Changement climatique : Une menace grandissante pour l’économie

114

 

D’un point de vue économique, le changement climatique est un phénomène coûteux. Plusieurs études et projections montrent que la Tunisie, en tant que pays situé au cœur de la Méditerranée (une région sensible), devrait en pâtir sévèrement, en l’absence d’actions d’adaptation. 

Bien qu’il s’agisse clairement d’une réalité incontestable, le changement climatique demeure un phénomène méconnu par un large pan de la société. Pourtant, il affecte—bien qu’à des degrés différents— toutes ses catégories, aussi bien les citadins que les ruraux, les riches que les pauvres. Mais aussi tous les secteurs d’activités économiques à l’instar de l’industrie, du tourisme et tout particulièrement l’agriculture. 

Car c’est un phénomène dont les manifestations sont plurielles : récurrence des épisodes de sécheresse, des inondations de plus en plus violentes, élévation importante du niveau de la mer …  Et l’impact de la réapparition des extrêmes climatiques se fait de plus en plus lourd avec des échecs des récoltes, des coupures récurrentes d’eau, l’érosion côtière qui menace l’activité touristique… Sans oublier le fait que des températures plus élevées peuvent accroître la mortalité, faire baisser la productivité et endommager les infrastructures. C’est dire que l’effet du changement climatique est désormais présent dans la vie de tout un chacun, risquant de s’aggraver davantage dans un scénario d’inaction. 

La production agricole touchée de plein fouet 

D’un point de vue économique, le changement climatique est un phénomène coûteux. Plusieurs études et projections montrent que la Tunisie, en tant que pays situé au cœur de la Méditerranée (une région sensible), devrait en pâtir sévèrement, en l’absence d’actions d’adaptation et d’atténuation.

Selon une étude réalisée par le ministère de l’Agriculture en partenariat avec l’Agence française de développement (AFD), une augmentation des températures (entre 1.5°C et 1.9°C à l’horizon 2050 et entre 1.9°C et 3.9°C à l’horizon 2100) et une diminution des précipitations annuelles (entre -6% et -9% en 2050 et entre -9% et- 18% en 2100 par rapport à la période de référence 1981-2010) sont attendues sous l’effet du changement climatique.

La dérive climatique devrait également entraîner une augmentation des événements climatiques extrêmes, notamment des phénomènes de sécheresse. Les projections climatiques indiquent un bilan hydrique moins favorable sur l’ensemble du territoire entraînant une diminution de l’apport en eau disponible pour les productions.

Une hausse des températures hivernales est aussi attendue, affectant les stades de développement des cultures et les rendements. L’augmentation des températures devrait accroître le stress hydrique avec notamment un plus grand nombre de jours de chaleur extrême. Cette étude, dont les résultats ont été publiés en 2021, a également révélé que l’impact du changement climatique sur la production agricole est considérable, et elle pourrait diminuer de -23 à -70% selon les scénarios et les caractéristiques de chaque région.

Ainsi, les régions du Centre Ouest, Sud-Ouest et Centre-Est constituent des points chauds pour l’ensemble des secteurs, particulièrement la production oléicole, devant faire face à de forts aléas climatiques. Le Sud-Est représente un enjeu mineur du fait des faibles surfaces cultivées tandis que les régions du Nord devraient subir une augmentation limitée des aléas climatiques même si la céréaliculture très présente dans ces régions demeure la culture la plus vulnérable dans de telles conditions.

Cette même étude s’est particulièrement intéressée aux impacts potentiels du changement climatique sur la sécurité alimentaire en Tunisie pour les prochaines décennies. La production céréalière nationale pourrait chuter de 16 à 38% d’ici 2100, avec le blé tendre particulièrement touché. L’huile d’olive, un pilier de l’agriculture tunisienne, pourrait également subir une baisse de production significative, allant de 23 à 70%.  L’élevage ovin et caprin sera également impacté, avec une diminution de 3 à 6% de la production nationale. Ces pertes de production auront des conséquences directes sur les revenus des agriculteurs et éleveurs, notamment ceux qui dépendent étroitement de ces ressources.

Les résultats dans le secteur de la pêche, bien que mitigés, soulignent le danger auquel fait face cette filière. Alors que l’arrivée de nouvelles espèces pourrait booster la production halieutique, la pression anthropique et la hausse du niveau de la mer menacent certaines pratiques de pêche traditionnelles, comme la pêche à la «Charfia» et la pêche à pied, mettant en péril les moyens de subsistance de nombreux pêcheurs côtiers et femmes récoltant les palourdes.

En outre, la combinaison de la baisse de la production nationale et de l’instabilité des marchés mondiaux risque de créer des pénuries temporaires, des hausses de prix et de la spéculation, rendant l’accès aux aliments plus difficile pour les Tunisiens. L’augmentation des prix de production et de consommation, combinée à la diminution de l’offre d’emploi dans les secteurs agricole et de la pêche, affecte particulièrement, selon les projections de l’étude, les femmes rurales.  D’après le Giec, qui est l’organe des Nations unies chargé de l’évaluation objective de la recherche scientifique sur le changement climatique, la baisse projetée en pourcentage du PIB par habitant dans un scénario de réchauffement climatique de 4°C en 2100 devrait atteindre entre 70 et 79%.

Des actions urgentes à entreprendre 

Pour répondre à cette menace rampante et ces projections alarmantes, la Tunisie a entamé la mise en place d’actions d’adaptation visant à réduire l’impact du changement climatique sur la vie des citoyens et sur les diverses activités économiques.

Ainsi, des plans et des stratégies sectorielles ont été élaborés à cet effet, même si la cadence de l’exécution laisse à désirer, surtout dans un contexte d’urgence climatique.

D’ailleurs, la CDN actualisée que la Tunisie a soumise en 2022 avait pour objectif de renouveler son engagement et sa contribution aux efforts internationaux pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Selon les données publiées par le Giec, la Tunisie a prévu plus de 1,8 million de dollars comme engagements financiers pour mettre en œuvre des actions d’adaptation et d’atténuation sur la période 2014-2018. 

En outre, le pays vient d’adopter une stratégie nationale de transition écologique ambitieuse pour faire face à ce défi majeur. Cette stratégie, qui s’étend jusqu’en 2050, vise à renforcer la résilience du pays face aux impacts du changement climatique, notamment en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en atteignant la neutralité carbone d’ici 2050.

Elle met l’accent sur la gestion durable des ressources naturelles, la préservation des écosystèmes et la promotion d’une économie verte et circulaire. Elle s’engage également à développer la culture environnementale et à former les ressources humaines pour faire face aux défis du changement climatique.

Laisser un commentaire