De quoi cause-t-on dans les chaumières de la Byrsa ? De chaleur, naturellement. Une chaleur qui aura atteint ce week-end des pics considérés comme anormaux et des précautions à prendre pour en éviter les risques. C’est bien. D’ordinaire, parmi les précautions qu’on prend pour faire face à la canicule il y a l’allègement de l’habillement. De mon temps — il y a bien longtemps, il est vrai —, la tenue estivale se résumait au couvre-chef —pas question de casquettes et encore moins de bérets ou de chapeaux à ailes à l’époque jugés infâmants parce que assimilés aux tenues coloniales —la chéchia nationale ou le chapeau de paille en tenaient lieu. Et… — objet de notre chronique — le short. Dans ma prime jeunesse, en été, on portait le serwal traditionnel ou le short, même si c’est en dessous de la jebba. C’était jugé plus adapté à la saison. Même les braves agents de police qui patrouillaient à vélo dans les ruelles de la médina ou ceux qui officiaient dans les bureaux en portaient, l’été venu. Jusqu’aux débuts des années 70. Là, tout d’un coup, à l’instigation de qui vous pouvez deviner, on a décrété cette tenue « indécente » avant de la proclamer carrément immorale.
Je me suis vu interdire l’accès au bâtiment par le planton de service au prétexte que mon rejeton portait un short ! Je me souviens m’être rendu une fois au siège de l’arrondissement municipal du Kram qui dépendait de la Goulette en compagnie de mon fils qui avait alors six ans. Je me suis vu interdire l’accès au bâtiment par le planton de service au prétexte que mon rejeton portait un short ! Les receveurs du TGM se sont aussi découvert une vocation de sourcilleux défenseurs de la moralité en refoulant les voyageurs portant des shorts… On connaît la suite.
Il est pourtant évident et de notoriété cosmique que Dieu a créé l’homme nu comme un ver. Et c’est ainsi que la Providence continue à nous livrer à la Vie. Et que pendant longtemps cet homme est resté ainsi sans offenser qui que ce soit. Bien sûr, les choses ont évolué depuis.
Et il est tout aussi évident qu’un esquimau ne pourrait pas se balader nu dans son pôle natal ni qu’un aborigène d’Australie, avant la « civilisation » occidentale, n’aurait pu parader autrement qu’à poil. Des règles « morales » sont venues par la suite nous revêtir d’oripeaux dans l’air du temps au gré de leurs humeurs, fantasmes et autres considérations mercantiles.
Tout ceci pour dire quoi ? Pour dire que, l’an dernier, à pareille époque, un étranger venu au poste de police de Carthage pour une démarche quelconque s’est fait interpeller par une fonctionnaire qui lui a sèchement signifié : « On vous a déjà dit de ne pas vous présenter ici en short ». Il est reparti sans comprendre ce qu’il lui arrivait…