Deux virus suscitent actuellement l’inquiétude auprès de la population: il s’agit du virus de la rage qui vient récemment d’entraîner le décès d’un bachelier et du nouveau variant de la variole du singe (Mpox) qui est en train de se propager rapidement dans plusieurs pays d’Afrique entraînant un grand nombre de décès. Le ministère de la Santé vient de mettre en place des mesures de contrôle et de surveillance au niveau de l’aéroport de Tunis Carthage ainsi que des ports et des postes frontaliers afin d’éviter l’introduction et la propagation de la variole du singe dans notre contrée où, pour l’heure, aucun cas n’a été détecté. Le médecin vétérinaire Kaouther Harabech, responsable point focal national règlement sanitaire international, fait le point.
Le nombre de décès par le virus de la rage a augmenté au cours de la dernière décennie. Comment expliquez-vous cela?
Il existe des facteurs à l’origine de l’augmentation des cas de rage en Tunisie: il y a, primo, le manque de sensibilisation puisque tous ceux qui ont subi des morsures d’animaux errants et qui sont décédés n’ont pas eu recours au protocole de traitement et, secundo, le facteur environnemental lié à l’augmentation des déchets et des ordures. Il s’agit de deux facteurs qui expliqueraient la prolifération des animaux errants ainsi que l’augmentation des décès suite à une morsure par un animal atteint de la rage au cours des dernières années.
Le programme national de prévention et de lutte contre la rage, qui a enregistré des résultats positifs à son démarrage, ne donne plus aujourd’hui aussi bons résultats. Pourquoi selon vous?
Il y a deux années nous avons eu un regain du nombre de cas de décès par la rage sinon nous avons toujours enregistré pratiquement le même nombre de cas de décès par la rage d’une année à l’autre. Lorsque le programme a démarré en 1992, on avait enregistré 25 cas de décès par la rage. En 2011, il y a eu une augmentation du nombre de cas à cause du relâchement qui a été observé, le nombre a par la suite baissé et puis il y a eu une nouvelle augmentation en 2021. Les gens, qui ont subi des morsures d’animaux errants, avaient peur de contracter le Covid dans les urgences. Donc ils n’ont pas eu recours au protocole de traitement de la rage. Par ailleurs la situation environnementale avec l’augmentation des déchets et des ordures a favorisé la prolifération des chiens et des chats errants.
Pourquoi le jeune homme qui a été griffé et mordu par un chat atteint de rage vient-il de décéder?
La moyenne d’incubation du virus de la rage est de deux mois. Le jeune homme avait reçu une dose de vaccin mais n’a pas achevé le protocole du traitement. Quand les symptômes ont commencé à apparaître chez ce jeune homme après la durée d’incubation nous savions qu’il allait décéder. Les symptômes sont l’agitation, l’agressivité, l’hydrophobie…Lorsque le virus atteint les nerfs cérébraux, cette atteinte va se manifester chez la personne contaminée par des troubles du comportement , une agressivité anormale… jusqu’à l’arrêt cardio-respiratoire.
Faut-il faire vacciner les animaux de compagnie?
On préfère faire de l’excès de zèle et encourager la prévention. Un animal domestique d’appartement peut à tout moment sortir de la maison et se retrouver en contact de chiens ou de chats errants. C’est pour cette raison qu’il est important de vacciner son animal de compagnie. La vaccination animale contre la rage doit être renouvelée chaque année. C’est important. Tous les commissariats régionaux au développement agricole font la vaccination gratuitement.Il est possible également de faire vacciner son animal de compagnie chez le vétérinaire.
Court-on un risque lorsqu’on a un animal domestique d’être contaminé par le virus de la rage s’il nous griffe ou nous mord?
Un animal domestique qui a griffé ou mordu son propriétaire doit être contrôlé pendant quinze jours. Si au bout de ces quinze jours, il n’a montré aucun signe ni aucun symptôme de contamination par la rage, son propriétaire n’a pas besoin de suivre un traitement de prévention.
Peut-on vacciner tous les chats et chiens errants?
Non cela n’est pas possible. Il n’est pas question non plus de les abattre. Il faut mettre en place et augmenter le nombre de centres de stérilisation pour les animaux errants. Or, cela coûte cher et requiert beaucoup de matériel et d’équipements pour les actes de castration et de stérilisation sans compter qu’il faut signer des contrats de convention avec des vétérinaires. Le ministère de l’Agriculture procède à la vaccination des animaux domestiques mais pas des animaux errants.
Pensez-vous que si les municipalités intensifient les campagnes de propreté et enlèvent les ordures plus fréquemment, cela pourrait résoudre le problème des animaux errants?
Le chien n’est pas un animal sauvage. Il dépend toujours de l’homme. Il y a plusieurs facteurs à l’origine de la prolifération des chiens et des chats errants. Ces derniers vivaient avant à la campagne. On ne voyait pas d’animaux errants dans les zones urbaines. Aujourd’hui avec la prolifération des ordures et des déchets et le non respect par les habitants et les riverains des heures de collecte et de ramassage de ces déchets et de ces ordures, les animaux errants à la recherche de nourriture ont proliféré. Ces animaux errants ouvrent et déchirent les sacs poubelle et déversent les conteneurs qui débordent de déchets. Les riverains doivent éviter de jeter leurs sacs de poubelle qui sont trop pleins à n’importe quelle heure de la journée. Il ne faut pas non plus introduire ou adopter des animaux errants dans sa maison. Un bébé de deux ans est décédé l’année dernière parce que ses parents ont adopté un animal errant. Ceux qui ont un animal de compagnie, que ce soit une chatte ou une chienne, doivent également éviter de jeter les chatons et les chiots de ces derniers à la rue.
Venons-en au virus de la variole du singe. Le risque qu’il se propage en Tunisie est-il élevé?
Non le risque n’est pas élevé. L’importation de ce virus a lieu par le biais des points de passage des voyageurs au niveau des aéroports, des ports et des postes frontaliers. Le risque est particulièrement présent chez les clandestins en provenance des pays d’Afrique centrale . Ces derniers traversent une partie de l’Afrique pour venir jusqu’ici et sont par conséquent exposés à la contamination par le virus de la variole du singe. Des équipes de contrôle sanitaire sont présentes au niveau de l’aéroport de Tunis Carthage et des frontières pour contrôler les équipages et les voyageurs des cargos et des vols transitaires et en provenance d’Afrique. Les mesures de contrôle et de surveillance ont été renforcés au niveau de l’aéroport de Tunis Carthage, des ports et des postes frontaliers et de tous les points de passage des voyageurs.
Ce virus peut-il être mortel?
Le virus se manifeste au bout de dix jours d’incubation par une élévation de la température, de l’asthénie et de l’apparition de fistules. Il peut être mortel pour les jeunes immune-déprimés. Le mode de contamination se fait essentiellement par voie respiratoire et par un contact direct avec les lésions provoquées par le virus. C’est pour cette raison qu’il est important d’adopter des mesures d’hygiène rigoureuses dans les centres de surveillance et d’isolement en portant des gants et des masques et en évitant d’utiliser et de manipuler les vêtement et le linge des personnes infectées.
Risque-t-on, si le degré d’alerte est élevé, de revivre le même scénario que le coronavirus?
On ne risque pas de revivre le même scénario car ce virus est différent du coronavirus et n’a pas le même mode de transmission. Alors que le coronavirus se transmet par voie aérienne, il faut un contact étroit et direct pour être contaminé par le virus de la variole du singe.