L’île de Djerba est riche de ses borjs (forts) dont les murs renferment des légendes et des histoires de guerre contre les corsaires et les envahisseurs étrangers qui lorgnaient sur l’archipel. Certains sont connus comme le borj Ghazi Mustapha, d’autres moins. Parsemés un peu partout sur l’île, ils sont les témoins de la stratégie défensive de l’île qui a été convoitée, pendant plusieurs siècles, par des puissances étrangères. Tour d’horizon des borjs les plus connus.
Pour se rendre à Borj El Kastil, situé au sud-est non loin de l’ancienne cité antique de Meninx, il faut emprunter une flèche littorale Bein El Ouadiene ou langue sablonneuse qui conduit à une forteresse médiévale, rongée par les embruns et se trouvant à la pointe de la presqu’île Rass Kastil. Ce qu’il reste des remparts en ruine révèle la place qu’occupait cet édifice dans la politique défensive de l’île. C’est l’amiral italien Roger de Loris au service du souverain Pierre III roi d’Aragon et de Sicile qui construisit cette bâtisse, à la fin du XIe siècle, en faisant appel aux bons et loyaux services des pirates et des corsaires. Le redoutable pirate et capitaine ottoman Darghouth Pacha, plus communément connu sous le nom de Dragut, a entrepris, par la suite, de consolider l’édifice. Au cours de cette période, le corsaire — qui est l’inventeur d’un système permettant de déplacer les navires sur terre — a livré un violent combat aux Espagnols qu’il a encerclés grâce à ces bateaux, le tout s’étant déroulé sur la chaussée romaine (El Kantara). D’autres restaurations auront lieu notamment sous le règne du sultan hafside Abou Farès et du Bey de Tunis Hammouda Pacha. Se trouvant à proximité du sanctuaire de Sidi Marcil (Saint Marcel) où les femmes, souffrant d’infertilité, viennent l’invoquer pour avoir des enfants, la forteresse a été inscrite en l’an 2000 sur la liste des monuments historiques protégés et classés par l’Institut national du patrimoine.
Borj El Kebir (Fort de Ghazi Mustapha)
Construit sur les ruines de l’ancienne cité romaine Girba, Borj El Kebir, appelé également fort Ghazi Mustapha, a été édifié au XVe siècle sous le pouvoir hafside afin d’abriter les guerriers au cours des combats menés à terre et sur mer. C’est le sultan Abou Farès qui, à la fin du XIVe siècle, vint à Djerba pour chasser les Espagnols et qui eut l’idée de construire cette forteresse afin de surveiller les éventuels assaillants. Le sultan avait choisi l’emplacement de l’ancienne cité romaine (l’actuelle ville de Houmt Souk) afin de pouvoir accéder directement aux matériaux qui ont été arrachés des vestiges des temples pour construire les remparts du fort. Depuis son édification, cette forteresse a été le théâtre de violents combats ainsi que des assauts répétés des flottes chrétiennes et des corsaires. Au XVIe siècle, le redoutable guerrier et corsaire turc, Dragut, l’a prise de force aux soldats chrétiens et a procédé à des travaux d’extension afin d’y installer les appartements du Caïd, Ghazi Mustapha Bey. En 1605, l’édifice devient la propriété du Pacha d’Alger puis il est, à nouveau, récupéré par les insulaires qui en font la principale base de défense de l’île. Repris par l’armée coloniale sous le protectorat français, il redevient la propriété de l’Etat tunisien après l’Indépendance. Le Borj Ghazi Mustapha a été, depuis, restauré et reconverti en musée à Houât Souk.
Borj Jlij
Le fortin « Jlij »a été construit en 1.745 par Ali Pacha Bey sur les fondements de l’ancienne Tour de Valganera. Les travaux de ce fort ont été achevés cinquante ans plus tard par Hammouda Bey. Un phare sera ensuite installé dans cette zone qui se trouve au Nord-Ouest de l’île. Servant à orienter les marins la nuit, le phare Jlij a été pendant longtemps allumé en utilisant uniquement de l’huile d’olive. Sous contrôle de l’armée aujourd’hui, il a été doté d’un éclairage très sophistiqué qui permet d’éclairer à des kilomètres à la ronde.
Borj el Akreb (le fort du scorpion)
C’est le plus mystérieux des forts, fortins et forteresses de l’île. Situé entre Ras Tarbila et El Kantara au Sud Ouest de l’île, le fort du scorpion émerge au milieu de la mer. Ses murailles en forme de cercle semblent vouloir protéger les occupants, qui l’occupaient jadis, du monde extérieur. Cette configuration de l’édifice expliquerait d’ailleurs la légende qui s’est tissée autour de ce fort. Il se raconte, en effet, qu’un prince jerbien aurait construit ce fortin au milieu de la mer afin d’éviter, à son dernier fils, le sort funeste réservé aux aînés qui sont tous morts après avoir été piqués par des scorpions. Voulant protéger l’unique héritier qui lui reste, appelé à devenir le prochain souverain, le vieux prince a décidé, à contrecoeur, de se séparer de lui en l’éloignant de l’île et de ses scorpions. Isolé en pleine mer, l’enfant a pu être protégé jusqu’à l’âge adulte sans savoir que le destin finira par le rattraper. Un jour, son père, voulant se rappeler à son bon souvenir, lui fit parvenir une corbeille remplie de fruits ignorant qu’un scorpion s’y cachait. Le jeune prince connut le même sort que ses frères et mourut de la piqûre du scorpion, plongeant son père dans une profonde affliction. C’est sur la base de ce conte des temps anciens, que ce fortin fut prénommé « Borj el Akreb ». Aujourd’hui, malgré les efforts de l’Association de Sauvegarde de l’île de Djerba, ces forts qui font partie intégrante du patrimoine insulaire menacent ruine pour la plupart alors qu’ils gagneraient à être préservés, restaurés et intégrés dans les circuits touristiques de l’île.