«Le plastique pour moi, c’est de l’argent !», déclare Riadh, patron d’une petite unité de recyclage. Ce genre d’affaire tarde à voir le jour dans un pays où les déchets sont en grande majorité enterrés sans traitement et où les décharges arrivent à saturation.
En Tunisie et comme dans la plupart des pays africains, les déchets sont une véritable catastrophe pour l’environnement. Ils contribuent massivement à la destruction des écosystèmes et représentent un danger pour la santé des organismes vivants.
Ce sont chaque jour de plus en plus de déchets qui s’accumulent dans des décharges qui arrivent à saturation. Les déchets non triés ou non lavés et le plastique sont ainsi devenus une problématique environnementale majeure sur le continent comme chez nous, où les Etats et les acteurs civils et humanitaires tentent de remédier à ce désastre écologique.
L’Afrique prend le relais
Bien que l’Afrique ne produise que 7% des plastiques de la planète, c’est le continent le plus touché par la pollution. C’est également une «plaque tournante» des déchets plastiques, notamment à la suite de la décision de l’Asie et particulièrement de la Chine à l’été 2017 de ne plus être le «destinataire des déchets plastiques mondiaux» (la Chine recueillait environ 70% des déchets). De ce fait, les autres États asiatiques, tels que la Malaisie, l’Inde ou encore la Thaïlande, n’ont eu d’autre choix que de suivre le mouvement, faute de capacités suffisantes de recyclage pour faire face à la quantité toujours plus abondante de déchets plastiques. C’est ainsi que l’Afrique a «pris le relais» et est devenue la nouvelle destination privilégiée pour l’exportation des déchets plastiques.
En «jetant leur dévolu» sur l’Afrique, les industriels du secteur tentent de contraindre les Etats africains de lever certaines des restrictions environnementales pour faire de plusieurs pays africains les nouvelles portes d’entrées mondiales des déchets plastiques. L’«externalisation du coût de recyclage» est la principale motivation des industriels, les entreprises n’assumant pas ces coûts.
En Tunisie, il faut avouer que la filière de recyclage est pratiquement inexistante. Les déchets sont envoyés dans des centres d’enfouissement techniques (CET) à 85% et le reste s’accumule dans des décharges sauvages, nous indique un expert en gestion de déchets.
La majorité des 11 CET sont censés fermer en 2022, selon un autre spécialiste travaillant depuis un pays européen. Selon lui, «les autorités font face à de gros problèmes pour trouver de nouveaux sites afin d’enterrer les 2,6 millions de tonnes produits annuellement».
4 à 7% des déchets ménagers recyclés
«Le plastique pour moi, c’est de l’argent !», déclare Riadh, patron d’une petite unité de recyclage. Et malheureusement, il n’a y que 4 à 7% des déchets ménagers recyclés. «Lorsque j’ai commencé en 2009, ce n’était pas aussi rentable de recycler», assure-t-il. Mais depuis son ouverture en 2009, l’entreprise n’a cessé de grandir et valorise aujourd’hui 6.000 tonnes de déchets par an, dont 1.000 de plastique, se réjouit l’industriel.
La tonne de déchets plastiques qu’il achetait, il y a quelques mois, à 200 dinars lui est désormais cédée à plus de 300 dinars par ses fournisseurs dont des dizaines de «barbéchas», cheville ouvrière de ce recyclage informel. «Le recyclage est un secteur où tout est à faire et qui peut être pourvoyeur d’emplois et de richesses en Tunisie», estime l’entrepreneur qui fait travailler une soixantaine de personnes en direct et plus de 200 en indirect. Une part importante de ses employés sont des femmes qui font vivre toute la famille où l’époux est au chômage.
A longueur de journée, les Tuk Tuk des chiffonniers et des camions apportent des ballots qui sont pesés, triés, broyés puis transformés en copeaux ou granulés pour l’industrie. «Je dois avouer que le système de gestion des déchets en Tunisie est catastrophique à tous les niveaux, particulièrement au niveau de la collecte. Et je dois également reconnaître que mettre en place le tri sélectif prendrait des années».
Même l’Agence nationale de gestion des déchets (Anged) reconnaît elle-même le manque terrible de moyens, de gestion et de planification. Parmi ses objectifs, la maîtrise de la gestion des différents types de déchets, l’encouragement de la valorisation matière et énergétique des déchets, le renforcement des efforts de création de postes d’emploi relatifs à la gestion des déchets, l’encouragement de la participation du secteur privé dans le domaine de gestion des déchets, l’amélioration du cadre de gestion institutionnel, juridique et financier des déchets et de la communication, de la concertation, de la sensibilisation et de la maîtrise des données dans le domaine de la gestion des déchets, et ce, en plus des objectifs généraux relatifs à l’amélioration de la protection de l’environnement grâce à la mise en œuvre d’une gestion intégrée et durable des déchets et la promotion de la qualité de vie du citoyen. Anged a promis, dans l’un des derniers plans stratégiques, une réduction des déchets pour les années à venir, ainsi que leur traitement.
L’incinération avec des technologies propres
Face à la grave situation des décharges, la Tunisie a opté pour un traitement mécano-biologique. Il s’agit de la combinaison d’opérations mécaniques de tri et de compactage avec le compostage et la méthanisation. Malheureusement, les premiers projets ne pourront voir le jour que dans deux ans au moins, selon les connaisseurs. «Le temps joue vraiment contre nous», s’inquiètent-ils.
D’après eux, il y a un problème de financement du retraitement des déchets. «Seuls 25% des citoyens payent la taxe d’habitation incluant une taxe sur les déchets» qui plafonne au niveau dérisoire de 800 millimes par an, alors que chaque Tunisien produit au moins 365 kg de déchets annuellement.
Il est donc impératif de créer une taxe de gestion des déchets et faire payer à chacun la quantité qu’il produit», proposent-ils. Cela permettrait aux municipalités qui en ont la tutelle exclusive d’avoir des fonds pour la gestion des déchets. Le passage de l’enfouissement au traitement coûtera plus cher, mais selon les spécialistes «on gagnera, certes, en termes de protection de l’environnement».
Toujours selon ces mêmes spécialistes, «il y a urgence et la meilleure solution, pour les villes et pour pouvoir traiter de grandes quantités serait l’incinération, avec des technologies propres».