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Il faut sauver nos enfants

Editorial La Presse

LE suicide des enfants et des mineurs ne cesse de défrayer la chronique en Tunisie. Le phénomène ne cesse de s’amplifier, alors qu’on continue de parler d’actes isolés ou d’un simple fait divers qu’on oublie le lendemain. Depuis des années, pour clore le débat, on évoque l’ouverture d’une enquête judiciaire après chaque suicide sans pour autant aller au fond des choses et établir une stratégie de prévention et de sensibilisation en milieu scolaire, au sein des familles ou de programmes d’assistance auprès des catégories vulnérables.    

Or, chaque suicide est un drame. Et derrière chaque suicide, il y a un message. Et avant chaque suicide, il y a un cri de détresse qui n’a pas trouvé écho. Comment ces jeunes qui avaient dans la tête les rêves qu’on nourrit à vingt ans et qui n’arrivent pas à les concrétiser se sont-ils laissé guider vers le suicide ? Comment ont-ils été gagnés par le désespoir au point de trouver dans la mort le seul chemin pour échapper à la cruauté qui prévaut dans notre société, au sein de la famille, dans les quartiers ou dans les écoles ?

Comment rester de marbre alors que 38% des suicidés sont des jeunes âgés de 20 à 39 ans ? Pourquoi garder le silence si on sait que ce phénomène touche plus les sans-emploi (61%) et les ouvriers (16%) ?  Parce qu’un banquier refuse un dépassement en rouge, parce qu’un agent exige un recouvrement qu’on ne peut pas honorer, parce qu’un juge est dépossédé de son humanisme devant un dossier, parce qu’on vous coupe l’électricité et on laisse vos enfants dans le noir la veille de l’Aïd, ou parce qu’on ne peut pas acheter un mouton, ou obtenir un visa car on n’a pas de situation sociale claire ou pour une autre raison qui vous bloque le chemin, que la fureur gagne les cœurs des jeunes et que le désespoir les pousse au suicide. Parce qu’ils ne sont plus capables de rêver. Parce qu’ils étaient des humains dans un univers qui ne l’est plus. Ici, chaque suicide nous parle et nous livre ses implacables leçons.  Cette décennie noire a non seulement massacré la vie politique, la vie économique et sociale mais a emporté dans son sillage des milliers de vies. Sa trace sinistre continue de marquer la division et le repli sur soi, cultivant les peurs, instillant la haine, utilisant les faiblesses, les retards, les erreurs et instrumentalisant les fautes sans doute. Car au désenchantement a succédé le dépit et au doute la suspicion et, pour certains, le rejet, voire la séparation et l’exclusion. Il nous incombe à tous de préserver la vie de nos enfants. Nous sommes tous responsables, chacun à partir de son niveau, pour empêcher de nouveaux drames en ouvrant les lucarnes de l’espoir devant tous ceux qui sont en détresse et au premier desquels nos enfants.

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