Accueil Culture Cycle «L’Ère Documentaire» à la Cinémathèque tunisienne, du 17 au 31 janvier 2024 : Des cinéastes racontent la Révolution… et leurs propres révolutions

Cycle «L’Ère Documentaire» à la Cinémathèque tunisienne, du 17 au 31 janvier 2024 : Des cinéastes racontent la Révolution… et leurs propres révolutions

 

Le cycle «L’Ere Documentaire» que propose la Cinémathèque tunisienne du 17 au 31 janvier 2024 vise à re-découvrir une filmographie qui a accompagné la dernière décennie à travers «les images de la révolution qui indiqueront à partir de quoi se fera le futur paysage cinématographique».

Le cycle «L’Ere Documentaire», qui aura lieu à la Cinémathèque tunisienne, du 17 au 31 janvier 2024, permettra de rencontrer et débattre avec une nouvelle génération d’auteurs qui ont émergé avec des films qui racontent la réalité des régions de l’ombre, des films qui transforment le documentaire en plate-forme de revendications sociales dans les régions de l’ombre, une tribune, où les oubliés de la Tunisie peuvent s’écrire et se décrire. Et des films qui se sont mis à réinterroger l’histoire de leur pays et se réapproprier avec une tentative de la réécrire pour rétablir «la vérité», lit-on dans l’éditorial du Cycle. L’idée serait aussi de montrer des œuvres de cinéastes qui ont pris le train en marche des événements du 14 janvier 2011, avec des images qui «constituaient pour eux la mémoire de demain, mais leur servaient également d’amorce pour évoquer une mémoire nationale longtemps confisquée». Et d’autres racontent leurs propres révolutions. L’arrivée d’une nouvelle génération, libre de toute censure, a changé les codes de l’écriture jusque-là trop marqués par les idéologies anciennes. Le désir de filmer le réel en Tunisie semble prendre un autre envol dans une société qui a pu s’identifier quelque part dans ce documentaire de l’après-14 Janvier 2011 puisque ses thématiques nouvelles la concernent directement et ses personnages qui luttent contre les tabous, les tyrannies et les mentalités sclérosées lui ressemblent. Ainsi, les cinéphiles pourront voir ou revoir entre autres «Plus jamais peur» (2011) de Mourad Ben Cheikh, documentaire représentatif de la «révolution tunisienne» à l’international, qui est fait dans l’urgence ; il comporte des témoignages, des images de proximité et de la révolte. C’est le point de départ de toute une série de films faits par de jeunes réalisateurs sur les manifestations dans la rue. «Fallega 2011» (2011) de Rafik Omrani campe le premier sit-in des «révolutions» arabes sur la place de la Kasbah à Tunis. «Rouge Parole» d’Elyes Baccar (2011) retrace les premiers pas tunisiens dans la démocratie.

«Génération maudite» (2013) de Nasreddine Ben Maati plonge dans le cyberespace, cet espace public virtuel et alternatif, où de jeunes activistes luttent contre la censure. «War reporter» (2013) d’Amine Boukhris dépeint de l’intérieur le parcours de reporters de guerre hors normes qui tombent souvent sous des balles perdues. Ces images ont été, pour ces cinéastes, la réponse à une exigence historique de l’intérieur et une prise de position, voire une revendication adressée à l’extérieur au moment où la même vague de tumulte s’empare de plusieurs pays arabes. D’autres cinéastes partent à la recherche des origines de la colère, là par où arrive l’étincelle. Ils la retrouvent souvent dans la périphérie, dans la marge. Ils la retrouvent dans les quartiers populaires, dans les régions lointaines et laissées pour compte, chez les petites gens longtemps invisibles dans les médias officiels. Dans «Nous sommes ici» (2011) d’Abdallah Yahya, de jeunes rappeurs d’une banlieue défavorisée tentent d’exprimer leur souffrance au quotidien. «Jiha» de Ridha Tlili (2011) donne la parole à une région rebelle qui réclame sa vérité historique comme étant celle qui a combattu les colons français. «Maudit soit le phosphate» de Sami Tlili (2012) rétablit la vérité sur le mouvement de désobéissance civile de 2008 dans la région minière du Sud-Ouest de la Tunisie. Dans «C’était mieux demain» (2012) de Hind Boujemaa, une mère célibataire sans toit croit que la révolution est une bénédiction qui va lui permettre de trouver un logement gratuit. Le film s’infiltre dans la prison pour recueillir sa détresse. «El Gort» (2013) de Hamza Ouni raconte le désespoir des jeunes de Mhamdia, banlieue de la capitale, qui se débrouillent grâce à des métiers précaires, face au chômage et à l’exploitation. «Derrière la vague» (2016) de Fethi Saïdi suit le quotidien des habitants de Borj Chakir, une autre banlieue de la capitale. Ici, deux issues s’offrent aux jeunes : travailler comme berbechas au dépôt d’ordures ou migrer. «Le Challat de Tunis» (2014) de Kaouther Ben Hania, quant à lui, propose une nouvelle manière de raconter une vérité de la société par le mensonge. Ce documentaire dissèque le rapport de domination entre hommes et femmes à travers un fait-divers survenu une dizaine d’années auparavant dans un quartier populaire.

D’autres documentaires se sont intéressés aux anciens opposants qui ont subi des tortures à l’époque de Bourguiba et de Ben Ali. «Mohamed Ben Jannet» (2012) de Ridha Ben Halima relate la vie mouvementée de ce militant de gauche et héros des manifestations du 5 juin 1967. «La mémoire noire, témoignages contre l’oubli» (2013) de Hichem Ben Ammar décrit de quelle manière Bourguiba s’est acharné contre le mouvement de gauche Perspectives, créé à Paris en 1963. D’autres témoignent du rôle des femmes dans les luttes militantes en Tunisie et dressent différents portraits. «Une vie en dents de scie» (2012) de Mounir Baaziz dresse le portrait d’une militante de l’Association tunisienne des femmes démocrates qui continue le combat sous la menace d’une remise en question de ses acquis. En pleine transition démocratique, «7 et ½» (2014) de Nejib Belkadhi met en lumière une phase charnière de l’histoire du pays, celle des élections de 2014.

La décennie qui suit la révolte, s’installe progressivement un courant autobiographique dans le paysage du documentaire tunisien. Ainsi «Dans Le visage de Dieu» (2014), Bahram Aloui revient sur son enfance dans son village qui continue de vivre dans la misère malgré les promesses des politiques. «Travelling» de Ons Kamoun (2017) raconte le parcours initiatique d’une enseignante de la capitale, nommée dans le sud, pour produire des films avec ses étudiants. «Fathallah TV, 10 ans et une révolution plus tard» (2019)» de Wided Zoghlami prend le pouls d’une génération et d’un pays à travers le destin de quatre jeunes du quartier populaire de la banlieue sud de Tunis.

Dans ces films, la petite histoire s’enchevêtre avec la grande et l’emprunt de la figure de la «révolution» passe de l’euphorie des premiers instants au constat désillusionné sur une situation stérile.

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