Partout dans le monde et depuis plusieurs mois déjà, les industriels du secteur agroalimentaire changent leurs techniques commerciales et empruntent des pistes que l’on pourrait qualifier de trompeuses pour engranger plus de bénéfices en altérant les produits.
«Shrinkflation », « Cheapflation », « Greedflation », ces anglicismes difficiles à comprendre et à prononcer circulent partout. Leur objectif est de soutenir les bourses des consommateurs. Mais ce n’est que la partie apparente de l’iceberg. Alors que la note au supermarché enfle à vue d’œil, qui profite de l’inflation sur les produits alimentaires ?
Depuis quelques mois, est apparu le terme « Shrinkflation » qui est une contraction de « Shrink » qui, en anglais, signifie rétrécir, et du mot « inflation ». Mais cela ne veut, malheureusement, pas dire « rétrécir l’inflation » comme on aimerait tous le croire. Il s’agit en réalité d’une pratique marketing qui consiste à réduire la quantité d’un produit tout en maintenant le même prix, voire en l’augmentant.
Une moins bonne qualité
Les pratiques frauduleuses évoluent et aujourd’hui, on parle de «Greedflation», de l’anglais « greed » (avidité en français), qui consiste pour une marque à profiter de l’inflation pour augmenter ses prix de vente alors que les coûts de production n’ont que très peu monté pour justifier une augmentation des prix. Cette pratique passe inaperçue à cause de l’inflation généralisée.
Mais, parfois, mettre en œuvre une stratégie de « Greedflation » provient du désir des chefs d’entreprise d’accroître leurs marges aux dépens du marché et des consommateurs. La découverte de cette pratique par les clients peut se traduire par une baisse des ventes et une dégradation de l’image de l’entreprise, car elle sera perçue comme étant peu éthique et solidaire de la société dans son ensemble.
On parle aussi de « Cheapflation », une pratique tout aussi critiquée que celles qui l’ont devancée, et qui consiste, cette fois-ci, à modifier une recette pour faire baisser les coûts. Contraction de « cheap » (bas de gamme, en anglais) et « d’inflation », elle désigne la substitution, dans une recette, d’un ingrédient par un produit de moins bonne qualité, mais sans en informer l’acheteur et sans baisser pour autant le prix du produit. Une pratique qui, comme pour la « Shrinkflation », n’est pas illégale, mais qui trompe le consommateur.
Concrètement et dans les assiettes des consommateurs, cette pratique se traduit par la dégradation de la qualité nutritionnelle d’un produit, à savoir « la valeur énergétique, la teneur en lipide, en protide, en vitamines ou organoleptique liée à l’aspect, au goût, à la saveur », détaillent certains nutritionnistes. Il ne faut pas oublier que la qualité est la garantie pour fidéliser les clients, conquérir de nouveaux marchés, augmenter la rentabilité, limiter les réclamations, se distinguer des concurrents…
Pourtant, la solution existe !
Récemment, l’association française « Foodwatch », qui lutte contre les dérives du secteur agroalimentaire, a épinglé six produits de grandes marques dont la composition a été altérée tandis que leurs prix augmentaient. Selon l’association, les fabricants justifient généralement ces changements par une hausse du prix des matières premières en période d’inflation, « mais cela n’excuse en rien l’opacité sur les modifications de recette ou de format, ni la hausse des prix qui y est corrélée », dénonce-t-elle. Elle réclame ainsi plus de transparence. « Plus de transparence sur la construction des prix dans les rayons alimentation et des règles claires pour empêcher les marges excessives des uns et des autres : deux demandes concrètes pour casser le climat actuel d’impunité et contribuer à rendre les produits plus sains et durables plus accessibles pour tout le monde. Les géants de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution ne doivent plus pouvoir se faire de profits sur le dos du droit à une alimentation saine, choisie et durable », réclame l’association.
De leur côté, les fabricants qui ont été interpellés justifient le recours à la « Cheapflation » par la hausse du prix des matières premières en période d’inflation. Cela s’explique, également, par la pénurie de certaines d’entre elles, survenues après la grippe aviaire ou la guerre en Ukraine : les prix s’envolent et elles deviennent trop chères pour être utilisées. Pour « Foodwatch », cela ne justifie pas cette hausse continue des prix.
Pourtant, pour les économistes la solution existe sans pour autant léser les consommateurs. Dans cette situation, la solution la plus intéressante pour les marques et les détaillants consiste à surveiller les tarifs de la concurrence et de contrôler leurs propres prix. Grâce à des instruments de tarification, il est possible d’être au courant des variations de prix des entreprises concurrentes et de s’y adapter, sans pour autant augmenter les prix aveuglément ou prendre des décisions se répercutant sur l’image de marque.
Ainsi, ces logiciels permettent d’établir une marge bénéficiaire et d’autres variables importantes pour l’entreprise, afin que les nouveaux tarifs soient dans son intérêt.
Avec le suivi des prix, il est aussi possible d’élaborer une stratégie de « dynamic pricing » qui permettrait aux industriels de définir le prix optimal pour chaque produit, à tout moment et dans les différents canaux de vente.