judicieuse. Quoi de mieux que de savoir où mettre de l’argent, afin d’éviter les pertes d’énergie.
En juillet dernier, selon l’Observatoire de contrôle (Raqaba), la Tunisie a enregistré trois pics records de consommation d’électricité, à cause d’une utilisation intensive de la climatisation, ce qui a amené la Steg à adopter le délestage électrique périodique dans quelques régions en vue d’alléger la charge sur son réseau. Sans pour autant négliger son recours à des coupures récurrentes et sans préavis, plongeant autant des foyers dans l’obscurité. Comme chaque été, où la demande d’électricité dépasse toutes les moyennes, la Steg n’a pas manqué de rappeler à l’ordre les gros consommateurs d’électricité. Elle appelle à ce que l’utilisation des appareils électroménagers soit rationnelle. Réguler les climatiseurs à pas moins de 26 degrés, c’est bien la recommandation de la saison qui se répète telle une rengaine sur nos écrans. Toutefois, « environ 1 milliard de dinars de pertes sont subies par la Steg en 2021, et ce, en raison de la perte d’énergie électrique pour des raisons techniques et commerciales (21% de l’énergie électrique produite) », estime l’Observatoire dans l’un de ses communiqués rendu public le 20 juillet dernier. Depuis 2010, ces manques à gagner, en termes d’énergie et de fonds mal dépensés, ont frôlé les 7,5 milliards de dinars, soit une somme faramineuse qui aurait dû être réinvestie dans d’autres ouvrages d’entretien et de maintenance pouvant améliorer l’approvisionnement en électricité sur toute l’année. Chiffres et statistiques inquiétants sur quoi avait déjà alerté la Cour des comptes, dans ses rapports de 2019 et 2016.
Des problèmes et des solutions
Mais, pourquoi toutes ces pertes ? Il y a là raison de dénoncer la fraude dans la consommation et les défaillances techniques liées à un réseau électrique vétuste et trop usé.
A la Steg d’agir sur toutes ces anomalies. De même, l’absence d’entretien à temps alourdit les dégâts. Le contrôle à temps semble être une solution de surveillance de l’énergie aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers. Il s’agit, en fait, « d’une interface facile et accessible », développée, dans cette optique, par la start-up tunisienne «Wattnow», spécialisée dans l’efficacité énergétique. « L’optimisation de la consommation d’énergie consiste en des capteurs intelligents collectant toutes les données relatives à la consommation de l’énergie et interconnectés à un tableau de bord baptisé «Wattnow Energy Dashboard» », explique son fondateur Issam Smaâli. Son entreprise s’attend, selon lui, à une meilleure prise de conscience dans ce domaine et une croissance de ce marché, surtout que le pays met le cap sur la réduction de son empreinte carbone. Mais il n’y a pas que ça. L’audit énergétique s’avère aussi une pierre angulaire censée détecter les sources de gaspillage et des pertes et intervenir là où il faut, agissant ainsi sur la rationalisation de la consommation d’énergie. D’autant plus que cette technique de contrôle ne date pas d’hier, l’Anme en a fait, pour longtemps, une politique en soi. Mais il y a un hic, «les résultats des programmes initiés dans ce cadre sont toujours en deçà des espoirs escomptés, faute d’information et de sensibilisation…», avait, alors, justifié l’expert en efficacité énergétique, Mohamed Ali Reghini. Pour s’en sortir, une révision de la loi s’impose, et ce, compte tenu de l’évolution de la situation : « Il faut réviser la loi, à même de stipuler aussi bien l’audit que l’assistance à la mise en œuvre des projets, avec en toile de fond l’obligation des résultats », a-t-il encore affirmé.
Etre conscient qu’on est en rude phase de transition énergétique, cela nous commande d’agir en connaissance de cause. Sans pour autant oublier qu’une consommation plutôt modérée d’énergie pourrait nous aider, si volonté il y a, à résister aux crises de demain.