Les Aigles de Carthage doivent être prêts mentalement à jouer à leur meilleur niveau pour gagner le match de la survie dans cette Coupe d’Afrique.
La défaite inattendue devant la Namibie, dans un premier match en phase de groupes sur lequel Jalel Kadri avait beaucoup tablé pour faire une bonne entame de la CAN, a laissé des traces profondes. De l’étonnement qui est allé jusqu’à la stupéfaction et de l’écœurement qui n’a pas été loin du désespoir. Au lieu d’une analyse sobre et sereine d’un faux-pas, aussi amer fût-il, il y a eu sur certains plateaux de télés et de radios un grand matraquage médiatique de la sélection et du sélectionneur qui n’est pas pour aider des joueurs, traumatisés par cette expérience douloureuse, à prendre leur courage à deux mains afin de se racheter et de se faire pardonner. Il reste encore deux matches à disputer après ce triste revers. Mathématiquement, rien n’est encore joué pour la qualification au second tour. Aussi bien les joueurs que l’ensemble du staff technique ont été mis sous une forte pression à double tranchant. Le pire à craindre pour ce match contre le Mali, important, voire capital, c’est que, crispés et même tétanisés par la pression de l’enjeu, les Aigles de Carthage ne pourraient pas évacuer le stress pesant et trouver les grandes ressources physiques, techniques et mentales pour se surpasser. Mais face à cette angoisse, il y a aussi l’espoir de se servir de cette pression comme un catalyseur pour livrer une partie intense, avec un esprit de commando. Ce sera un match qu’il faudra gagner et au pire des cas ne pas perdre pour garder une ultime chance même infime dans le troisième match contre l’Afrique du Sud pour aller en huitièmes.
Régénérer le système et mieux huiler les rouages de l’équipe
Si contre la Namibie, rien n’a marché comme escompté, ce n’est pas le système de jeu adopté qu’il faut s’empresser d’incriminer. Le principal grief fait à Jalel Kadri par certains observateurs est d’avoir utilisé un seul milieu sentinelle devant la défense ( Elyes Skhiri ) et de ne pas lui avoir associé dès le coup d’envoi Aissa Laidouni pour plus d’équilibre et moins d’espaces et de liberté de manœuvre à l’adversaire dans l’entrejeu. Ce n’était pas la vraie raison du naufrage collectif et tactique de l’équipe. Avec le même schéma en 4-1-4-1, le Maroc a réussi un festival offensif face à la Tanzanie et a marqué 3 buts sans encaisser aucun. Le vrai problème a été le mauvais casting dans le choix des profils de joueurs pour une bonne animation offensive, le mauvais placement et replacement des pions sur l’échiquier dans les trente derniers mètres de la Namibie. Sans oublier le retard dans les changements qui s’imposaient pour donner d’autres atouts et d’autres solutions à une ligne d’attaque qui a péché par manque de réalisme et d’efficacité. Car il y a eu des occasions même pas très nombreuses et pas toutes assez nettes. Il n’a manqué que le dernier geste pour expédier la balle au fond des filets d’un Kazapua bien vigilant mais aussi très chanceux. Contre le Mali auréolé de son beau succès sur l’Afrique du Sud, Jalel Kadri doit donc régénérer son système, mieux huiler les rouages de son équipe, inventer et proposer autre chose et mettre d’autres ingrédients avec plus de fougue, de vitesse et de dynamisme dans le jeu pour un football d’attaque.
L’importance de l’aspect mental
Pour ce match clé contre les Maliens, il faudra retourner cette lourde pression et la transformer en ondes positives. Dans la grisaille de l’expérience douloureuse du duel raté contre la Namibie, il y a eu une éclaircie : la bonne prestation du portier Béchir Ben Saïd. La confiance dans une équipe, ça part du dernier rempart. Ça se déclenche par quelques parades décisives qui préservent la cage et font entrer tout le reste du groupe dans le match. La confiance, c’est un facteur important, primordial surtout si on doit se focaliser sur le résultat. Plus important que les changements pressentis dans la composition du onze rentrant. Que Ali Abdi effectue son retour sur le côté gauche de la défense dans une défense à quatre ou comme troisième arrière central dans une défense à trois, que Aïssa Laïdouni retrouve son poste de demi défensif balayeur aux côtés d’Elyes Skhiri, que Hamza Rafia ou Naïm Sliti ou Bessam Srarfi profitent de la petite forme affichée par Mohamed Ali Ben Romdhane et Anis Ben Slimane dans le poste de milieux relayeurs, ce ne sont pas ces seuls changements qui vont métamorphoser complètement le visage de l’équipe. C’est la bonne transition défense-attaque, le degré de réussite dans l’animation offensive, l’emploi des meilleures formules en attaque, le profil des joueurs qui doivent porter le danger dans la surface de l’adversaire et qui doivent être mis dans leur registre le plus performant qui vont amener un sursaut impératif et signer la victoire qui fera renaître l’espoir de la réhabilitation. Car, en Coupe d’Afrique comme en Coupe du monde, ce ne sont pas forcément les équipes qui brillent d’entrée qui vont jusqu’au bout de l’aventure. Et pour mettre tout le monde dans le même état de forme psychologique, on a besoin de joueurs d’expérience. On est allé trop loin dans les critiques en pointant du doigt les joueurs cadres les plus âgés de la sélection comme maillons faibles du dispositif. Pour cette Coupe d’Afrique et particulièrement pour le match d’aujourd’hui susceptible d’inverser la tendance, de nous faire passer d’un pessimisme excessif à un optimisme mesuré, des joueurs comme Youssef Msakni, Yassine Meriah et Ali Mâaloul restent toujours utiles pour le moral et l’équilibre au sein de l’effectif malgré les errements du match d’ouverture. Car le talent n’a pas d’âge comme l’a prouvé Emilio Nsue (34 ans) qui a été l’auteur du triplé de la Guinée équatoriale face à la Guinée-Bissau. A Jalel Kadri de jouer ses dernières cartes pour mettre ses joueurs dans le même état de forme physiquement et psychologiquement pour qu’il n’y ait pas ce déséquilibre dans les trois compartiments entre joueurs performants et d’autres en baisse de régime. Car une équipe, c’est avant tout un équilibre et toute défaillance dans le système et le rendement des joueurs piliers peut tout dérégler. Espérons que, cette fois, ses joueurs et lui se comportent en hommes avertis, conscients du grand challenge et défis qui les attendent.