Pression économique sur les Pays les Moins Avancés : Un dialogue urgent sur l’espace budgétaire s’impose…

 

Dans l’échiquier mondial où se dessinent les contours de la stabilité financière, les Pays les moins avancés (PMA) se tiennent à un carrefour décisif. L’espace budgétaire, toile de fond essentielle de leur avenir économique, se révèle être le baromètre déterminant de leur résilience face à des défis multiples. Avec les dynamiques complexes de l’espace budgétaire des PMA, il devient urgent d’entamer une action concertée pour élargir leurs horizons financiers.

L’espace budgétaire, concept central dans la gouvernance financière d’un Etat, mesure la capacité d’un gouvernement à accroître ses dépenses ou à maintenir une réduction de ses revenus sans mettre en péril sa stabilité budgétaire ou financière à long terme. En d’autres termes, il englobe la capacité du gouvernement à concrétiser ses objectifs de politique budgétaire tout en préservant un niveau gérable de dette et en assurant la stabilité de son économie.

Dans le contexte actuel de Pays les moins avancés (PMA), cet espace budgétaire devient un paramètre essentiel pour évaluer la résilience des trajectoires de croissance et de développement.

Le dernier Rapport 2023 sur les PMA, publié récemment par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), expose les tendances récentes des indicateurs clés de l’espace budgétaire, tels que les volumes et la composition de la dette, ainsi que les soldes budgétaires des gouvernements des PMA. Il évalue également la capacité de ces pays à répondre à leurs besoins de financement du développement dans un contexte marqué par les multiples crises mondiales.

Un appel pressant à l’action

Les données présentées dans le rapport révèlent que, malgré l’importance cruciale des flux financiers extérieurs, les PMA font face à des défis majeurs. Les Aides publiques au développement (APD) provenant des pays développés demeurent nettement inférieures aux engagements promis, créant ainsi un écart substantiel. Le Rapport documente aussi l’impact disproportionné du changement climatique sur les PMA, soulignant le besoin urgent d’un espace budgétaire accru pour les investissements nécessaires en adaptation et pour faire face aux pertes et dommages liés au climat.

Les engagements actuels des pays, en deçà des objectifs de l’Accord de Paris, exigent une augmentation significative des financements climatiques non générant de dette. Le rapport met aussi en lumière les dernières données sur les émissions de gaz à effet de serre et la vulnérabilité au climat, soulignant la nécessité d’une action immédiate. L’analyse des flux de financement climatique et l’importance du nouveau Fonds pour les pertes et dommages pour les pays vulnérables, convenu lors de la COP27 en 2022, renforcent le message central : les PMA ont un besoin pressant de soutien pour renforcer leur espace budgétaire.

Sans une augmentation substantielle de cet espace budgétaire, les PMA risquent de voir leurs dettes croître et leurs déficits budgétaires s’élargir, détournant ainsi leur attention des agendas de transformation structurelle. Ceci compromettrait gravement les progrès vers la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD). Pour combler le fossé entre les flux d’APD et l’objectif 17 des ODD, une augmentation rapide des subventions est impérative, alignée sur les priorités nationales. Le financement non générateur de dette émerge ainsi comme une nécessité pressante pour préserver les perspectives de croissance et de développement des PMA, tout comme l’augmentation incontournable des flux de financement climatique, y compris via le nouveau Fonds pour les pertes et dommages, sans alourdir le fardeau de leur dette ni compromettre leurs capacités institutionnelles.

Entre l’enclume de la dette et le marteau des crises

Les crises, qu’elles soient provoquées par des ralentissements économiques, des récessions, des catastrophes naturelles, des fluctuations des prix des matières premières, ou encore des pressions liées à des événements tels que la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, exigent une réaction rapide des gouvernements des PMA, alors que leur capacité à réagir face à ces chocs économiques repose largement sur leur espace budgétaire.

Lors de situations de stress économique, cet espace budgétaire permet d’appliquer des mesures de relance, d’étendre les dépenses sociales pour protéger les plus vulnérables, de financer l’aide humanitaire et de reconstruire les infrastructures essentielles. Les PMA exportateurs de matières premières sont confrontés à la nécessité de compenser les pertes dues à la baisse des prix, tandis que les importateurs nets doivent faire face à l’augmentation des coûts pour des produits essentiels tels que la nourriture et les carburants.

En outre, l’espace budgétaire est vital pour la mise en œuvre de réformes structurelles et d’investissements à long terme visant à renforcer les capacités productives des PMA. Mesurer cet espace budgétaire implique l’évaluation de divers indicateurs tels que le niveau et la composition de la dette, ainsi que le solde budgétaire du gouvernement. Une gestion prudente de ces éléments est cruciale, car des niveaux élevés de dette limitent l’espace budgétaire, compromettant la capacité à réagir aux crises sans accroître les coûts d’emprunt ou risquer une crise de la dette souveraine.

L’impact cumulatif des crises mondiales, dont la pandémie de Covid-19, le début de la guerre en Ukraine et les défis liés au changement climatique, a exacerbé les pressions sur l’espace budgétaire des PMA. Les indicateurs clés révèlent une détérioration significative de la situation financière de ces pays. Par exemple, le ratio médian de la dette du gouvernement général par rapport au produit intérieur brut (PIB) est passé de 48,5 % en 2019 à 55,4 % en 2022, atteignant son niveau le plus élevé depuis 2005. Malgré une légère amélioration en 2021, ces chiffres soulignent la persistance des crises et leurs impacts négatifs sur l’espace budgétaire des PMA. Les soldes budgétaires ont également été fortement touchés, avec un déficit budgétaire médian équivalent à 5 % du PIB et à 46 % des recettes fiscales pendant la période 2020-2022. Une hausse significative par rapport à la décennie précédente.

La composition de la dette dans les PMA a suivi une trajectoire préoccupante, avec une diminution de la part des prêts concessionnels. En 2021, la part de ces prêts dans la dette publique externe totale a atteint 57 % dans le PMA médian, marquant une baisse de 2 points de pourcentage par rapport à 2019 et une diminution alarmante de 14 points de pourcentage depuis 2010.

En conclusion, la crise de Covid-19 et d’autres crises mondiales ont agi comme des catalyseurs, accentuant les défis budgétaires déjà présents. L’espace budgétaire des PMA se réduit, compromettant la capacité à initier des réformes structurelles et à répondre aux crises. Face à ces réalités, un soutien international accru s’avère crucial pour élargir l’espace budgétaire des PMA et garantir leur stabilité économique à court et moyen termes.

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