L’union des actions et des décisions doit primer face au ralentissement économique mondial qui menace le monde et en particulier la région arabe qui affiche le taux de chômage le plus élevé, selon la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale, avec 12% en 2022. Selon un récent rapport publié par cette organisation onusienne, « la poursuite de la guerre en Ukraine, la guerre à Gaza et le conflit au Soudan créent un état d’incertitude dans l’économie mondiale et les économies de la région arabe ».
Le Royaume de Bahreïn accueillera pour la première fois de son histoire, le 16 mai prochain, la 33e session ordinaire au sommet du Conseil de la Ligue des Etats arabes, sous la présidence du Roi Hamad bin Issa Al Khalifa. Le Sommet aura une portée régionale et internationale eu égard aux massacres perpétrés contre les Palestiniens à Gaza par l’entité sioniste et les défis persistants dans la région arabe. Une conjoncture qui souligne la nécessité de parvenir à des décisions constructives susceptibles de renforcer la solidarité arabe.
Le développement économique et social arabe en point de mire
Les travaux préparatoires ont débuté hier, à Manama, capitale de Bahreïn, par la réunion du Conseil économique et social des hauts responsables. A l’ordre du jour, l’examen du rapport du secrétaire général de la Ligue arabe autour du développement économique et social arabe. Est également prévu un débat portant sur le plan d’urgence visant à faire face aux répercussions économiques et sociales de l’agression sioniste contre Palestine. Les progrès réalisés au niveau de la mise en œuvre de la Grande Zone de libre-échange arabe et la création de l’Union douanière arabe représentent un autre volet important des travaux. La réunion a également porté sur la stratégie arabe relative à la jeunesse, la paix et la sécurité, la formation et l’éducation techniques et professionnelles, ainsi que la mise en place d’un mécanisme visant à relier les institutions de développement social et les banques des pays arabes sous l’égide de la Ligue des États arabes. En outre, la réunion a souligné l’importance du rôle du secteur privé et des institutions et banques de développement social, en particulier dans le cadre du soutien à la mise en œuvre de politiques de développement social efficaces dans les pays arabes. Les discussions ont également porté sur une proposition portant sur un nouveau contrat social qui prenne en compte les évolutions et défis dans le monde arabe. Au menu de la prochaine session, la tenue de deux réunions préparatoires des hauts responsables du Conseil économique et social. D’autres rencontres de l’instance de suivi de la mise en œuvre des décisions et des engagements pris lors de la 32e session qui s’est tenue à Djeddah, en Arabie Saoudite, sont programmées du sommet.
La Tunisie : défendre la cause palestinienne et saisir les opportunités économiques
En accueillant l’ambassadeur de Bahreïn à Tunis, Abdelaziz Mohamed Abdallah El Aid, au palais de Carthage qui lui a remis une invitation adressée par le Roi de Bahreïn, le Président de la République, Kaïs Saïed, a souligné « la détermination de la Tunisie à contribuer, de manière effective, à renforcer l’action arabe commune et à continuer à défendre la cause palestinienne ». Il va de soi que le soutien de la cause palestinienne vient en tête des questions prioritaires pour la Tunisie. Cette position s’est par ailleurs traduite, au fil des ans, par le rejet de la normalisation avec l’entité sioniste en dépit de pressions internationales exercées par des parties tierces, dont des institutions internationales de financement au moment où notre pays tentait d’éponger les dettes cumulées depuis 2011. Pour la Tunisie, il est question de saisir cette opportunité pour peaufiner les positions convergentes sur des questions d’intérêt commun, et consolider les relations bilatérales sur le plan économique avec les pays arabes, notamment ceux du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et du Maghreb. Mais encore, la Jordanie et l’Egypte, comme nous le souligne l’ancien diplomate Nejib Hachana. « Notre pays doit œuvrer davantage pour encadrer et améliorer la coopération avec le CCG. Il faut savoir innover dans le contexte de cette coopération, tout en prenant en considération les évolutions sociétales et les profondes mutations que connaît cette région à tous les niveaux ». Si le réveil des Etats membres du CCG n’est plus à prouver, notamment sur le plan économique, avec l’émergence d’une nouvelle génération et de hautes compétences, la coopération arabo-arabe est toujours impactée par le grand retard. En cause, la non-application de certains accords, à l’instar de la grande zone de libre-échange arabe créée en 1978. L’organisation de plusieurs réunions dans le passé n’a rien donné de concret, estime l’ancien ambassadeur, qui met en cause le principe de l’unanimité sur lequel repose la Ligue des Etats arabes, dans l’adoption des projets et des décisions. Ce principe a été un facteur qui a lourdement impacté le fonctionnement de la Ligue et considérablement conduit à l’échec des mécanismes d’exécution.
Un modèle de coopération interarabe à innover
Évoquant d’autres facteurs contribuant à freiner la coopération arabo-arabe, notre interlocuteur pointe un modèle de coopération verticale désuet dans divers domaines économiques et industriels, qui date de l’époque coloniale. Fait confirmé par le taux élevé des échanges commerciaux entre les pays arabes et les pays occidentaux, contrairement à la coopération arabo-arabe. Autre facteur important qu’il faudra impérativement prendre en compte, le taux d’intégration industriel élevé dans les pays occidentaux et qui représente un facteur déterminant dans la consolidation des intérêts communs, ce qui n’est pas malheureusement le cas pour le monde arabe. C’est à travers le renforcement des échanges commerciaux, autrement dit l’intégration industrielle, qu’on arrivera à ériger un système de coopération bien solide. En Europe, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca) créée par six Etats en 1951 a été à l’origine de la création de l’Union européenne, rappelle Nejib Hachana. « C’est sur de telles questions que devraient se pencher les dirigeants arabes. Le prochain sommet pourrait donner de l’élan à la grande zone de libre-échange arabe ». A cet effet, il faut souligner que la coopération bilatérale et multilatérale de la Tunisie avec les pays du monde arabe, notamment avec ceux du Conseil de coopération du Golfe, a connu ces trois dernières années un raffermissement aux dépens des pays occidentaux. Faute d’accords avec le FMI, certains pays arabes, et en premier lieu l’Arabie saoudite, n’ont pas hésité à prêter main-forte à la Tunisie. Nos étroites relations avec ce pays ont été couronnées, en février dernier, par la visite d’une délégation du Fonds saoudien pour le développement dans le cadre de la signature d’un accord de prêt de développement pour financer le projet de rénovation et de développement des voies ferrées pour le transport du phosphate en Tunisie. Lors du prochain sommet, il est question de renforcer cette coopération et de l’étendre à d’autres objectifs communs, visant en particulier à financer des programmes de développement dans divers secteurs vitaux.
Faire progresser l’action arabe commune
Plus que jamais, les dirigeants arabes sont appelés, dans la conjoncture actuelle, qui est marquée particulièrement par le ralentissement de l’économie mondiale ces trois dernières années, en raison du conflit au Moyen-Orient, à s’unir face aux multiples enjeux et crises. D’autant que lors la dernière session, les dirigeants arabes avaient insisté dans leur déclaration finale sur la nécessité de faire progresser l’action arabe et d’utiliser au mieux des ressources humaines et naturelles dont la région arabe dispose pour relever les défis de la nouvelle ère. Il n’y a pas mieux que le cadre institutionnel de la Ligue des Etats arabes pour multiplier les actions communes dans tous les domaines. En d’autres termes, c’est l’union des actions et des décisions qui doit primer face au ralentissement économique mondial qui menace le monde et en particulier la région arabe qui affiche le taux de chômage le plus élevé, selon la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale (Cesao), avec 12% en 2022. Selon un récent rapport publié par cette organisation onusienne « la poursuite de la guerre en Ukraine, la guerre à Gaza et le conflit au Soudan créent un état d’incertitude dans l’économie mondiale et les économies de la région arabe ». Le rapport Cesao indique aussi que « le taux d’inflation dans la région arabe a atteint 12,3 % en 2023 ». « Les prévisions pour l’économie mondiale sont moroses. Les perspectives de croissance ne cessent d’être revues à la baisse, dans un contexte qui demeure fortement inflationniste », révèle à son tour le Fonds monétaire international. Une raison de plus qui devrait pousser les dirigeants arabes à travailler de concert et tracer les stratégies de coopération en matière de développement économique pour prendre des décisions qui ont du poids et des effets bénéfiques d’abord sur leurs pays respectifs et peuples.