C’est le propre du haut niveau : il y aura forcément plus de déçus que d’élus en cette période de pré-saison, avec, pour le sujet qui nous concerne, des purs produits d’équipe non retenus par leur club employeur.
Qu’ils soient jeunes pour la plupart et donc perfectibles, via une certaine marge de progression ( atout non retenu par la «maison mère»), ou encore éléments accomplis mais sur le déclin, après avoir pourtant participé activement à l’épopée du club qui les a révélés, la fin justifie les moyens, avec des joueurs invités à quitter les lieux, qu’il soient encore sous contrat ou pas, sous peine, dans ce cas précis, de s’exposer à la vindicte du «board». Bien entendu, ne pas confondre avec les pépites tunisiennes, les attractions du mercato, ces «happy-few» qui permettront à nos clubs d’augmenter leur marge, mais pour le gros des troupes, en fin de compte, ça sonne comme le chant du cygne ou plutôt le même propos: si tu n’es plus «bankable», pars et ne te retourne pas !
Des cas
Récemment, ce fut par exemple le cas au CA pour les Skander Lâabidi, Ellili, Mohamed Amine Zghada, Youssef Snana. A l’EST aussi avec Zied Berrima et Ghaith Ouahabi, et, quelque temps auparavant, à propos de Bilel Mejri et Haythem Jouini, ainsi qu’en ce moment pour les briscards Châalali et Ben Chrifia, des situations qui interrogent à l’EST, alors, qu’au même moment, un certain Rodrigo Rodrigues, émérite buteur patenté, abuse de la patience du doyen des clubs tunisiens, un peu trop indulgent et tolérant avec un joueur qui ne devrait pas disposer d’un traitement particulier. L’Etoile, aussi, n’est pas en reste avec Fraj Ben Njima, Louay Ben Hassine et Abderrazak Bouazra, tous partis, alors que seul le Stade Tunisien semble actuellement s’en remettre à des aspirants dont la plupart sont issus du cru, tels les Sajed Ferchichi, Sadok Kadida, Khalil Ayari, Rayan Smaali et autre Adem Arous.
On palabre peut-être là, mais rappelons tout de même qu’au tout début, ces «produits pur jus», ces dénommés «enfants du club», ont de quoi «flipper». Pourquoi ? Parce qu’après avoir touché du doigt le rêve de devenir footballeur pro, ne pas être conservé en étant au top ou en pleine ascension par son club formateur est forcément un réveil violent. Au point de mettre certains de ces joueurs en proie à la dépression, un mal générationnel que les observateurs de tout bord commencent d’ailleurs et tout doucement à appréhender.
Délaissé à ses débuts ou à la force de l’âge
A présent donc, les trajectoires opposées des purs produits de quelques clubs huppés en Tunisie posent une question : quand certains finissent par décrocher les étoiles, comment amortir la chute de ceux qui ont été largués en cours d’ascension ?
Chez nos prestigieuses écuries, surtout pour les jeunes du cru, promus en équipe A, la solution toute trouvée est de leur dénicher un club pour se forger et progresser, le temps de mûrir et de répéter leurs gammes. Sauf que rien ne vous garantit que le jouvenceau regagnera la tanière une fois sa période de prêt achevée. L’on se rappelle à cet effet de la transaction CA-ESS où Ahmed Akaichi a mis le cap sur Sousse, alors qu’en retour, Khaled Melliti a débarqué au Parc A. Feu Bertrand Marchand, en coach avisé, avait bien manœuvré. En cette période-là, le néo coach de l’Etoile, ancien entraîneur emblématique du CA, a su déceler les qualités intrinsèques d’un joueur explosif. Par la suite, Akaichi fera une belle carrière, que ce soit à l’EST ou en équipe de Tunisie. Forcément, aujourd’hui, il doit y avoir d’autres facteurs plus profonds qui expliquent cette tendance, toujours à l’ordre du jour. Car dans le microcosme du football tunisien de haut niveau, l’on délaisse souvent les purs produits, à leurs débuts ou à la force de l’âge, au profit de recrues onéreuses. Bref, on délaisse les «enfants du club» et on les trimballe à terme d’une équipe à l’autre. Sauf que quand un joueur est prêté continuellement ou à des fins spéculatives, cela devient une industrie au service de l’inflation des effectifs, et cela ne contribue pas à l’épanouissement du joueur, à quelques exceptions près.