Accueil Economie Répercussions de la destruction de l’économie à Gaza selon la Cnuced : La chute du PIB est estimée à 24%

Répercussions de la destruction de l’économie à Gaza selon la Cnuced : La chute du PIB est estimée à 24%

 

Les premières estimations de la Cnuced montrent des baisses précipitées des conditions de vie, une baisse du PIB par habitant, une pauvreté et un chômage en hausse, entre autres défis socio-économiques.

La dernière publication de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced) a mis en lumière les profondes implications économiques et sociales découlant de l’opération militaire entamée le 7 octobre 2023 dans la région de Gaza.  Ce rapport, intitulé « Preliminary assessment of the economic impact of the destruction in Gaza and prospects for economic recovery », fournit une analyse approfondie des pertes de PIB, des délais de récupération ainsi que des impacts à long terme sur la pauvreté et les dépenses des ménages. La Cnuced souligne que les conséquences économiques de l’opération militaire actuelle à Gaza sont d’une gravité sans précédent, dépassant de loin celles des confrontations antérieures. Les effets financiers de ce conflit se font ressentir de manière diffuse, touchant de multiples secteurs de l’économie et laissant entrevoir des défis considérables pour le processus de relèvement et de développement à venir. L’analyse pointue de la Cnuced met en évidence les répercussions désastreuses de cette crise sur l’économie locale, mettant en péril les moyens de subsistance des habitants et compromettant sérieusement les perspectives d’avenir. Le rapport met en garde contre les effets prolongés de la destruction et souligne la nécessité d’une action rapide et coordonnée pour atténuer les dommages et engager un processus de reconstruction efficace.

61 % des emplois perdus

Le document souligne que l’impact économique de l’opération militaire en cours menée par Israël aura des répercussions durables sur Gaza, s’étendant sur plusieurs décennies, selon une évaluation de la Cnuced qui se concentre sur quatre facteurs-clés : la diminution du PIB, le délai de récupération, les perturbations directes des activités économiques dues aux dommages et les effets à moyen terme sur la pauvreté et les dépenses des ménages. Alors que l’opération militaire se déroule, ses conséquences sont estimées en se basant sur des données économiques et des tendances historiques. Selon les données les plus récentes disponibles, le PIB de Gaza a chuté de 4,5 % au cours du premier semestre 2023. Pour estimer le PIB annuel, on a extrapolé la tendance du premier semestre au troisième trimestre. Cependant, afin de prendre en compte l’impact supplémentaire de l’opération militaire au quatrième trimestre, on a considéré une baisse similaire à celle de l’opération de 2014 (38 %), tenant compte de la durée et de la gravité de l’opération. Ainsi, en 2023, le PIB annuel de Gaza a diminué de 655 millions de dollars (en dollars constants de 2015), soit 24 % du PIB total, avec une contraction légèrement plus élevée (26,1 %) du PIB par habitant, qui atteint désormais un peu plus d’un tiers de son pic en 2005.

A la fin du troisième trimestre 2023, le taux de chômage à Gaza s’élevait à 45,1 %. L’Organisation internationale du travail (OIT) estime que 61 % des emplois ont été perdus par rapport aux niveaux pré-conflit, soit 182 000 emplois. En décembre 2023, le taux de chômage a atteint 79,3 %.

Par ailleurs, pour évaluer l’impact immédiat des dommages causés par l’opération militaire israélienne sur l’économie et le bien-être des ménages à Gaza, des images satellites des dommages, combinées à des données sur l’éclairage nocturne, ont été utilisées comme indicateurs fiables. Les données sur l’éclairage nocturne sont largement reconnues comme des « proxies » précis de l’activité économique. Pour estimer ces impacts, une grille de 365 cellules de 1 km2 a été utilisée pour toute la bande de Gaza.

Les images montrent les dommages causés à Gaza avant et après l’opération. Les dommages ont entraîné une réduction significative de l’activité économique, mesurée par les lumières nocturnes. Selon les estimations basées sur ces données, les dépenses des ménages à Gaza ont diminué de 19,2 à 23,1 % pendant la première phase de l’opération. Après le cessez-le-feu, la chute des dépenses des ménages entre le 7 octobre et le 30 novembre 203 est estimée entre 12,2 et 18,8 %. Au 28 décembre 2023, la chute des dépenses des ménages est estimée entre 36,6 et 43,1 %.

Le document estime, à cet égard, que la possibilité et la vitesse de la récupération de Gaza dépendent de la fin de l’opération militaire et de la performance de croissance ultérieure, toutes deux incertaines. Même avec une fin immédiate de l’opération et un redémarrage rapide de la reconstruction, la récupération prendra des décennies, nécessitant un afflux massif d’aide étrangère et un renforcement des institutions. Les projections optimistes montrent un retour aux niveaux de bien-être d’avant l’opération d’ici plusieurs décennies, tandis que les scénarios pessimistes signalent un processus encore plus long, avec des implications profondes pour le bien-être des habitants de Gaza.

Face à cette situation, il est crucial que la communauté internationale soutienne financièrement le gouvernement palestinien pour faciliter la reconstruction et restaurer le niveau d’aide antérieur à la crise. Ce processus devrait commencer par des investissements publics massifs pour reconstruire les infrastructures vitales et instaurer la confiance nécessaire à la reprise économique, ouvrant ainsi la voie à un rôle accru du secteur privé et des investissements étrangers directs.

Et sur le moyen terme ?

Pour évaluer les incidences à moyen terme de l’actuelle opération militaire israélienne sur le bien-être, la Cnuced se réfère aux effets de l’opération de 2014 sur la pauvreté et les dépenses des ménages. L’organisation part de l’hypothèse que l’opération en cours affecte la pauvreté et les dépenses selon des voies et des mécanismes similaires.

Selon la Cnuced, durant l’opération de 2014, une augmentation de 1 % de l’intensité des bombardements — mesurée par le nombre de structures endommagées par kilomètre carré — s’est traduite par une diminution de 6,2 % des dépenses par adulte équivalent et une hausse de 6,3 % du taux de pauvreté. Ces coefficients sont extrapolés à l’intensité actuelle des dommages par km2 relevée par l’Unosat (centre satellitaire des Nations unies) pour l’opération actuelle. L’Unosat a documenté trois évaluations des dommages pour les périodes du 7 au 15 octobre, du 7 octobre au 7 novembre et du 7 octobre au 26 novembre 2023. Les données montrent une augmentation significative de l’intensité des dommages: le 15 octobre, 10.548 bâtiments étaient endommagés ; le 7 novembre, ce nombre était passé à 25.050, et le 26 novembre, il atteignait 37.379 bâtiments, représentant 18 % de l’ensemble des structures de la bande de Gaza. Entre le 15 octobre et le 26 novembre 2023, le nombre de bâtiments endommagés a augmenté d’environ 355 %.

L’impact immédiat de l’opération sur le bien-être des foyers est estimé entre 16,3 % et 19,3 %. A moyen terme, cet impact pourrait être plus significatif si la récupération et la reconstruction suivent le rythme observé après l’opération de 2014.

La Cnuced estime que si l’opération avait pris fin le 15 octobre 2023, d’ici 2026, les dépenses par adulte équivalent auraient été inférieures de 17,6 % au niveau d’avant la crise ; cette baisse aurait été de 24,5 % si l’opération s’était achevée le 7 novembre 2023 et de 37,1 % si elle s’était terminée le 26 novembre 2023. Par le même raisonnement, la Cnuced estime que les taux de pauvreté en 2026 auraient été respectivement supérieurs de 17,8 %, 24,8 % et 37,7 % si l’opération militaire avait pris fin aux dates mentionnées précédemment.

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