Accueil A la une Walid Ben Salah, président de l’Ordre des Experts Comptables de Tunisie (Oect) : «La mobilisation des financements extérieurs est le principal défi de 2024»

Walid Ben Salah, président de l’Ordre des Experts Comptables de Tunisie (Oect) : «La mobilisation des financements extérieurs est le principal défi de 2024»

 

Si la loi de finances contient des mesures qui renforcent  les équilibres budgétaires, le budget de 2024 demeure fragile, estime Ben Salah.

La loi de finances 2024 alimente encore les débats. Cette fois-ci, c’est au tour des experts comptables de livrer leur lecture. Un séminaire au cours duquel les professionnels ont présenté un décryptage de ladite loi a été récemment organisé, à cet effet. 

Ouvrant l’événement, le président de l’Oect, Walid Ben Salah, a procédé à un cadrage économique en rappelant  les principaux indicateurs de l’économie tunisienne. Il a souligné, dans ce contexte, que l’année 2023 s’est caractérisée par la persistance des difficultés économiques et financières. «Une situation qui trouve son origine, non seulement dans les crises qui se sont succédé depuis l’apparition de la pandémie Covid-19 et le déclenchement de la guerre prolongée russo-ukrainienne mais aussi dans l’émergence de nouvelles tensions dans diverses régions du monde. Les épisodes de sécheresse qui se sont répétés au cours des dernières années et l’absence d’une stratégie claire visant à redresser l’économie nationale à court, moyen et long termes ont également contribué à l’exacerbation des difficultés», a-t-il affirmé.

Le président de l’Oect a ajouté que l’année 2023 a été aussi marquée par le ralentissement de l’économie, étant donné que le taux de croissance n’a pas dépassé 0,7%. Cette faible performance est, selon ses dires, le résultat de la faiblesse de l’environnement des affaires et de la baisse de l’investissement dont le taux est passé de 24,6% en 2010 à seulement 16,1% en 2022.

Côté épargne nationale, les choses ne vont pas mieux puisque le taux stagne aux alentours de  8,4% en 2023 alors qu’il était de 21,5% en 2010. «Cette situation économique a favorisé la hausse du chômage qui persiste à des niveaux élevés atteignant 15,8% au cours du troisième trimestre de 2023 ainsi que l’accélération de l’inflation qui a avoisiné une moyenne de 9,3%, soit une hausse de 1% par rapport à l’année 2022. L’évolution négative de tous ces indicateurs s’est mal répercutée sur le pouvoir d’achat des citoyens, mais aussi sur la disponibilité de  certains produits de consommation», a-t-il précisé. 

Un budget expansif

Evoquant la L.F  2024, Ben Salah a fait savoir que ladite loi a été élaborée dans un contexte économique difficile. Soulignant  la dynamique de croissance qui s’est installée dans la plupart des pays à travers le monde grâce à la reprise progressive  de la production, Ben Salah a ajouté que  les prévisions de croissance tablent sur un taux faible.

« L’économie tunisienne peine à se redresser et à faire un saut qualitatif, puisque les prévisions tablent sur une croissance faible de  2,1%, un taux qui reste tributaire des facteurs climatiques, mais aussi du rendement agricole et de la production dans les secteurs extractifs tels que le phosphate et les hydrocarbures qui ont soif de nouveaux investissements », a-t-il ajouté. 

Rappelant les principaux chiffres de la LF 2024, le président de l’Oect a indiqué que le budget 2024 qui est de l’ordre de 77,4 milliards de dinars représente plus de 44% du PIB, dépassant ainsi les taux de référence pratiqués à l’échelle internationale qui sont aux alentours de 30%. A en croire l’expert comptable, ces chiffres montrent bien que les dépenses publiques constituent  un lourd fardeau pour  l’économie nationale, bridant ainsi  son élan et sa croissance, d’autant plus que 55% de ces dépenses sont alloués à la gestion, 32% au  service de la dette publique (un taux inédit) alors que les dépenses d’investissement public s’accaparent la maigre part de 6,3% soit, 5,3 milliards de dinars.

Il a, en ce sens, ajouté que le financement du déficit budgétaire nécessite des ressources d’emprunt importantes évaluées à 28,7 milliards de dinars ramenant ainsi le taux d’endettement public à 80% du PIB, et ce, sans compter les dettes des entreprises publiques et les engagements de l’Etat pour les couvrir.  « Le budget 2024 se caractérise également par la hausse du taux nominal de l’impôt qui a atteint  25%, ce qui va impliquer une hausse des prélèvements publics obligatoires (PPO) qui devront dépasser 34% du PIB, soit le taux le plus important en Afrique.

Ceci aura un impact négatif sur l’investissement, notamment les IDE. De surcroît, la répartition inique de ce taux, qui est, par ailleurs, causée par la prolifération du secteur informel et l’évasion fiscale, ne permet pas d’asseoir une réelle équité fiscale, dans un contexte où  le redéploiement des recettes fiscales n’est pas orienté vers les investissements publics et vers l’amélioration de l’infrastructure et des services publics », a-t-il affirmé.

Des équilibres fragiles 

Si, selon Ben Salah, le budget 2024 contient des mesures visant à renforcer les équilibres budgétaires, telles que l’instauration d’une taxe conjoncturelle de 4% sur les bénéfices des banques et des sociétés pétrolières, la mise en place de mesures alternatives pour  financer les dépenses de subvention, à travers notamment la révision des taux des redevances de subvention et l’élargissement de leurs champs d’application outre l’amnistie fiscale qui va permettre, selon ses estimations, de renflouer les caisses de l’Etat, il demeure un budget fragile, compte tenu de l’importance des financements extérieurs (16,4 milliards de dinars) qui doivent être mobilisés au cours de cette année.

Ces montants, rappelle-t-il, doivent être levés  sur fond de suspension des négociations avec certains bailleurs de fonds  et de dégradation de la note souveraine de la Tunisie. « C’est le principal défi pour assurer les équilibres budgétaires de l’exercice 2024 », a-t-il asséné.

Et le président de l’ordre des experts comptables d’ajouter : «Tous ces indicateurs peuvent susciter des craintes quant à la situation économique du pays. Mais les difficultés peuvent être surmontées, à condition de déployer tous les efforts et démarrer une réelle réforme profonde et globale dans les plus brefs délais. Des réformes qui touchent les finances publiques, qui permettent l’assainissement du climat des affaires, l’amélioration de l’environnement de l’investissement, le sauvetage des entreprises publiques  et qui favorisent l’initiative privée et l’équité fiscale, et ce,  dans la cadre d’une stratégie englobante et claire ».

Soulignant que l’Oect sera toujours une force de proposition, Ben Salah a affirmé que les objectifs mentionnés ne peuvent être atteints qu’à travers la restauration de la confiance entre les diverses parties prenantes, la consécration de la valeur travail et de la production et le partage des sacrifices sur la base de l’équité et de la justice entre les différentes catégories sociales afin de bâtir un avenir meilleur et réaliser le développement durable.

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