Les marabouts veillent sur le «Saint Tropez» tunisien.
Le site anglais Time out, un guide voyage qui fournit des informations sur les plus beaux endroits du monde qui valent le détour, vient de classer Sidi Bou Saïd à la troisième place, parmi les seize plus beaux petits villages du monde. Notre «Saint Tropez» tunisien ne laisse, en effet, personne indifférent. Au début du XXe siècle, le baron Rodolphe d’Erlanger, tombé sous le charme de l’endroit, y a construit sa somptueuse résidence qui domine le golfe de Tunis. Le splendide palais, classé depuis monument historique, abrite aujourd’hui le Centre des musiques arabes et méditerranéennes. C’est son atmosphère enchanteresse, sa végétation luxuriante, ses dédales de ruelles pavées, ses maisons cossues aux lignes épurées, à l’architecture typique et aux couleurs qui sont un rappel du ciel et de la mer, ses cafés, ses marabouts… qui confèrent au village son attrait enchanteur. Dès que le premier pas est franchi, une sensation d’apesanteur doublée de l’impression que le temps a suspendu son vol s’installent chez le visiteur. Au bout de l’allée pentue bordée de bigaradiers, qui laissent entrevoir les belles portes cloutées des belles demeures traditionnelles et derrière lesquelles émerge une enfilade de petites boutiques qui vendent de jolis articles artisanaux, se trouvent les deux principaux cafés de la place. Le plus célèbre, le café des nattes, auquel on accède par un escalier chaulé aux larges marches, dégage une aura bien particulière et un charme ineffable.
Le café des nattes
Du citoyen lambda aux artistes et stars les plus célèbres du monde entier, l’attrait de ce café agit comme un aimant sur le visiteur qui ne peut résister à l’envie de gravir les marches et de s’installer en tailleur sur les nattes en osier pour siroter un thé à la menthe en humant l’odeur alléchante des bambalounis qui provient d’une des plus anciennes échoppes de beignets qui se trouve en contrebas et qui jouxte l’édifice. L’atmosphère si particulière qui y règne serait-elle liée à l’histoire de ce café vieille de plusieurs siècles ? En effet, au XIIIe siècle, un grand escalier, se trouvait à la place du café et donnait directement accès à la mosquée située à proximité de l’édifice où se réunissaient les compagnons appartenant à la confrérie du Saint Patron Sidi Bou Saïd El Béji, créant ainsi une ambiance mystique qui n’a cessé de régner à cet endroit. Au XVIIIe siècle, le bey Houssein Ben Ali, fondateur de la dynastie husseinite en Tunisie, ordonnera de construire un café ouvert au public à la place de cet escalier et d’aménager de nouveaux accès à la mosquée et au mausolée de «Sidi Aziz». Le café des nattes voit ainsi le jour à proximité de Korsi Essolah où avaient également l’habitude de se réunir les disciples du saint patron rajoutant une note à l’ésotérisme du lieu. Si Sidi Bou Saïd a été classé parmi les petits villages les plus charmants du monde, c’est parce que la magie opère à chaque lieu et à chaque endroit par où passent les visiteurs. On ne peut rester indifférent à la vue des splendides moucharabieh aux volets clos qui apportent une touche de mystère, aux bougainvilliers qui déploient leurs branchages garnis de fleurs aux couleurs chatoyantes tout le long des façades et surtout à la vue panoramique sur la baie en contrebas qui se dévoile à chaque détour d’une ruelle et qu’il est possible d’admirer en sirotant un thé sur la terrasse du café de Sidi Chabaâne qui porte le nom du marabout enterré non loin de là et dont la renommée a dépassé les frontières de notre pays grâce au chanteur Patrick Bruel, tombé sous le charme de cet endroit. Il lui a, d’ailleurs, dédié la chanson «le café des Délices».
Doté de tous ces attraits, Sidi Bou Saïd est bien parti pour garder sa place parmi les plus beaux villages du monde, protégé, qu’il est, par ses nombreux marabouts.