Accueil A la une «Et si Carthage… ? » à la nouvelle Galerie Selma Feriani : Les constellations spéculatives de Nidhal Chamekh

«Et si Carthage… ? » à la nouvelle Galerie Selma Feriani : Les constellations spéculatives de Nidhal Chamekh

 

Et si Carthage n’a pas été détruite par Rome… ? Et si l’histoire de Carthage n’a pas été écrite par les vainqueurs… ? Et si Carthage avait eu une existence différente… ? Questionnements historique, plastique, formel et fortement politique que mène Nidhal Chamekh dans cette exposition qui est le point culminant et l’aboutissement d’un projet majeur au cœur de son activité artistique depuis plusieurs années.

Entamé pendant sa résidence à la Villa Médicis à Rome (2021-2022), le travail de Nidhal Chamekh se nourrit d’une recherche iconographique détaillée. Les constellations d’images ainsi générées sont fondamentales dans son processus de juxtaposition, de retravail et de réassemblage de fragments. L’exposition «Et si Carthage ?»…

Quelques-unes des œuvres de Nidhal Chamekh exposées à la nouvelle galerie Selma Feriani, sis zone industrielle Le Kram.

Dessins de grand et de petit format, transférés sur tissu tendu, des sculptures assemblées de fragments de corps moulés, d’objets, de membres récupérés d’autres sculptures, de bustes reproduits et déplacés de leur référence originelle, de poutres et d’échafaudages, de masques, de visages… un ensemble improbable qui, dans la proximité qu’il crée avec des fragments hétérogènes, impose une lecture, dirige la perception et oriente le discours.

Selon les termes de l’artiste : «Si les éléments conservent les traces de leurs univers d’origine et ne peuvent être assimilés à une totalité visuelle. Il s’agit d’une pratique de montage qui introduit le multiple, le divers et l’hybride. Les images se confrontent, se connectent et se repoussent».

Et si Carthage… ? Est une hypothèse basée sur une approche documentaire, recherche historique, études sémiotique et iconographique qui se manifestent à travers cette approche plastique que l’artiste emprunte pour questionner ce que la modernité a porté sur l’Antiquité tout au long des XIXe et XXe siècles, l’influence de l’idéologie coloniale sur l’écriture de l’histoire ancienne de toutes les rives de la Méditerranée, l’affirmation de la présence romaine à travers l’interprétation des traces archéologiques, soulignant son étendue et l’omniprésence de son influence, justifiant ainsi la présence et les méthodes françaises dans les territoires qu’elles occupaient, et plus tard également la présence italienne se positionnant comme héritières des Romains, imposant légitimement leur «mission civilisatrice». C’est dans ces approches post-coloniales que se place Nidhal Chamekh et c’est au cœur de ce débat qu’il prend position dans un acte artistique, certes, porté par un propos purement politique.

Il cherche ainsi à traduire, dans ses assemblages d’éléments hétérogènes, les dissonances, les discontinuités et les hybridations qu’elles contiennent. Il s’intéresse à la manière dont les images, qu’elles soient historiques ou actuelles, ne sont pas statiques, mais se redéfinissent et se redéploient en permanence.    

Sa référence à Edouard Glissant n’est pas un scoop, il en fait un point de départ et une zone d’exploration. Lorsque Glissant a foulé pour la première fois le sol carthaginois, il s’est demandé, dans un article intitulé «Et si Carthage… ?», quelles autres histoires auraient pu se dérouler si ce grand centre multiculturel n’avait pas été détruit, si Rome n’avait pas mis en œuvre son projet d’écraser la résistance africaine et de dominer la Méditerranée – quelles autres lumières auraient pu naître et s’épanouir sur la terre.

Les constellations spéculatives de Nidhal Chamekh activent le potentiel de ces autres lumières, soulignant leur existence parallèle et les aperçus qu’elles offrent sur les multiples passés, présents et futurs du monde. Chamekh a installé un processus de formation d’images que nous suivons dans leur mouvement suggéré d’attraction et de répulsion, de complémentarité et d’association improbable dont la proximité ou le pont qu’elles créent ne peut conduire qu’à une autre vision du monde voire une autre existante.

Et si Carthage… ? Dirigée par Kathryn Weir, avec la collaboration de Salma Kossentini, commissaire adjointe basée à Tunis, occupe les trois espaces d’exposition de la nouvelle galerie Selma Feriani sis zone industrielle Le Kram.

Avec des espaces présentant des documents d’archives et des films, l’exposition offre également une série de programmes publics qui comprend un concert en direct et une session d’écoute de la musique tunisienne mezoued, liée à l’exil, ainsi que la projection d’un film et une performance.

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