La dette, une double épée tranchante pour les nations en développement, peut être à la fois un catalyseur de croissance et une menace pour la stabilité financière. Dans cette équation complexe, le Système de notification de la dette de la Banque mondiale se présente comme une boussole indispensable, offrant une vision claire des pièges potentiels et des opportunités méconnues dans le paysage de la dette mondiale.
Dans un monde économique en constante évolution, la gestion de la dette émerge comme une préoccupation cruciale pour les pays à revenu faible ou intermédiaire» (Prfi).
La Banque mondiale, dans sa dernière édition du rapport sur la dette internationale intitulé «International Debt Repor», offre une fenêtre transparente et efficace sur les dynamiques complexes entourant la dette extérieure des emprunteurs.
Cette analyse approfondie explore les rouages du Système de notification de la dette de la Banque mondiale (en anglais Debtor Reporting System(DRS) et comment il peut être utilisé pour informer des stratégies de gestion de la dette innovantes, à un moment où les Prfi sont confrontés à des choix difficiles dans un paysage de taux d’intérêt mondiaux en hausse et de vulnérabilités croissantes de la dette.
Transparence et efficacité
Le DRS de la Banque mondiale se distingue par sa capacité à collecter, enregistrer et diffuser de manière transparente les obligations de la dette extérieure des emprunteurs. Cette transparence accrue devient un atout essentiel pour les gouvernements cherchant à comprendre et à optimiser leur profil de dette.
Au-delà de son rôle de simple rapporteur, le DRS émerge comme un outil stratégique pour la gestion active de la dette. Les gestionnaires de la dette peuvent tirer parti des données approfondies du DRS pour élaborer des stratégies efficaces, en particulier à une époque où les décisions en matière de dette sont plus complexes que jamais.
«Si le taux d’intérêt d’un instrument de dette apparaît comme le critère le plus évident, d’autres éléments critiques entrent en jeu, tels que la composition monétaire, la répartition entre taux d’intérêt fixes et variables, le profil de maturité, le choix entre dette intérieure et dette extérieure, ainsi que la proportion d’instruments à taux nominal par rapport à ceux indexés sur l’inflation… Face à la conjoncture actuelle marquée par la hausse des taux d’intérêt mondiaux, des paiements d’intérêts élevés et des maturités plus courtes sur de nombreux prêts, ces choix s’avèrent aussi délicats que jamais. Les vulnérabilités et les charges de dette accrues dans les PRFI, résultant d’un déséquilibre décennal entre la croissance économique et l’accumulation de la dette, complexifient davantage la tâche de construire et de gérer un portefeuille de dette adapté et rentable», souligne le document, tout en ajoutant que l’analyse minutieuse du portefeuille de dette d’un pays, suivie d’une optimisation grâce à une gestion active de la dette, émerge comme une stratégie permettant d’alléger le fardeau du service de la dette.
Portefeuille de dette : les points sensibles
L’analyse du portefeuille débute par une évaluation approfondie permettant d’identifier les instruments et frais coûteux au sein des prêts en cours. Les données étendues et détaillées du DRS ont ainsi permis de mettre en lumière des disparités marquées dans les termes des prêts octroyés par les créanciers officiels et privés dans les pays éligibles uniquement pour des prêts concessionnels de l’Association internationale de développement (IDA).
En scrutant les données du DRS, des tendances globales émergent, révélant une diversité de taux d’intérêt et de frais d’engagement. Ces éléments cruciaux, souvent dissimulés dans les chiffres agrégés, prennent une nouvelle clarté grâce à une analyse granulaire.
Une recherche basée sur ces données a examiné plus de 10.000 prêts à 53 de ces pays, mettant en évidence deux caractéristiques principales : les prêts à taux d’intérêt élevé et ceux avec des frais d’engagement élevés. Cette recherche a révélé que, bien que la plupart des prêts soient consentis à des taux d’intérêt bas, un quart d’entre eux affichent des taux supérieurs à 5%. Ces prêts à taux élevé ne sont pas l’apanage des seuls créanciers du secteur privé, mais sont répandus parmi les emprunteurs, aggravant ainsi la complexité des choix à opérer. De plus, de nombreux prêts sont assortis de frais supplémentaires : par exemple, un taux de 30% de la dette en cours des pays à faible revenu comporte des frais d’engagement de 0,25% ou plus. Ces frais peuvent atteindre des montants significatifs, surtout lorsque seule une fraction du prêt est utilisée.
La structure globale de la dette publique externe et garantie publiquement, en 2022, pour les 53 pays emprunteurs de l’IDA combinés, repose en grande partie sur les crédits octroyés par les créanciers multilatéraux, avec des taux d’intérêt d’environ 1%. Néanmoins, un quart de la dette en cours affiche des taux d’intérêt supérieurs à 5%, avec un taux d’emprunt moyen de 2,94 % (pondéré par volume).
«Ces tendances se reflètent également au niveau des portefeuilles individuels des pays, où la variabilité des taux d’intérêt est étendue, et la plupart des pays détiennent au moins quelques prêts affichant des taux supérieurs à 5%, qu’ils proviennent de créanciers multilatéraux, bilatéraux ou privés. Parmi les 53 pays analysés, 45 ont au moins un prêt d’un créancier du secteur officiel avec un taux d’intérêt supérieur à 5%. Le coût d’un prêt n’est pas uniquement mesuré par le taux d’intérêt, mais également par des frais supplémentaires, parmi lesquels le frais d’engagement occupe une place prépondérante», précise le document.
La même source ajoute que face à la complexité croissante de la gestion de la dette dans un contexte de taux d’intérêt mondiaux en hausse, de paiements d’intérêts élevés et de maturités plus courtes, les gouvernements doivent être vigilants dans l’examen des termes de leurs instruments de dette. Les données du DRS fournissent des références utiles pour évaluer les termes des nouveaux prêts en les comparant aux normes établies. «Afin de mesurer pleinement le coût des divers instruments de dette dans un portefeuille, ainsi que le coût total de ce portefeuille, chaque pays emprunteur doit régulièrement mener des analyses détaillées de sa structure de dette. Une analyse granulaire, menée au niveau du pays, peut non seulement mettre en lumière des prêts présentant des caractéristiques risquées, mais également fournir une estimation précise des coûts associés à ces prêts», précise-t-il.
Rachats de dette : atténuer les risques de refinancement
Les rachats de dette, souvent utilisés comme bouclier contre les risques de refinancement, peuvent également être des instruments extraordinaires pour réduire le fardeau de la dette nominale. Les pays éligibles à l’IDA, ayant émis des obligations internationales, en ont fait usage avec succès.
En effet, une fois l’analyse du portefeuille réalisée, les gestionnaires de la dette peuvent mettre en œuvre une stratégie active de gestion de la dette, incluant des rachats, des swaps et des annulations. Correctement exécutée, cette stratégie peut optimiser le profil de la dette publique, générant potentiellement des gains financiers significatifs.
Le document indique que certains pays IDA, ayant émis des obligations sur les marchés internationaux, ont procédé au rachat partiel ou total d’émissions antérieures dans le but de réduire les taux d’intérêt et d’allonger les échéances. Les rachats sont le plus souvent réalisés via des offres publiques sur le marché primaire, bien que certains pays optent pour des opérations plus discrètes sur le marché secondaire.
Le rapport cite également les échanges de dette qui se présentent comme une stratégie précieuse pour prolonger la maturité moyenne du portefeuille de dette. Ces opérations, basées sur des prix de marché, nécessitent une exécution prudente pour éviter des conséquences indésirables.
Swaps Dette-Nature : intégrer les objectifs de durabilité
Dans un contexte où les considérations environnementales gagnent en importance, les swaps dette-nature deviennent des instruments intrigants. Alliant allégement de la dette et financement de projets verts, ces swaps peuvent être des leviers pour concilier responsabilité financière et engagement envers la durabilité.
Plusieurs Prfi, dont l’Equateur et le Gabon, ont récemment participé à des swaps dette-nature, impliquant le rachat de la dette existante à un escompte grâce à des subventions fournies par des donateurs.
Ces options de gestion de la dette s’appliquent généralement à la dette négociable. Pour les prêts de projet, deux autres options peuvent être envisagées pour gérer efficacement la dette. Premièrement, le tirage de certains prêts peut être priorisé afin d’éviter des frais d’engagement supplémentaires. Deuxièmement, en cas de détresse de la dette, certains prêts peuvent être annulés si un décaissement supplémentaire n’est pas efficient d’un point de vue coût/risque. Cette décision doit être prise en tenant compte du taux des frais d’engagement, des frais d’annulation (s’il y en a) et du calendrier prévu des décaissements.
En guise de conclusion, le document souligne qu’à l’ère des marchés financiers volatils et de défis croissants pour les Prfi, la gestion de la dette émerge comme un art subtil. Le DRS, véritable allié dans cette quête, offre un éclairage précieux. Les leçons tirées de l’analyse du portefeuille et des stratégies de gestion active, toutes impulsées par le DRS, ouvrent la voie à un avenir où les nations peuvent manœuvrer avec agilité dans le paysage complexe de la dette mondiale. La clé réside dans l’innovation, l’adaptabilité et l’utilisation judicieuse des outils tels que le DRS pour éclairer la voie vers une gestion de dette optimale.