Sarah Ben Romdhane, oléicultrice : Une histoire de famille

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Dès les années 60, son arrière-grand-père exportait son huile… vers les Etats-Unis. Bon sang ne saurait mentir.

Elle appartient à cette génération de jeunes entrepreneurs, droits dans leurs bottes, l’audace en bandoulière et les yeux pleins d’étoiles. Aucun domaine de l’activité, fût-ce des plus pointus, n’est pour eux tabou. On les a vus s’engager dans les secteurs les plus machistes, et l’agriculture en était un à ce jour.        

Du journalisme à l’oléiculture

Sarah Ben Romdhane vient du journalisme, un métier dont on dit bien qu’il mène à tout. A Paris où elle exerçait sa plume, elle avait pour mission de faire rayonner la culture arabe pour le journal où elle collaborait. Aujourd’hui, elle confie : «C’est ce que je fais, différemment peut-être : faire rayonner ma culture, mon identité, mon patrimoine». A Mahdia où elle a ses racines et sa maison de famille, et où elle avoue se sentir mieux que nulle part au monde, cette jeune femme s’est souvenue que ses ancêtres y cultivaient leur jardin —ou plutôt leurs oliviers. Dès les années 60, son arrière-grand-père exportait son huile…. vers les Etats-Unis. Bon sang ne saurait mentir : «J’ai voulu raconter une histoire par une action tangible, entrepreneuriale, réaliser quelque chose sur le terrain : j’avais besoin de cela dans ma vie». Le Covid, ce bouleversement des valeurs, cet arrêt sur image d’un monde qui n’est plus celui que l’on rêve, a changé le regard de cette jeune femme biculturelle. Elle décida de s’inscrire dans cette lignée familiale, de reprendre cette histoire où elle s’était arrêtée, de cultiver son jardin et de presser son huile. «A aucun moment je n’ai pensé à ce projet en termes de business. Je voulais raconter une histoire personnelle, familiale, professionnelle, bien sûr. Il s’agissait de créer une marque durable, féministe, une marque fièrement ancrée dans notre culture. Je savais que cela allait intéresser : je ne  proposais pas seulement un produit mais aussi un univers, une émotion. Les gens allaient aimer se connecter à cela». Car il ne faut pas oublier que Sarah Ben Romdhane est femme de communication et que raconter une histoire, monter un story-telling, c’est ce qu’elle sait faire le mieux.

Sur le bon chemin

Après moult péripéties, essais, patience et endurance, l’huile Kaia est née, fille de cinq générations d’oléiculteurs, emballée, conditionnée, prête à être présentée. Son petit bidon dans son sac —on avait en effet choisi un packaging insolite, bidon de métal et non classique flacon de verre —Sarah Ben Romdhane partit à la conquête de Paris, Londres et plus si affinités. Un premier réseau d’épiceries fines, puis la très éclectique Grand Epicerie du Bon Marché, le Printemps Hausman, le très britannique Selfridge’s furent séduits par cette huile et sa si jolie histoire. Les grands chefs suivirent. Sarah ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Aujourd’hui, cette audacieuse jeune agricultrice souhaite monter son propre moulin, et ne plus dépendre de sous-traitants pour la trituration. «J’ai fait le tour du Sahel pour trouver un moulin qui fait de la presse à froid, bio, selon mes conditions. Monter mon propre moulin me permettra de contrôler totalement les délais entre la cueillette et la presse, ce qui est essentiel pour la qualité. En outre, je pourrai organiser des visites, faire de l’agrotourisme, développer des produits du terroir, pénétrer d’autres marchés….». Comme on le devine, l’histoire de Kaia ne fait que commencer.

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