Le Sommet des «Brics+», organisé par la Russie, aura lieu à Kazan, du 22 au 24 octobre 2024, marquant une étape cruciale avec l’adhésion officielle de quatre nouveaux membres : les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Iran et l’Éthiopie. Cette expansion, annoncée lors du dernier sommet, portera le nombre de membres de l’alliance à neuf. Cet élargissement majeur marque un tournant significatif dans la géopolitique mondiale et témoigne de l’attrait croissant de ce bloc et de ses ambitions pour remodeler l’ordre économique mondial.
Depuis le début de l’année 2024, sept autres pays ont exprimé leur intention de rejoindre les «Brics» avant le prochain sommet. Il s’agit du Cameroun, Pakistan, Sri Lanka, la Syrie, Thaïlande, Venezuela et Zimbabwe. En intégrant de nouvelles nations, les «Brics» pourrait redéfinir les relations internationales et économiques, posant des défis et créant des opportunités pour les acteurs mondiaux.
Créé en 2006 par le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, le groupe des «Bric» devient «Brics» en 2010, avec l’adhésion de l’Afrique du Sud. L’organisation intergouvernementale a pour ambition de rassembler des pays en développement et de faire contrepoids face aux grandes puissances économiques d’Amérique du Nord et d’Europe de l’Ouest. D’autres pays rejoignent l’organisation en 2024 : l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran.
Un concept en construction
Les «Brics+» sont un concept encore en construction. Ils ont évolué d’un concept d’investissement, en 2001, en un concept géopolitique en 2009, et aujourd’hui en un concept intégré, géopolitique, géoéconomique et géoculturel, comme le montre la Déclaration du XVe Sommet de 2023.
D’un point de vue géopolitique, «les Brics ont déjà contribué à remodeler pacifiquement l’ordre international. Ils ont contribué à la naissance d’un mouvement, ou Bloc, fort et probablement durable, semblable au G77, plaidant pour une réforme radicale du Système multilatéral», explique Salah Hannachi, ancien ambassadeur et vice-président du Forum Ibn Khaldoun pour le développement (Fikd).
Leur élargissement renforcerait considérablement leur force de ressource, c’est-à-dire la masse territoriale des « brics+», leur démographie, leur contrôle de l’énergie et des ressources et leur potentiel en main-d’œuvre, marchés d’infrastructures, de consommation et commerce, avec l’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Asie.
Ce qui renforcerait leur force de position, c’est-à-dire leur positionnement géostratégique.
En octobre 2024, à Kazan, en Russie, lors du XVIe Sommet «Brics+», les dix membres du Groupe se réuniront «pour consolider et faire progresser «Brics+», et assurer le succès du Sommet, dans le cadre d’une règle de consensus et d’un contexte international difficiles».
Les membres des «Brics+» examineront et décideront des questions portant sur l’expansion du bloc, l’adhésion européenne au groupe, la dédollarisation, les règles du consensus…
Les implications de cette expansion sont vastes. Les « Brics» visent à détrôner le dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale, en encourageant l’utilisation des monnaies locales pour le commerce international. Une telle transition pourrait bouleverser l’ordre économique établi et avoir des répercussions significatives sur les économies dépendantes du dollar.
La Tunisie aux «Brics+»
Dans la région du Maghreb, «il sera intéressant de voir si la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie postuleront», estime l’ancien ambassadeur. En 2023, pour le XVe Sommet, la Tunisie a exprimé son intérêt pour l’adhésion aux « Brics», mais n’a pas postulé. « Même si elle peut ne pas se qualifier pour l’adhésion, la Tunisie pourrait vouloir postuler quand même en 2024. Même si elle n’est pas invitée, elle acquerra le statut de «Partenaire des Brics+». Ce statut élargira l’espace et les opportunités pour ses actions et ses négociations diplomatiques», poursuit-il.
Il est important de préciser que le partenariat avec les «Brics+» permettra à la Tunisie de tirer parti de ses ressources humaines. Il lui permettra aussi de tirer parti de sa position géographique, historique et culturelle de pont géographique et culturel entre l’Afrique et l’Europe dans un corridor central eurafricain de développement et de sa position de point d’articulation entre la Méditerranée occidentale et la Méditerranée orientale. Le projet de corridor maritime Turquie-Italie-Tunisie lancé en juillet 2020, en particulier, reliera Bizerte, les autres ports tunisiens et le futur port de Cherchell en Algérie, aux ports terminaux de l’Initiative Ceinture et Route (BRI), du Corridor AAG et de l’Imec, sur le bassin de la Méditerranée Orientale, la mer Noire et la mer Rouge».
C’est dire que la Tunisie pourra alors tirer parti, en tant que membre ou partenaire, d’ouvertures stratégiques avec les «Brics+». «Ces ouvertures sont les mêmes qu’elle a avec le Système multilatéral actuel, mais avec l’avantage d’une meilleure focalisation, d’une meilleure attention, d’une meilleure priorité, et d’une meilleure dotation en ressources».
Hannachi indique, en effet, que la Tunisie contribuera avec le nouvel Institut diplomatique à Tunis financé par la Chine, qui servira comme une installation «Brics+» pour la recherche, les études, la formation, les stages, les ateliers et les forums «Brics+»…
Aussi avec ses avancées reconnues en matière d’autonomisation des femmes avec le Conseil des Femmes des «Brics+», son expérience reconnue dans la diplomatie du savoir Piste (Partenariat dans l’innovation, la science, la technologie et l’éducation), en particulier son expérience «Satreps» avec le Japon (qui peut aider les «Brics+» à tirer parti de leur véritable capital de ressources humaines), son expérience dans les technologies de la sécurité humaine. L’eau, l’énergie, l’environnement, l’agroalimentaire…, notre pays pourrait accéder au statut de partenaire des «Brics+».