Tribune | «N’oubliez jamais !»

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Par Omar BOUHADIBA

Le 8 mai 1941, plus de 6.000 juifs vivant à Paris reçurent une convocation de la préfecture de police, les invitant à se présenter  le 14 mai à 7h dans divers lieux de rassemblement, principalement le gymnase Japy dans le 11e, toujours en service. Cette note, de couleur verte, précisait que ceux qui ne présenteraient  pas s’exposaient aux sanctions les plus sévères. Près de 3.700 répondirent à l’appel. Ils furent transférés par bus à la gare d’Austerlitz et déportés le jour même par trains. Aucun ne reviendra. Ce que l’on appellera «la rafle du billet vert» n’était que la première d’une série de rafles organisées par la police française sous ordre des autorités d’occupation allemandes. La plus célèbre est sans nul doute «la rafle du vel d’hiv»  qui eut lieu les 16 et 17 juillet 1942 commanditée par le sinistre Rene Bousquet, préfet de police à l’époque. 13.000 juifs dont 4.000 enfants étaient internés dans le vélodrome d’hiver, avant d’être envoyés aux camps de la mort. Moins connue est la rafle du vieux port de Marseille où une force combinée de la gestapo et de la police française opérait une descente dans le vieux port, et arrêtait près de 2.000 juifs. Ceux-ci furent internés à Royallieu, avant d’être expédiés aux camps d’extermination.

Ces épisodes tragiques n’étaient que les derniers d’une sombre et très ancienne histoire d’antisémitisme européen, remontant au Moyen-Âge et culminant avec l’horreur de l’holocauste où 6 des 9,5 millions de juifs européens étaient exterminés.

Le mot pogrom est un mot russe voulant dire chaos et destruction. Mais c’est bien loin de la Russie que le premier pogrom eut lieu.

L’Angleterre moyenâgeuse ne comptait pas de juifs avant l’invasion du Normand, Guillaume le conquérant. Celui-ci avait emprunté de grosses sommes d’argent auprès des prêteurs juifs de Rouen pour financer son invasion de l’Angleterre en 1066. Sur ses traces, une communauté juive s’installe dans diverses villes du pays. Bien accueillis par la population, la communauté prospéra, sous le règne de Henri 1er, au point que l’un de ses membres, AAron Lincoln, devint même l’homme le plus riche d’Angleterre. La relation commença à se détériorer au 12e siècle, lors de la 1ère croisade. Pour s’embarquer dans cette coûteuse expédition, il fallait de l’argent, beaucoup d’argent. C’est donc naturellement vers les prêteurs juifs que le souverain de l’époque se tournait. Suite à leur hésitation, la population devint hostile, et en 1189, dans la ville bien anglaise de York, 150 juifs étaient massacrés, marquant ainsi le premier pogrom documenté de l’Histoire. Un an plus tard, à Londres, un autre massacre eut lieu dans la rue connue aujourd’hui sous le nom de «old Jewry», ou la vieille juiverie, tout près de la banque d’Angleterre. Richard cœur de lion les fit massacrer pour les punir de n’avoir pas voulu financer, a fonds perdus, sa croisade. A ces premiers massacres succédèrent en Europe des centaines d’autres durant les siècles qui suivirent. Rien que dans les années 1348 – 1350 des pogroms eurent lieu à Toulon, Strasbourg, Bâle, et Bruxelles… et dans tout le continent. Les plus sanglants eurent lieu en 1648, à Khmelnytsky, dans l’Ukraine actuelle qui fit 40.000 victimes innocentes. Partout en Europe eurent lieu des massacres antisémites. 

Partout en Europe, mais jamais dans un pays arabe ou musulman. Depuis le 12e siècle, historiquement, là où les juifs étaient le plus en sécurité a toujours été le monde arabo-musulman, là où les minorités juives étaient intégrées, prospères et protégées par les divers monarques.  

La communauté juive de Tunisie remonte à plus de 2000 ans. Aux juifs autochtones s’ajoutaient les juifs espagnols et livournais (Gorni) qui fuyaient les pogroms européens. Ils ont toujours fait partie de notre communauté et de notre Histoire. Principalement commerçants, ils ont parfois joué un rôle politique important, tels Albert Bessis,  André Baruch ou plus récemment, René Trabelsi ou Bernard Taieb.

Ceux-là mêmes qui, dans de féroces campagnes médiatiques en France, nous donnent des leçons d’humanité et qualifient notre position d’outrage, d’antisémitisme, nous accusant, à tort, de les avoir massacrés pendant des siècles. 

Alors qu’ils les ont livrés aux Nazis par milliers, nous les avons protégés et cachés. Khaled Abdelwahab, pour ne citer que lui parmi tant d’autres, hébergeait des familles juives dans sa ferme pour leur éviter d’être arrêtées par la Gestapo, ce qui lui valut la qualification de «juste parmi les nations» par Israël. Moncef Bey, tout comme le roi du Maroc refusait catégoriquement de leur faire porter l’étoile jaune de David. Ou encore Bourguiba qui dès août 1954, s’opposait catégoriquement à toute forme d’antisémitisme car, disait-il, tous étaient tunisiens. 

La position extrémiste anti-arabe que prennent certains membres de la communauté juive de France dont beaucoup ont des noms bien de chez nous, révèle une méconnaissance de leur histoire et une énorme ingratitude. 

En ces temps où une vague d’extrême droite balaie l’Europe, ils devraient se souvenir de ceux qui, depuis 2000 ans, ont été leurs vrais amis, et de ceux qui ont été leurs bourreaux.   

Car l’Histoire peut être un éternel recommencement. 

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