Pour réaliser les grands objectifs, il faut mettre les grands moyens. Nos clubs sont-ils capables de trouver la bonne équation entre budgets insuffisants et ambitions légitimes ?
Certes, on ne peut pas reprocher à la FTF de ne pas avoir essayé dans la réglementation du football professionnel de brider les dépenses des clubs et de les forcer à un dégraissage des différentes rémunérations attribuées aux joueurs et aux staffs techniques durant chaque saison sportive. On peut cependant lui faire grief de ne pas avoir été bien réaliste sur ce sujet pour pouvoir contrôler le respect strict par les clubs de textes parachutés et inapplicables. La Fédération a une seule mesure dissuasive en sa possession : interdire les recrutements et l’enregistrement des licences de joueurs et des membres des staffs techniques en cas de non dépôt des bilans et états financiers audités de la saison écoulée avant le début de chaque nouvelle saison. Parce que c’est sur la base de ces documents qu’elle juge les capacités financières de chaque club et fixe les seuils qu’il ne doit pas dépasser dans les rémunérations mentionnées dans les contrats. La Commission fédérale du statut du joueur, qui examine et homologue ces contrats, a le pouvoir de rejeter ceux qui ne respectent pas les plafonnements de salaires et des primes de rendement. Cette règle stipule «que la masse salariale globale des joueurs professionnels et leurs primes de rendement ne doivent en aucun cas dépasser 60% de la moyenne des recettes globales du club sur le dernier exercice du rapport financier audité. « Pour les membres du staff technique (entraîneurs-chefs, entraîneurs des gardiens de but, entraîneurs-adjoints, préparateurs physiques), la masse salariale globale ne doit pas dépasser les 150.000 dinars par saison pour les budgets inférieurs à 2 millions de dinars, 200.000 pour les budgets entre 2 et 4 millions de dinars, 250.000 pour les budgets entre 4 et 6 millions de dinars, 350.000 pour les budgets entre 6 et 10 millions de dinars, et 600.000 pour les budgets égaux ou supérieurs à 10 millions de dinars.
Loin de la réalité
Ces seuils dictés pour les rémunérations des joueurs et des staffs techniques sont-ils réalistes et bien étudiés pour être minutieusement respectés ? La réponse est non. Prenons l’exemple tout récent d’un joueur comme Alâa Ghram qui vient de renouveler après des mois de pression son contrat avec le CSS selon un nouveau salaire mensuel de 25.000 dinars et une prime de rendement annuelle de 300.000 dinars. Ses rémunérations annuelles globales atteindront les 600.000 dinars. Cette concession faite à ce joueur pour mettre fin au bras de fer qu’il a imposé à son club n’est pas passée sans susciter de gros remous dans le reste du groupe, entré en grève pour réclamer des arriérés de salaires et de primes et qui n’est parti en stage qu’après une nouvelle promesse de paiement. D’autres clubs, pour ne pas dire la plupart, trouvent des difficultés à honorer les clauses de rémunérations et d’avantages financiers consentis à leurs joueurs, supérieurs à ces seuils imposés, tellement ils se basent sur des budgets prévisionnels et virtuels jamais atteints. Les revenus annuels de certains joueurs des grands clubs qui jouent sur plusieurs fronts (compétitions nationales et continentales) peuvent dépasser sur le papier la barre d’un million de dinars. Des montants bien au-dessus des moyens réels. Il ne faut pas donc s’étonner du recours de quelques joueurs tunisiens à la Commission fédérale des litiges nationaux et des joueurs étrangers à la Chambre de résolution des litiges de la Fifa et au TAS pour obtenir des jugements en leur faveur à coup de centaines de milliers de dollars avec l’interdiction de recrutement jusqu’à paiement.
Mais il faut reconnaître le dilemme auquel sont confrontés nos clubs obligés de viser plus qu’un titre au niveau national et d’avoir de l’ambition et un gros potentiel humain et technique de qualité. Ces clubs, qui font tout pour se distinguer et convoiter le sacre en Ligue des Champions et en Coupe de la CAF et une participation à la Coupe du monde des clubs. Avec ces plafonnements dans les rémunérations, ils sont ligotés et ne peuvent plus s’aligner sur le marché de transfert de joueurs au niveau international et recruter des joueurs de grand calibre. Entre nécessité de dégraissage des dépenses conformément aux règlements et aux budgets réels et l’obligation d’avoir des effectifs bien étoffés et des joueurs bien rémunérés, fédération et grands clubs doivent trouver une meilleure équation et une autre approche. Ce n’est pas facile comme opération mais c’est à la fois urgent et impératif.