L’innovation financière et l’essor de l’entrepreneuriat sont au cœur des préoccupations en Tunisie, et un récent forum sur le crowdfunding a mis en lumière l’importance de ces sujets pour le pays. Ce nouveau mode de financement, qui repose sur la participation du grand public via des plateformes en ligne, a le potentiel de transformer le paysage économique tunisien.
L’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation a récemment organisé le premier Forum annuel du crowdfunding en Tunisie, sous le patronage du chef du gouvernement, en partenariat avec le ministère des Finances, le ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, et en collaboration avec le projet innov’i d’Expertise France.
Ce tout premier forum dédié au crowdfunding en Tunisie a rassemblé un panel de participants éminents, chacun apportant son expertise et ses perspectives uniques sur cette innovation financière révolutionnaire. Parmi les intervenants de renom, on comptait Marco Stella, chef de la section économique de la délégation de l’Union européenne en Tunisie, Ahcène Gheroufella, directeur d’innov’i, Sonia Zoghlami, directrice générale au ministère des Finances, et Ahlem Beji Sayeb, cheffe du cabinet du ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie. Chacun de ces acteurs a contribué à éclairer les multiples aspects du crowdfunding et son impact sur l’économie tunisienne, ainsi que la manière dont ce mécanisme peut façonner l’avenir économique et social de la Tunisie.
Un nouveau souffle pour les entreprises tunisiennes
Ahlem Beji Sayeb, cheffe du cabinet du ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, a souligné l’importance du crowdfunding comme moyen de financement novateur qui repose sur la collecte de fonds du grand public via des plateformes en ligne dédiées. Ce financement participatif vise à soutenir des projets et des entreprises en mobilisant l’épargne individuelle à travers divers mécanismes, tels que des titres financiers, des prêts, des dons et des contributions.
“Le crowdfunding est non seulement une innovation financière, mais il offre également une solution adaptée pour répondre aux défis du développement social et économique en Tunisie. Son principal objectif est de révolutionner la manière dont les projets sont financés en établissant un lien direct et transparent entre les porteurs de projets et les citoyens. Cette approche diversifiée, couvrant les dons, les prêts et les investissements, permet de financer une grande variété de projets, comblant ainsi un vide dans la chaîne de financement des entreprises, en particulier pour les start-up et les petites et moyennes entreprises (PME)”, a-t-elle affirmé.
Mme Beji Sayeb a souligné aussi que ce forum marque un tournant majeur dans la stimulation de l’investissement, en mettant en œuvre le crowdfunding, tout en facilitant l’accès au financement pour tous les porteurs de projets. Dans ce cadre, elle a annoncé la mise en place d’un programme national complet basé sur d’importantes réformes économiques qui favorisent le changement et la croissance économique. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un plan global visant à promouvoir la culture du crowdfunding et à soutenir l’initiative privée, avec un accent particulier sur les PME et les projets innovants.
Dans ce même cadre, elle a insisté sur l’importance de l’initiative privée, notamment pour le ministère de l’Industrie, de l’Énergie et des Mines, qui affecte de nombreuses ressources et législations pour encourager l’entrepreneuriat. “La création d’une stratégie nationale complète visant à promouvoir les petites et moyennes entreprises, mettant l’accent sur la stimulation de l’initiative privée et le soutien aux entreprises émergentes et aux projets innovants, reste une de nos priorités… De nouveaux mécanismes de financement, similaires au crowdfunding, sont également prévus pour faciliter l’accès au financement”, a-t-elle encore précisé.
Un catalyseur de l’économie
Pour sa part, Sonia Zoghlami, directrice générale au ministère des Finances, a rappelé aux participants l’initiative du ministère visant à créer un cadre propice à l’innovation et à l’entrepreneuriat. Ce programme fait partie intégrante du soutien de l’Union européenne et vise à renforcer l’écosystème de l’innovation en Tunisie.
“La crise économique mondiale actuelle constitue un défi de taille, notamment en ce qui concerne les enjeux liés au changement climatique. Face à ces défis, la Tunisie doit se concentrer sur la création d’emplois, la promotion de l’investissement dans un modèle de développement durable et inclusif, la revitalisation des régions marginalisées et la promotion de l’entrepreneuriat. Cela implique également l’instauration de bonnes pratiques de gouvernance et la réduction des disparités entre les régions et les secteurs économiques”, a-t-elle affirmé.
Mme Zoghlami a ajouté que chaque étape du développement économique en Tunisie nécessite un encouragement à l’innovation et à la création de richesses, tout en mettant en avant l’importance des PME dans l’économie tunisienne et en insistant sur la nécessité de faciliter leur émergence et leur croissance.
“Cependant, l’un des principaux défis auxquels les PME sont confrontées est l’accès au financement. Face à cette réalité, le gouvernement a mis en place plusieurs mécanismes de soutien, notamment l’ajustement des taux d’intérêt pris en charge par l’Etat pour les crédits d’investissement en faveur des PME. De plus, des lignes de financement ont été créées pour soutenir la restructuration financière des entreprises. L’introduction de lois, telles que la loi 2018-20 relative au statut des sociétés et la loi 2022-02 sur l’organisation des activités d’intelligence économique, a renforcé le cadre réglementaire en faveur des PME… Cependant, l’accès au financement demeure un obstacle majeur pour de nombreuses entreprises en Tunisie. C’est là que le crowdfunding, ou financement participatif, entre en jeu. Cette approche innovante pourrait fournir des sources de financement adaptées aux besoins spécifiques des PME et des entrepreneurs”, a-t-elle souligné.
Promouvoir l’inclusion financière
Selon Mme Zoghlami, le financement participatif a déjà fait ses preuves à l’échelle internationale, offrant un complément aux sources de financement traditionnelles. Il a permis de concrétiser des idées et de transformer les projets en réalité. Il favorise également l’inclusion financière, donnant accès à une démocratisation sans précédent du capital, permettant à toute personne ayant une idée prometteuse de rechercher un soutien financier directement auprès du public.
“Aujourd’hui, le développement du crowdfunding en Tunisie nécessite la mise en place de plateformes locales pour dynamiser cette industrie. Les réglementations appropriées sont essentielles pour stimuler le développement de cette approche financière tout en protégeant les intérêts des investisseurs. Le rôle des autorités publiques est fondamental pour garantir un développement équilibré et sain de cette activité… Le crowdfunding offre un potentiel immense pour l’économie tunisienne en tant que source de financement novatrice et complémentaire. Il est temps d’embrasser cette nouvelle tendance pour stimuler l’innovation, favoriser la croissance des entreprises et promouvoir l’inclusion financière. La Tunisie s’engage résolument sur la voie du développement économique grâce à la puissance du financement participatif”, a-t-elle encore précisé.
Encourager l’émergence du crowdfunding en Tunisie
Ahcène Gheroufella, directeur d’innov’i, a rappelé que ces dernières années ont été marquées par un élan remarquable, où ils ont réussi à lever un capital de 40 millions de dinars, démontrant ainsi les défis majeurs et parfois décourageants liés au financement de projets. C’est dans ce contexte que le crowdfunding revêt une importance vitale, devenant une source alternative cruciale pour accroître la compétitivité des projets et renforcer la viabilité des entreprises.
Gheroufella a aussi souligné que l’esprit du crowdfunding est profondément enraciné dans la culture ancestrale, puisque les pratiques de financement participatif existent depuis longtemps, non seulement en Tunisie, mais aussi en Chine et dans d’autres régions.
“Le déploiement du crowdfunding offre à chaque citoyen l’opportunité de devenir un investisseur dans un projet, contribuant ainsi à l’épanouissement de l’économie nationale. Cette nouvelle économie offre une gamme plus large d’options et un potentiel de réactivité accru”, a-t-il indiqué, tout en rendant hommage aux acteurs institutionnels qui ont joué un rôle précurseur en lançant cette transformation vers l’innovation.
Gheroufella a ajouté que cette nouvelle ère requiert une coopération unie de tous les acteurs, publics et privés, afin de concrétiser pleinement ce secteur d’activité innovant, tout en exprimant son enthousiasme à l’idée de voir les premières plateformes de crowdfunding se lancer dans cette aventure et de voir les premiers projets prendre leur envol prochainement.
“La Tunisie entre ainsi dans une nouvelle phase de développement économique grâce au crowdfunding, une initiative qui promet d’ouvrir de nouvelles opportunités pour les entrepreneurs et les investisseurs tout en renforçant l’économie du pays”, a-t-il affirmé.
Favoriser l’innovation économique
De son côté, Marco Stella, chef de la section économique de la délégation de l’Union européenne en Tunisie, a mis en évidence le potentiel du crowdfunding pour la Tunisie, en s’appuyant sur des expériences passées où ce mode de financement a été utilisé avec succès depuis plus d’une décennie. Il a souligné que le crowdfunding joue un rôle vital dans le soutien des projets à leurs premières étapes de développement, ainsi que dans le financement de projets considérés comme trop petits, trop risqués pour les banques ou trop importants pour les institutions de microfinance.
Il a également évoqué le rôle crucial du crowdfunding dans la résilience économique des jeunes entreprises et startup tunisiennes et a souligné que les opérateurs économiques pourraient bientôt accéder à des financements via des plateformes en ligne, permettant ainsi aux membres de la diaspora de contribuer directement au développement social et économique du pays.
En tant que représentant de l’Union européenne, il a rappelé le fort engagement de l’UE envers l’entrepreneuriat en Tunisie, en particulier pour les jeunes. Stella a souligné que l’Union européenne a apporté son soutien à la mise en place de règles et de réglementations pour les autorités de contrôle des activités de financement participatif en Tunisie. Il a encouragé les discussions sur les perspectives du crowdfunding en Tunisie et a souligné l’engagement de l’Union européenne à soutenir l’entrepreneuriat dans le pays tout en affirmant que le crowdfunding est un moyen de stimuler l’innovation, de favoriser la croissance des entreprises et de promouvoir le développement économique en Tunisie.