Le Quartier de la Steg, au Kram-ouest voisin de la Byrsa, « arrondissement » de la grande commune de la banlieue nord de la capitale, est de création relativement récente (années 80 du siècle passé). Il a été, contrairement à la plupart des quartiers limitrophes, aménagé selon un plan élaboré par des professionnels. Non qu’il ait été conçu selon les règles de l’urbanisme moderne avec des espaces verts, des placettes et les commodités collectives appropriées, mais plus modestement des maisons sur deux niveaux d’un style architectural distinct du voisinage, alignées le long de rues rectilignes, relativement larges. Une cité-dortoir, en somme, mais c’est déjà ça.
Les rues de ce quartier et de la plupart de ceux qui l’entourent, innovation pour l’époque à laquelle les rues de création récente portaient… des numéros, ont été dotées de plaques portant des noms de choses ou de lieux ou de personnes dont les édiles ont choisi de perpétuer le souvenir pour l’avoir mérité d’une manière ou d’une autre. C’est ainsi que, l’autre jour, mon regard a été accroché par l’écriteau de cette rue dédiée à Béchir Ben Sdira. Le vieux routier que je suis, qui s’est intéressé à la période coloniale ainsi qu’à la ville de Gafsa, a éprouvé quelque plaisir à voir ainsi que les générations nouvelles se montrent reconnaissantes à ceux qui ont donné leur vie à la patrie. Car Ben Sdira a été l’un des premiers résistants qui ont lutté, les armes à la main, contre l’occupation française, dans la région de Gafsa. Mais, tout de suite, je me suis demandé combien de résidents de l’endroit ou des passants comme moi sauraient ce que je sais. Se compteraient-ils sur les doigts d’une seule main ? Pour tous les autres, c’est un illustre inconnu. Ainsi, on sera passé à côté de l’objectif.
ll s’agit d’instruire le public sur les choses à connaître
Les noms de rues abscons sont légion. Un autre exemple ? La rue Cercinna, dans le quartier de Yasmina, à Carthage. Hormis les historiens et les natifs de l’archipel (et encore, les plus instruits parmi eux) qui saurait que c’est là l’appellation antique des îles Kerkenna ? L’intention des édiles est noble : outre l’identification des lieux, il s’agit d’instruire le public sur les choses à connaître. Or, pour ce faire, il suffirait d’ajouter sur les plaques quelque brève mention pour compléter l’information. Par exemple : « Béchir Ben Zdira : Résistant contre l’occupation coloniale. Assassiné à Gafsa en 1919 ». Et à ceux qui veulent en connaître davantage d’exploiter l’information.