Le chanteur irakien Kadhem Al Sahir, alias le César de la chanson arabe comme l’avait surnommé un jour le défunt Nizar Qabbani, a fait son grand retour au Théâtre romain de Carthage le 3 août 2024. Des retrouvailles dans le cadre du Festival international de Carthage, dans un concert à guichets fermés.
Un retour très attendu puisque les billets se sont arrachés en un temps record, malgré les prix élevés de 90d aux gradins et 150 d en chaises. À peine quelques jours après la mise en vente, le concert a été marqué Sold out et les réseaux sociaux ont fourmillé d’annonces de ventes au marché noir, atteignant la barre de 300d. L’enthousiasme que suscite cet évènement se voit bien à travers le nombre de fans venus célébrer la magie de la poésie et de la bonne musique. A partir de 16h00, une longue file de plusieurs centaines de mètres s’est formée et la capacité d’accueil estimée à 10 mille personnes a été dépassée, vu que « les retardataires » ont été contraints de passer la soirée debout.
Adulé par un large public, Kadhem Al Sahir est toujours salué pour ses performances en concert grâce à sa maîtrise du jeu vocal et son style singulier axé sur les paroles. C’est ce qu’il a prouvé lors de cette soirée, entamée par des chansons en arabe littéraire. Face à des gradins en effervescence, il a interprété une sélection de ses classiques et les titres phares de son dernier album « Maa al hob » (avec amour). Un opus riche et varié, entre morceaux intimistes et rythmiques, qui nous a emmenés dans son univers engagé, parfois dense, parfois léger, mais toujours poétique.
Le programme apparaît musicalement très solide, dès les premières chansons. Il déploie au début des poèmes profonds et touchants de Nizar Qabbani, de Karim Al Iraki, et même des textes qu’il a écrits lui-même. Chantant la vie, les amours, les déceptions, ces titres récents extraits de son dernier album, et sortis il y a quelques mois, exposent avec son regard d’artiste des émotions auxquelles il est toujours possible de s’identifier aisément. Tout vêtu de noir, ce chanteur emblématique a du charisme, une présence qui inspire le respect. Aussi multiples et uniques les mélodies soient-elles, l’artiste y parvient avec aisance, offrant des moments intenses.
En enchaînant avec « Kolak ala baadhak helou », Kadhem Al Sahir a donné le véritable coup d’envoi d’un spectacle grandiose durant lequel on passe d’un tempo lent et mélancolique à un rythme plus léger et porteur d’espoir. Le public qui remuait des drapeaux tunisiens et irakiens était en extase. Dès les premières notes de son incontournable « Ye Helwa enti ye Tounis », les applaudissements se sont élevés en tonnerres.
Des airs de dabka irakienne pour danser aux chansons délicatement sophistiquées, où piano en bois et violons ont la part belle, Kadhem Al Sahir a continué à varier les registres tout au long de la soirée, afin que tout le monde puisse y trouver son compte. Entouré de ses musiciens talentueux, sa prestation ébouriffante a suscité une large palette de sentiments et les merveilles qui se sont succédé ont été d’une sincérité et d’une sérénité émouvantes. Kadhem Al Sahir a tenu à revisiter l’ensemble de sa carrière, « Yedhrab el hob », qui date de 1993, a été chantée en chœur par le public qui connaît parfaitement les paroles. Les moments tant attendus ont été certainement les célèbres poèmes de Nizar Qabbani dont certains sont mis en musique par Kadhem lui-même. « Hal Indaki chak », « Zidini ichkan », « Kouli ouhibboka » et beaucoup d’autres tubes sortis il y a plus de 30 ans mais qui ne semblent pas prendre une ride. Comme ce spectacle se veut poétique avant tout, le chanteur a commencé par réciter les paroles, afin de créer une ambiance particulière.
Ce sont justement ces hymnes à l’amour intemporels qui ont marqué des générations de mélomanes. Le concert a été un véritable voyage musical à travers les époques, suscitant des souvenirs précieux pour les spectateurs qui ont grandi avec ces chansons emblématiques. Des milliers de fans ont scandé les paroles d’une même voix, le cœur battant à l’unisson. Et c’est cette dimension collective, très sincère, qui confère un supplément d’âme à ce concert qui a certainement laissé une empreinte indélébile dans les cœurs des admirateurs du grand Kadhem Al Sahir.