Le choix de Zied Gharsa pour se produire à l’amphithéâtre de Carthage, en cette journée spéciale, ne relève pas du pur hasard. Plus qu’un spectacle de divertissement, c’est une manifestation artistique qui préserve l’identité musicale tunisienne et son authenticité. Un parcours entamé il y a une vingtaine d’années par cet artiste qui est devenu l’un des noms les plus emblématiques de cette époque.
La Tunisie a fêté, le jeudi 25 juillet, le 67e anniversaire de la République qui a mis fin, en 1957, à 250 années de règne des Husseinites. Une occasion où le peuple tunisien se rappelle de son histoire, tout en célébrant son patrimoine culturel.
Le choix de Zied Gharsa pour se produire à l’amphithéâtre de Carthage, en cette journée spéciale, ne relève pas du pur hasard. Plus qu’un spectacle de divertissement, c’est une manifestation artistique qui préserve l’identité musicale tunisienne et son authenticité. Un parcours entamé il y a une vingtaine d’années par cet artiste qui est devenu l’un des noms les plus emblématiques de cette époque.
Sa voix remarquable et son répertoire puisé dans notre patrimoine musical classique lui ont valu le surnom de «La mémoire vivante de la musique traditionnelle tunisienne». Il tente toujours d’assurer la transmission des pièces maîtresses, avec une touche de modernité.
Les youyous fusaient déjà avant l’entrée de Zied Gharsa. Le théâtre est archicomble, affichant plus que complet, vu ceux qui se sont tenus debout au fond tout au long de la soirée, faute de places.
Le public est impatient d’écouter des airs purement tunisiens qui dépeignent nos couleurs locales. D’ailleurs, un bon nombre de spectateurs étaient habillés en tenues d’inspiration artisanale.
Le spectacle a été entamé par une introduction musicale d’environ 10 minutes jouée par la troupe de vingt musiciens sous la baguette du chef d’orchestre Kamel Abbassi. Violons, violoncelles, instruments à vent et instruments à percussion se sont enlacés pour raconter un pan de notre patrimoine musical.
L’accueil par les cris et les applaudissements a été digne du grand Zied Gharsa qui est monté sur scène en djebba écru, un machmoum à l’oreille. Les doigts caressant son orgue, les notes se sont élevées, d’abord délicates puis accélérées pour un morceau de quelques minutes, introduisant une chanson en arabe littéral.
Ce morceau de malouf par lequel la soirée a été entamée est un hommage à feu Khmayes Ternen, un des premiers fondateurs du malouf tunisien et dont son père Taher Gharsa fut lui-même le disciple, comme l’a expliqué le chanteur sur scène. Quelques modifications des paroles, insérant « ya jomhouri » (mon public) ont suffi pour enivrer la foule avec cet air « Ahlan bikom » qui a récolté un torrent d’applaudissements.
Une explosion d’amour et d’énergie positive et un enthousiasme élevé, dégagés par Zied Gharsa qui chante, applaudit et manipule son instrument en même temps.
« Je suis très heureux de cette présence qui m’est très chère », a-t-il lancé aux spectateurs, incitant lui-même à pousser des youyous et promettant une soirée tunisienne à cent pour cent. « Le rythme va monter crescendo », poursuit-il. « Je veux d’abord vous montrer mes performances vocales».
Et, chose promise, chose due, il poursuit avec des mouachahat en arabe littéral avec son excellente maîtrise du souffle pour obtenir les notes et les nuances des différents maqams. Avec cette tonalité puissante et ces interprétations vocales époustouflantes, il a su toucher le cœur et l’âme des milliers de personnes venues le voir ce soir. Débordante de passion, sa musique a captivé l’attention des spectateurs, même quand on ne connaît pas parfaitement les paroles. En les invitant à répéter après lui quelques extraits, on les voyait fredonner, battre la mesure avec les pieds et suivre la cadence avec les applaudissements. Le passage de l’arabe littéral au dialecte tunisien, en toute fluidité, prouve encore une fois que Ziad Gharsa a donné au malouf une dimension et une âme nouvelles. Il crée, compose, s’ouvre sur d’autres genres musicaux et c’est ainsi qu’il a réussi à créer un héritage durable, laissant son empreinte sur l’industrie musicale tunisienne. Les torches des téléphones, telles de petites étoiles, se sont jointes à l’odeur du machmoum répandue et à la brise estivale légère pour une ambiance globale inédite. La star n’a pas manqué de rappeler la symbolique de ce spectacle qui coïncide avec la fête nationale. « Vive la Tunisie, ne partez surtout pas avant la fin du spectacle », a-t-il encore lancé, en présence des ministres de la Culture, du Commerce et des Affaires étrangères.
Zied Gharsa a été accompagné de musiciens chevronnés qu’il a tenu à présenter. Le maestro Hassin Ben Miloud a excellé par son jeu au nay qu’il semble maîtriser avec une facilité déconcertante. Cet instrument arabo-musulman, populaire et savant à la fois, a servi en introduction pour une célèbre chanson d’amour,thème de prédilection, intitulée « Alech thayer fia ».
La foule, prise d’emblée dans la spirale émotionnelle générée par l’acoustique, entre en transe, chantant en chœur cette mélodie. Un répertoire appris par cœur prend la suite avec une large variété d’expressions musicales. De « Elli Taada w fat », à « Achiri lawel », en passant par « Bahdha hbibti » ou encore « ki jitina hey », les compositions anciennes et connues ainsi que d’autres plus nouvelles comme « aslek aziza » ont été réunies dans la même ligne directive, mêlant dynamisme et convivialité. Se levant entre les morceaux pour saluer chaleureusement les spectateurs, le grand artiste a alterné des rythmes lents et allègres, demandant incessamment des youyous.
Comme il a promu des airs plus rythmés après les wasla, place au mezwed pour des notes gaies de cet art ancestral. Le bendir et la darbouka, instruments historiques de la musique traditionnelle tunisienne, se sont imposés pour une ambiance plus décontractée. La troupe d’Amine Aidi a fait vibrer la foule par les sonorités irrésistibles des instruments de percussion et Zied Gharsa lui-même s’est mis à danser. Comme il a longtemps travaillé sur ce genre musical du folklore tunisien pour le valoriser et le réhabiliter, l’assortiment qu’il a livré au public lors de ce concert était bien digne de la notoriété de l’espace qui l’abrite.
Après « Trahwija », « Megyes » et bien d’autres grands succès qui ont marqué sa carrière, il a choisi de clôturer, comme d’habitude, avec la « Taalila ». Le spectacle d’environ deux heures et demie s’est achevé avec des souvenirs bien ancrés de cette expérience musicale exclusive.