En attendant que la lumière soit entièrement faite sur cet épisode qui propulse sur le devant de la scène Fethi Dammak, le Comité de défense de feu Chokri Belaïd continue à répéter qu’il est déterminé à aller jusqu’au bout pour élucider cette énigme.
L’information rendue publique il y a quelques jours n’a suscité ni réaction ni polémique. Et pourtant, elle touche à une affaire vieille d’une douzaine d’années et portant sur un éventuel lien avec l’assassinat du martyr Chokri Belaïd perpétré le 6 février 2013, dont le verdict a été prononcé le 27 mars 2024 par la 5e Chambre criminelle spécialisée dans les affaires terroristes près le Tribunal de première instance de Tunis.
Il s’agit de la célèbre affaire Fethi Dammak qui s’est vu refuser une demande de libération. La date du procès ainsi que de 11 de ses coaccusés a été reportée au 25 juin 2024, sachant qu’ils sont six en liberté et quatre autres en état de fuite.
L’avocat Me Abdennaceur Laâouini, membre du Comité de défense de Belaïd, a déjà expliqué que l’autre dossier qui revêt une grande importance est, justement, celui de Fethi Dammak qui a commencé en février 2012, lorsque feu Belaid avait envoyé une lettre au bâtonnier du Conseil de l’Ordre des avocats et dans laquelle il révèle qu’il fait l’objet de sérieuses menaces de mort.
Le bâtonnier avait à son tour transmis ces informations, selon la même source, au ministre de l’Intérieur Ali Laârayedh pour réclamer l’ouverture d’une enquête préliminaire. Mais voilà qu’une semaine après, la réponse a été rapide, sans appel.
La réaction des services du ministère de l’Intérieur, dominé alors par les barons du parti islamiste qui détenait toutes les ficelles du pouvoir, était « méprisante ».
Ils avaient prétendu qu’il s’agissait « de pressentiments dus aux différends entre Belaïd et le parti Ennahdha et que l’enquête n’a pas permis d’authentifier les informations en question ».
Le déroulé des faits
Concernant, à proprement parler, l’homme d’affaires Fethi Dammak, on rappelle que des enregistrements audio réalisés à l’insu de l’accusé par deux dirigeants du parti Ennahdha à Ben Arous (Ali Ferchichi et Belhassen Nakache) évoquent des négociations en vue d’exécuter des projets d’achat d’armes pour mettre à exécution des opérations d’assassinats et de kidnappings d’hommes d’affaires, de juges et de figures médiatiques et politiques.
Depuis 2012 et jusqu’à cette date, ce dossier n’a pas été clos, commente l’avocat Abdennaceur Laouini, en dépit du fait que le nom de Chokri Belaïd ait été prononcé par l’un de ces deux dirigeants nahdhaouis et non par Fethi Dammak durant l’enregistrement.
Lors de leur audition à l’époque, ces deux dirigeants avaient assuré que le donneur d’ordre pour réaliser cet enregistrement n’était autre que le ministère de l’Intérieur Toutefois, en 2022, toujours selon l’avocat, l’un des agents du service de renseignements relevant du ministère de l’Intérieur (K.B.) avait été arrêté. Et lors de son interrogatoire, il a révélé que l’assassinat de Belaïd avait fait déjà l’objet d’un rapport qu’il avait rédigé lui-même, avant de le transmettre à ses supérieurs sur consigne de Tahar Boubahri, conseiller au cabinet du ministre de l’Intérieur sous Ali Laârayedh.
Or, en plus de la thèse d’une cellule armée, les investigations ont conduit à une piste faisant état d’une organisation parallèle à l’appareil de l’Etat, en lien avec le parti Ennahdha et qu’on dénomme plus communément l’appareil sécuritaire secret armé, révélé, entre autres, par Mustapha Khedher.
Cet appareil de sécurité parallèle comprendrait, entre autres, Mehrez Zouari et Oussama Bouthelja, des cadres influents imposés par le parti islamiste pour verrouiller et contrôler les rouages du ministère de l’Intérieur à l’époque.
En tout état de cause, et en attendant que la lumière soit entièrement faite sur cet épisode qui propulse sur le devant de la scène Fethi Dammak, le Comité de défense de feu Chokri Belaïd continue à répéter qu’il est déterminé à aller jusqu’au bout pour élucider cette énigme qui n’a que trop duré. Probablement pas pour longtemps…