Invité au 2e chapitre, intitulé «Secrets Culinaires Amazighs» des Disciples d’Escoffier, section Tunisie, il assiste à la conférence de presse tenue à Tunis; sur le podium, calme, silencieux, un jean à la mode et l’uniforme de service, on a fait connaissance, échangé quelques civilités et des propos sur la confrérie avec la promesse de nous rencontrer.
Jeudi soir, dans un hôtel de la banlieue, pendant la cérémonie d’intronisation des nouveaux membres des disciples d’Escoffier, on se retrouve non sans plaisir. Il se présente, Ridha Khader : boulanger. Non pas pour une école, non plus dans une entreprise ou dans une chaîne d’hôtels; Ridha fournit la plus prestigieuse résidence de France : l’Elysée. Pas moins !
Dans le brouhaha, les bruits des voix, les présentations, les discussions et les potins autour de la cuisine, l’évocation des tendances et des nouveautés culinaires, devant un buffet plantureux ( où il y avait de tout sauf les plats amazighs), un peu retiré de la foule, Ridha Khader, d’une modestie remarquable, un sourire constant et un discours sans épate, raconte son expérience, sa success story.
Arrivé en France en 1986 à l’âge de 15 ans, il débute sur le conseil (ou sur instructions) de sa mère «un métier qui te mènera loin» lui dit-elle. Il rejoint son frère aîné, boulanger en France «…au début, je n’ai pas aimé ce métier, trop fatigant, il ne me laissait pas le temps de vivre, de respirer». Ridha s’est habitué au rythme, combien épuisant, il s’y est même attaché, participant à des concours de boulangerie.
2013. Ridha remporte le concours de la meilleure baguette de Paris, l’événement a été salué par les médias français, un Arabe au concours de la meilleure baguette de France, ça nourrit les émissions et les inévitables anecdotes. J’évoque à l’occasion le sketch de Raymond Devos sur le boulanger. Rires. «Le jour de la proclamation des résultats du concours, j’ai failli ne pas aller à l’Hôtel de ville de Paris, convaincu que je n’avais aucune chance. C’était impossible dans ma tête, une utopie. J’y suis quand même allé, j’en suis fier». Cette fortune n’a pas eu la même consonance en Tunisie, il faut dire qu’à cette époque (2013), les responsables, les médias n’avaient d’yeux et d’oreilles que pour la politique.
Ridha s’installe au 14e arrondissement à l’enseigne Au Paradis du Gourmand, sa réputation faite, il fournit Matignon (le Premier ministère) l’Hôtel de ville de Paris, les ambassades à Paris, etc.
2017. Baguette d’Or du Meunier, sa réputation en France est installée, Ridha Khader a accompagné le président François Hollande, puis Emmanuel Macron en Tunisie. Son rapport avec ce dernier ? Il sort son téléphone, me montre un texto de l’avant-veille envoyé par le président qui commence par «Cher Ridha…». La question attendue : le secret de sa baguette ? «La levure de ma mère», autrement dit, la levure qu’il élabore lui-même.
Son actualité ? Canal+ prépare une émission sur son parcours depuis ses débuts. «Mais si vous avez le temps lisez mon ouvrage Le boulanger de la République», dit-il. Un vœu ? «Depuis 4 ou 5 ans, dans le but de donner une chance aux jeunes, j’ai sollicité les pouvoirs en charge de la formation professionnelle pour installer en Tunisie une école ou des unités pour enseigner (gratuitement) le métier de boulanger. Un écho ?