Enfin, « il pleut, il pleut bergère ». Les précipitations tant attendues sont finalement arrivées. La pluie s’est fait beaucoup attendre pour les agriculteurs qui scrutaient tous les jours le ciel dans l’expectative des averses qui sauveraient la nouvelle saison agricole.
Les petits exploitants agricoles ont été durement affectés, ces dernières années, par les épisodes de sécheresse responsables de la baisse du rendement des grandes cultures et des cultures maraîchères.
Report des semis d’automne
Agriculteur de son état, Hafedh Sellami, âgé de 73 ans et qui exploite une superficie agricole de 120 ha dans la région de Bousalem (gouvernorat de Jendouba), a dû retarder les semis de céréales à cause du déficit pluviométrique. « Il faut attendre la pluie pour procéder au semis des céréales. Je cultive du blé tendre, dur et de l’orge. Alors que les semis d’orge ont lieu à partir du 15 octobre et ceux du blé à partir du 10 novembre, j’ai été dans l’obligation de retarder les semailles parce qu’on ne peut pas planter des graines sur des sols qui sont secs. Il faut que la terre soit humide pour pouvoir labourer et semer», explique l’agriculteur.
Si l’agriculteur estime qu’il arrive, plus ou moins, à s’en sortir grâce à l’irrigation de ses cultures à partir des puits qu’il a creusés pour pouvoir pomper les eaux profondes, ce n’est pas le cas des agriculteurs dont les cultures dites « pluviales » — plus de 80% de l’agriculture en Tunisie est pluviale — sont durement affectées par les répercussions du réchauffement climatique et par le manque de disponibilité en eau.
Des dépenses de plus en plus élevées
Le déficit hydrique a un effet boule de neige. La variation des précipitations et le prolongement des épisodes de chaleur bien au-delà de la saison estivale entraînent un report des semis d’automne qui n’ont pas lieu aux dates prévues, ce qui occasionne un raccourcissement de leur cycle en plus du fait d’impacter la germination des graines. «Un cycle plus court a un impact sur le rendement des cultures. Il peut altérer la qualité des cultures céréalières. Pour les cultures maraîchères, on obtient des légumes et des fruits de calibres plus petits», explique Hafedh Sellami.
Quant au quota d’eau accordé à chaque agriculteur, l’exploitant agricole estime qu’il n’est pas suffisant pour irriguer convenablement les terres qu’il exploite. «J’ai droit à l’équivalent de deux heures par semaine à partir du barrage, ce qui n‘est pas suffisant. Pour de nombreux agriculteurs, le quota accordé est en deçà des besoins en eau des cultures qu’elles soient céréalières ou maraîchères».
Outre la non-disponibilité de l’eau, l’agriculteur est confronté à un autre problème, à savoir celui des charges et des dépenses liées à l’exploitation agricole qui ne cessent d’augmenter.
Faut-il s’adapter au manque d’eau ?
A cause de la hausse des prix des engrais, des pesticides et des semences, ce dernier arrive difficilement à rentrer dans ses frais : «Les dépenses relatives à l’achat de semences, d’engrais et de pesticides se sont élevées cette année à 140 mille dinars. La récolte me rapporte entre 80 et 90 mille dinars en moyenne. J’arrive à peine à couvrir mes dépenses».
Ce dernier qui, comme de nombreux agriculteurs, ne bénéficie d’aucune aide de l’Etat et qui doit compter sur lui- même, regrette que la sécheresse ne soit pas considérée comme une catastrophe naturelle et que les dommages agricoles causés par cette dernière ne soient pas indemnisés par l’Etat.
Bien que l’eau vienne de plus en plus à manquer, à cause des épisodes de chaleur extrême, cet agriculteur ne prévoit pas, pour autant, d’abandonner pour l’heure les cultures maraîchères qui consomment beaucoup d’eau. « Je continuerai à planter des tomates, des piments, des melons, des pastèques… Mais si, dans le futur, les quantités d’eau collectées ou distribuées sont trop faibles, je serai finalement obligé de réduire les superficies consacrées aux cultures qui consomment beaucoup d’eau, à l’instar des tomates», conclut l’agriculteur.