L’économie tunisienne a récemment fait face à des défis en matière d’inflation, suscitant des préoccupations quant à sa stabilité. Dans son dernier rapport, la Banque mondiale fournit des données cruciales et des perspectives sur cette question brûlante.
Le dernier bulletin de conjoncture économique de la Banque mondiale offre un éclairage approfondi sur les perspectives de croissance en Tunisie, avec un accent particulier sur l’évolution de l’inflation. Selon le rapport, l’inflation en Tunisie a amorcé une décroissance après avoir atteint un pic en février 2023, avec des chiffres marquants à la clé et les dernières données économiques suggèrent que la situation commence à s’apaiser. Cette éclaircie économique, bien qu’encourageante, soulève des questions essentielles sur les raisons de cette évolution, ainsi que sur les implications pour les Tunisiens et l’économie nationale.
L’inflation en recul, mais des défis subsistent
Au terme de dix-huit mois de progression constante, l’inflation, mesurée en glissement annuel, a amorcé une légère baisse, passant de 10,4 % en février 2023 à 9 % en septembre 2023. Cette diminution de l’inflation est principalement attribuée à la réduction de l’inflation sous-jacente, qui a baissé de 8,1 % en janvier 2023 à 7,4 % en septembre 2023. Cette tendance découle en partie du ralentissement de la croissance économique et de la faiblesse de la demande intérieure. Parallèlement, la diminution des prix mondiaux, notamment de l’énergie, des céréales, du fer et de l’acier, a joué un rôle significatif en réduisant la pression sur les prix intérieurs. Les prix des importations de biens tunisiens ont chuté en moyenne de 1,1 % au cours des sept premiers mois de l’année. Cette situation a permis à la Tunisie de stabiliser les prix des produits énergétiques, avec une augmentation des prix de l’électricité et du gaz, passant de 14,9 % en février 2023 à seulement 1,2 % en septembre. Toutefois, il est essentiel de noter que l’inflation demeure élevée, en particulier dans le secteur alimentaire. Le rapport souligne que la sécheresse et la réduction des importations ont restreint l’offre sur les marchés alimentaires intérieurs, maintenant l’inflation alimentaire à un niveau considérable de 13,9 %. Cette situation représente un défi majeur, en particulier pour les ménages à faible revenu, pour qui les dépenses alimentaires constituent une part relativement plus importante de leur budget.Outre ses implications économiques, l’inflation a également des répercussions sociales. Elle réduit les revenus réels, ce qui, selon des enquêtes, pourrait renforcer les intentions des Tunisiens de migrer par des voies irrégulières et risquées. Ceci est encore vrai, à l’heure où la Tunisie est le seul pays de la région où l’inflation, en particulier l’inflation alimentaire, était plus élevée en août 2023 qu’un an auparavant.
Taux d’intérêt et inflation : l’équilibre fragile
Le gouvernement tunisien a pris diverses mesures pour contenir les prix des produits alimentaires, y compris des sanctions contre la spéculation sur ces produits et des réglementations visant à contrôler les prix d’entrée alimentaires et les canaux de distribution. Cependant, ces mesures n’ont pas encore produit les résultats escomptés, en raison de facteurs tels que le déficit de l’offre, la réduction des importations due à la sécheresse et le monopole des entreprises publiques fortement endettées, qui semblent jouer un rôle plus important dans la génération de l’inflation. Malgré la baisse de l’inflation, les taux d’intérêt restent inférieurs à l’inflation, avec un taux directeur de 8 % maintenu par la Banque centrale depuis le début de l’année. Cette situation maintient les taux d’intérêt réels en territoire négatif. “L’inflation demeure bien supérieure au taux d’intérêt nominal, même si ce dernier a été maintenu constant en 2023. La baisse de l’inflation a atténué la pression sur la Banque centrale (BCT), qui a maintenu son taux directeur inchangé à 8 % depuis le début de 2023. En conséquence, les taux d’intérêt réels demeurent négatifs”, souligne le document.La même source ajoute que l’influence du taux directeur sur cet épisode d’inflation en Tunisie demeure incertaine. Il est probable que l’augmentation de l’inflation soit principalement liée à la hausse des prix internationaux suite au goulot d’étranglement de l’approvisionnement post-Covid et à une certaine dépréciation du dinar. “Le déclin de la croissance totale du crédit et de la masse monétaire en 2020–22 ainsi que la hausse du taux directeur ont coïncidé avec la flambée de l’inflation, ce qui n’est pas cohérent avec la nature monétaire de l’inflation. L’hypothèse la plus plausible est plutôt que l’augmentation de l’inflation a été motivée par la hausse des prix internationaux suite au goulot d’étranglement de l’approvisionnement post-Covid ainsi qu’une certaine dépréciation du dinar”, explique le document.
Face à cette situation et afin d’atténuer les pressions inflationnistes et de garantir la stabilité économique, le rapport indique qu’il est impératif que les autorités tunisiennes continuent de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement visant à stabiliser la situation macroéconomique et à entreprendre les réformes structurelles nécessaires pour assurer une croissance durable. Le maintien d’une Banque centrale forte et indépendante demeure un élément essentiel dans la quête de la stabilité des prix dans le pays.