Dans le village de Chenini, une mosquée troglodyte au minaret penché suscite la curiosité et cultive le mystère.
Il est difficile pour ceux qui rêvent d’une escapade dans les villages troglodytes berbères du Sud de passer à côté de la mosquée des Sept Dormants qui dresse sa silhouette imposante dans le décor lunaire du village de Chenini. La blancheur immaculée de cet édifice religieux construit à flanc de colline sur le lieu d’un ancien oratoire tranche avec la couleur ocre des montagnes qui l’entourent et le surplombent. Empreinte de mysticisme, cette mosquée est auréolée de mystère. Outre sa particularité architecturale— le minaret de monument troglodyte est légèrement penché comme la Tour de Pise— c’est son nom «la mosquée des sept dormants» qui intrigue surtout. Cette étrange attribution s’expliquerait par la présence d’un cimetière attenant à l’édifice qui abrite des tombes géantes faisant plus de quatre mètres de long. Légendes et récits vont progressivement se tisser autour de la présence de ces sépultures alimentant l’imaginaire collectif, suscitant l’étonnement et l’émerveillement des habitants berbères du village et transformant l’endroit en un lieu de vénération et de pèlerinage. La légende la plus connue rapporte que des berbères romains fuyant l’empereur romain de Dèce entre 241 et 251 ap. J.C, de peur d’être persécutés par ce dernier, ont finalement été capturés par des soldats et emmurés dans une grotte où ils ont plongé dans un long sommeil qui a duré plus de trois siècles avant de se réveiller et de se rendre compte qu’ils vivent à une époque différente de la leur.
Une autre légende raconte que ce seraient des géants qui feraient partie de la famille de ce même roi et qu’ils ont été enterrés à plusieurs mètres audessous de la mosquée avec leurs animaux de compagnie et leurs affaires, ce qui expliquerait la taille que font les tombes. Si les légendes sont aussi nombreuses, c’est parce qu’elles s’inspirent de récits religieux que l’on retrouve dans les cultures chrétienne et musulmane. Les Sept Dormants D’Ephèse dans la religion chrétienne et Ahl el Kahf dans la religion musulmane relatent la même histoire, à savoir celle de jeunes hommes qui se sont réfugiés dans une grotte où ils se sont assoupis pendant plusieurs siècles avant de se réveiller.
Au-delà d’une simple légende, ces personnages considérés comme des saints dans plusieurs pays ont pour particularité de réunir chrétiens et musulmans autour d’une histoire transmise de génération en génération et qui véhicule des valeurs et une symbolique commune, donnant lieu à la création de lieux de pélerinage, de sanctuaires et à l’organisation de cérémonies annuelles interreligieuses en Bretagne (région des Côtes d’Armor), au Yémen…