Accueil A la une Artisanat | Valorisation par appellation d’origine contrôlée (AOC) : Poterie de Sejnane, un cas d’école

Artisanat | Valorisation par appellation d’origine contrôlée (AOC) : Poterie de Sejnane, un cas d’école

 

Avec une touche de modernité, incrustée dans un produit fait maison en terre cuite, les potières de Sejnane ont pu, au fil du temps, créer leur propre label, perçu comme un gage de qualité, à bien des égards.

Déjà enregistrée, depuis 5 ans, au patrimoine mondial de l’Unesco, la poterie de Sejnane semble garder le cap, se penchant sur son devenir, sans pour autant se passer de son identité typiquement locale, bien ancrée dans son histoire socioculturelle plus que millénaire.

Cent pour cent naturelle

Et même les couleurs choisies, les formes géométriques, les traits, les dessins et les motifs utilisés sont autant d’expressions classiques qui disent long sur ce métier d’antan. Soit, des techniques rudimentaires inspirées de tout un imaginaire social et sociétal, à l’époque, adoré et vénéré.

Avec une touche de modernité, incrustée dans un produit fait maison en terre cuite, les potières de Sejnane ont pu, au fil du temps, créer leur propre label, perçu comme un gage de qualité, à bien des égards. C’est que ces artisanes, imbues d’idées et de projets, se posent en ambassadrices de leur région, ici et ailleurs. Inspirée d’un mode de vie traditionnel et quasi primitif, cette poterie berbère cent pour cent manuelle et naturelle se voit, aujourd’hui, revisitée et finement recherchée.

L’œuvre artistique avait, alors, survécu à ses initiatrices du bon vieux temps, mais continue à conter leur beauté et simplicité. Avec des ustensiles de cuisine, des poupées, des figurines et bien d’autres artefacts en terre cuite, les potières de Sejnane n’ont cessé de ressusciter la mémoire d’un passé vécu en chœur. Pour survivre à leurs difficultés et sortir de l’ornière, elles simulent la réalité contemporaine et s’adaptent aux aléas de la modernité. Leur rituel devait changer pour prendre des couleurs. Sejnane, ce récit d’argile, s’est entièrement consacrée à sa géographie révélatrice d’un métier artisanal devenu artistique. Mais, il y a un hic : sa poterie n’est guère à l’abri des griffes des contrefacteurs. Et par conséquent, elle ne gagnerait point  en compétitivité et commercialisation, loin s’en faut !

L’informel, cet ennemi de tout métier

D’ailleurs, ce fleuron de notre artisanat typiquement tunisien n’est plus épargné de  toute transaction déloyale et du commerce parallèle, envahissant ainsi nos étals et dopant nos marchés. L’informel, cet ennemi de tout métier artisanal. Première, la poterie de Sejnane aura, prochainement, son AOC, Appellation d’origine contrôlée. Ceci étant, ce métier, outre son inscription sur la liste du patrimoine immatériel et socioculturel de l’Unesco, se fait une image propre à lui et s’acquiert une réputation au-delà de nos frontières. Ce qui lui a balisé la voie et montré de nouveaux chemins.

Toutefois, avoir son AOC n’est pas un cadeau donné sur un plateau d’argent, ce serait le fruit du labeur et d’un savoir-faire ancestral enrichi et revalorisé. Un travail, sans relâche, exécuté de main de maître et transmis de mère en fille. Son succès parle de lui et en fait sa fierté. Son évolution dans le temps et dans l’espace a dû, tout récemment, créer l’actualité à Bizerte et recentrer le débat sur une activité particulièrement féminine à fort potentiel socioéconomique. Car, mis à part un héritage immatériel largement témoigné, elle constitue plus souvent le gagne- pain d’une communauté d’artisanes dans le besoin.

L’AOC, une valeur ajoutée

L’événement est tel qu’il a propulsé ce secteur à un stade privilégié. Ainsi, la poterie de Sejnane sera le cas pilote d’un premier produit artisanal à protéger par une indication géographique en Tunisie, et ce, dans le cadre du projet tuniso-suisse de propriété intellectuelle (Tusip). «Financé par le Secrétariat d’Etat à l’Economie suisse et mis en œuvre par l’Institut fédéral suisse de la Propriété intellectuelle (IPI), en étroite coordination avec l’Office national de l’artisanat (l’ONA), ce projet vise la protection et la valorisation de la poterie de Sejnane en tant que patrimoine culturel traditionnel et artistique tunisien par une Appellation d’origine contrôlée en Tunisie», lit-on dans un récent communiqué.

Cette valorisation résonne comme une juste récompense, mais aussi une motivation à mieux se positionner. Potières de Sejnane, ambassadrices de la Tunisie, à quoi s’en tient l’ONA, dans la mesure où il compte leur fournir des sessions de formation. Notons, ici, que 700 femmes artisanes s’adonnent à cette activité, alors que quelque 510 sont, déjà, inscrites auprès de l’ONA. Mais toutes vont, désormais, être soumises à un cahier des charges sectoriel en phase d’élaboration, et qui est censé statuer sur la validation de l’AOC. Cette distinction ne serait-ce que pour protéger la propriété intellectuelle de ces potières et assurer leur promotion. Car, aux dires de ministre du Tourisme, Mohamed Moez Belhassine, la promotion d’un secteur fait le développement de sa région. L’AOC demeure, alors, une valeur ajoutée.

Somme toute, ce cas pilote de la poterie de Sejnane ouvrira ainsi la porte à d’autres produits artisanaux tunisiens pour une protection par appellation d’origine contrôlée, contribuant ainsi à la valorisation du secteur, résume le directeur général de l’ONA, Faouzi Ben Hlima.

Charger plus d'articles
Charger plus par Kamel FERCHICHI
Charger plus dans A la une

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *