Mercredi dernier, vernissage de l’exposition « Tunisia, notre amour » à la galerie Mooja qu’anime le styliste Farès Cheraït à Mutuelleville, à Tunis.
Cette exposition comprend une trentaine de toiles dues à des pinceaux aux styles les plus différents et que rassemble ici une thématique commune : l’exploration des profondeurs de notre quintessence à travers des expressions, des attitudes et des perceptions qui éclairent d’une lumière crue nos états d’âme. Nous relevons dans cette exposition la signature de plasticiens à la renommée bien établie, tels Tahar Mimita, Mohsen Tarifa, Houcine Msadak et Sadok Souissi. Chacun à sa manière participe dans son style propre à focaliser l’attention sur des aspects significatifs de nos comportements ou de nos impressions. Instantanés captés dans le cours ordinaire de la vie, scènes coutumières, portraits au trait, ces œuvres, très caractéristiques de chaque artiste, traduisent des moments d’une forte inspiration et une très haute maîtrise des techniques picturales.
Un peu à la marge de ce convoi, on relève la présence d’un « invité-surprise » dont le langage est tout autre. Il s’agit de Abdejabbar Lamari dont une douzaine de toiles viennent imprimer à l’exposition un tempo inattendu et pourtant en parfaite harmonie avec l’ensemble.
Un cercle quasi confidentiel d’initiés connaît l’existence de cet artiste très fécond. Et si on devait introduire cet « invité » par une formule lapidaire, on en dira que c’est un calligraphe. Mais attention au maniement de certaines catégories, telle, justement, la calligraphie. Celle-ci couvre un champ très étendu qui englobe bien des modes d’expression.
Un tempérament conquérant
en quête d’une place
parmi les créateurs les plus inspirés
Dans la civilisation arabo-islamique, la calligraphie est la forme d’expression artistique la plus aboutie. Dans un élan incomparable de mysticisme des formes, elle a été portée aux cimes de l’abstraction tout en ayant servi les usages les plus élémentaires dans la médiation esthétique. Aussi ne faut-il pas s’étonner de la prodigieuse diversité des styles et de l’infinie richesse de leur sémantique.
Chez Abdejabar Lamari, les lettres exécutent des farandoles virevoltantes ; elles s’interpellent, s’entrelacent et happent dans leur danse des traits volants au gré des tourbillons. Parfois, elles affichent des messages codés qu’elles exhibent effrontément comme autant de défis face à l’analphabétisme du sens commun.
L’artiste emprisonne des mots insensés dans le cloisonnement d’un insondable mandala ou les fait remonter de sombres abîmes dans une ascension lente et solennelle comme autant de promesses d’émancipation. A moins qu’il les fasse joyeusement frémir à la surface d’une ineffable lumière.
Exécutées le plus souvent sur toile, ces œuvres sont portées par les ailes d’un chromatisme réinventé aux couleurs d’un tempérament conquérant en quête d’une place parmi les créateurs les plus inspirés de cette forme d’expression artistique.
Exposition « Tunisia, notre amour »
Galerie Mooja – Mutuelleville
Jusqu’au 8 mai 2024