Accueil Culture Hommage posthume au précurseur de l’art abstrait en Tunisie, Néjib Belkhoja : Synthèse entre architecture et calligraphie arabe

Hommage posthume au précurseur de l’art abstrait en Tunisie, Néjib Belkhoja : Synthèse entre architecture et calligraphie arabe

Néjib Belkhoja (1980) Photo: M.H.Ayeb

Par Amel BOUSLAMA

Néjib Belkhoja est un artiste peintre tunisien, reconnu en tant que précurseur de l’art abstrait en Tunisie. Né le 25 novembre 1933 dans la Médina de Tunis, il meurt le 8 mai 2007 à Boumhal, banlieue sud de Tunis. Pendant plus d’un demi-siècle, il peint et réalise gravures et monotypes qu’il expose en Tunisie et à l’international.

La mère de Néjib Belkhoja est néerlandaise et son père est tunisien. Il a grandi dans la Médina de Tunis à la rue Dar El Jeld. Son père est traducteur et son grand-père est Cheikh A-Islam. Quant à son grand-père maternel, il est architecte et a travaillé au musée d’Amsterdam où il a fait en peinture des reproductions de Rembrandt et c’est lui qui a initié son petit-fils à la peinture.
C’est à l’âge de vingt-trois ans et après avoir fait des études d’aviation et une formation dans une école d’art privé à Paris que Néjib Belkhoja a commencé à exposer ses tableaux. Sa première exposition individuelle s’est tenue en 1956. Avec ses amis artistes de l’époque, il a fondé le groupe des six. Par son art, il a donné sens et valeur à la culture où il a grandi et dont il est issu. Le cumul de murs, d’arcs et de plans, la forte lumière de la Tunisie qui possède le don de se colorer de mille nuances, seul lui, Néjib Belkhoja les a vus aussi intensément.
A force de garder l’essentiel, elles sont devenues des formes abstraites. Ensuite, les formes sont devenues des modules au point que leur consistance matérielle s’est éliminée d’elle même. Une délicate structure qui ne reproduit rien d’autre qu’elle-même, parce qu’elle est en dichotomie avec la réalité. On voit des demicercles, mais ce ne sont pas des arcs et des voûtes en perspective. On voit des verticales, mais ce ne sont pas des minarets.

Néjib Belkhoja, abstraction, huile sur toile, 84 x 132 cm, collection du ministère des Affaires culturelles.

Avec cet acquis où la rigueur de la composition parfaitement équilibrée est de mise, il s’est donné la liberté de jouer sur les vides et les pleins, les contrastes, l’ombre et la lumière, les formes et les contours, les valeurs, le monochrome, les nuances… Son langage plastique s’est spécifié et le tableau est rendu ainsi autonome. L’attitude de chercheur passionné et de novateur qui ne se limite pas au donné, a ouvert à Néjib Belkhoja les portes du possible : celle de la synthèse entre l’architecture et la calligraphie de style kufi.
Cette étroite intrication, interaction, voire interconnexion qui réunit en une seule composition homogène signes architecturaux et signes calligraphiques, place d’emblée la peinture de Néjib Belkhoja dans le conceptuel. Sur ses tableaux, la structure des terrasses de maisons arabes avec les labyrinthes de rue et ruelles, de petites fenêtres carrées et des élévations rappelant des minarets se perdent au profit d’un jeu de verticales, d’horizontales, de diagonales et de demi-courbe sans rapport avec le réel.
Tandis qu’en reculant ou en clignant des yeux, on perçoit s’enchaîner les caractères d’une écriture arabe antique appelée Kufi datant de l’époque préislamique. Il est surprenant de constater comment le pouvoir imaginatif de Belkhoja a fait fusionner deux langages relevant de deux domaines différents, finissant par s’unir en un seul langage pictural authentifiant une démarche et créant une nouvelle valeur.
A partir de l’élaboration de ces deux langages spécifiquement locaux, la recherche assidue et la perspicacité de la vision de Néjib Belkhoja ont donné naissance durant les années 60 et 70 à une peinture originale, novatrice, ouvrant le chemin à l’abstraction en Tunisie.
L’authenticité et la modernité de Néjib Belkhoja a consisté à créer du sens à partir de caractéristiques locales, lesquelles sont la lumière et son corollaire la couleur, l’architecture traditionnelle et la calligraphie arabe. Ces trois caractéristiques qui participent à fonder l’identité de la culture du Tunisien de la deuxième moitié du XXe siècle sont réunies et condensées dans un langage pictural original et authentique susceptible d’atteindre l’universel. Cette peinture sans influence, sans folklore, sans exubérance est une peinture de signe et de synthèse. A l’occasion de ce 8 mai qui marque le 17e anniversaire de la mort de l’artiste phare Néjib Belkhoja, il est crucial de rappeler l’impact et le rayonnement de son œuvre dans l’histoire de l’art autant locale que mondiale et de participer à faire connaître aux plus jeunes une œuvre picturale à nulle autre pareille.

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