Depuis le temps qu’on en parle, le stress hydrique n’a jamais été aussi sévère en Tunisie. Avec la sécheresse qui perdure depuis plus de trois années, la pénurie de cette source vitale se situe aujourd’hui à un niveau inquiétant. Une bien triste réalité qu’on ne peut occulter. Avec une situation climatique qui classe la Tunisie dans le lot des pays à stress hydrique, qui s’aggrave de plus en plus, les autorités ont déployé une stratégie nationale pour prémunir la population et le développement économique de désagréments majeurs. Pour comprendre la raréfaction de l’eau, il faut regarder du côté de la pluviométrie qui est loin d’être généreuse.
Ces dernières années, le phénomène de réchauffement climatique est venu exacerber cette grande variabilité climatique, qui fait de plus en plus place à un prolongement des périodes sèches. Compte tenu des conditions particulières qui l’entourent (ressource limitée, répartition inégale…), les autorités ne ménagent aucun effort pour en garantir l’accès et assurer un approvisionnement harmonieux à l’ensemble de la population et des usagers.
Sécuriser l’accès à l’eau potable
La raréfaction de l’eau a occasionné aussi bien un revers économique au pays que des conséquences sociales énormes. Les initiatives se succèdent pour trouver des solutions à cette pénurie d’eau lancinante. Ayant à cœur de relever ce défi, l’Etat a mis en place des solutions innovantes en conduisant des projets ambitieux ayant pour objectif de sécuriser l’accès à l’eau potable pour les citoyens. Il a misé sur le dessalement de l’eau de mer pour les besoins croissants en eau de la population. Cependant, le dessalement à lui seul ne suffira pas à couvrir tous les besoins en eau potable. Le pays cherche également à renforcer son approvisionnement via la réutilisation des eaux usées traitées.
Les autorités ont opté aussi à l’élaboration d’une stratégie de l’eau, à même de surmonter les répercussions de plusieurs années successives de sécheresse et de la rareté des précipitations, qui ont contribué à la diminution drastique du stock des barrages. Ils ont appelé par ailleurs à multiplier les campagnes de sensibilisation à l’importance de la préservation de l’eau, car l’eau constitue un indicateur essentiel de développement, exhortant tous les acteurs à inventer de nouveaux mécanismes et des solutions plus efficaces pour faire face à la pénurie d’eau.
Il est important de rappeler que le stress hydrique, intensifié par des étés caniculaires, est en train d’empirer sous l’effet du changement climatique qui a tendance à accentuer les phénomènes extrêmes, sécheresses et inondations.
Le taux de remplissage des barrages s’élève
à 23, 2%
Selon l’Observatoire national de l’agriculture (Onagri), le taux de remplissage des barrages tunisiens a encore baissé atteignant 23,2% au 27 août contre 23,8% au 20 août 2024. Les réserves d’eau dans les barrages tunisiens affichent une baisse de 1,15 milliard de m3 soit -63,47% par rapport à la moyenne saisonnière de la période, atteignant 659,36 millions de m3 contre 1809,27 millions de m3.
A noter que le taux de remplissage des barrages atteignait 34,8%, à la date du 6 mai dernier, 33,5% au 24 mai dernier, et 28,3% au 13 juillet, soit une baisse continue qui rend la situation hydrique critique en Tunisie.
En comparaison avec à la moyenne des trois dernières années, les réserves d’eau sont aussi en baisse de 190,95 millions de m3, soit -25,92% enregistrant 545,68 millions de m3 contre 736,63 millions de m3 en moyenne.
La situation hydrique est d’autant plus préoccupante que le taux de remplissage des barrages tunisiens les plus importants oscille entre 3 et 36%.
Les propositions de l’Utap
La commission technique de planification et de prospection dans le secteur de l’eau, relevant de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap), a appelé à engager un dialogue entre l’organisation et le ministère de l’Agriculture, dans les plus brefs délais, afin d’identifier des solutions urgentes, pour assurer une meilleure gestion des ressources disponibles en eau d’une manière juste et équitable et garantir la durabilité du secteur agricole, face aux changements climatiques.
Par ailleurs, la commission a fait savoir que « le taux important (50%) de perte des eaux d’irrigation, la régression record des réserves en eau dans les barrages à cause des résidus et du manque de maintenance sont les principaux facteurs du gaspillage des ressources en eau». Elle a également « mis en garde contre la complexité des procédures administratives, au niveau de l’attribution des permis de forage des puits après la finalisation des démarches techniques, représentant une des entraves à la durabilité de la production agricole et à la préservation des cultures qui ne peuvent pas résister face à la rareté de l’eau ».
Alerte sur la pénurie d’eau
La situation que vit actuellement le monde eu égard aux sécheresses et inondations enregistrées, ces derniers temps dans plusieurs régions du globe est inédite, mais elle ne fait que confirmer les alertes lancées plusieurs années auparavant par les scientifiques et spécialistes de l’eau et du climat. En effet, le monde connaît depuis le milieu du siècle dernier un bouleversement de son climat, qui n’est autre que la conséquence directe d’un développement industriel à outrance qui fait fi de toute considération de la préservation de l’environnement et des ressources naturelles.
Malgré le contexte naturel très contraignant, marqué par une irrégularité dans le temps et dans l’espace des précipitations, la Tunisie a pu satisfaire sans grandes difficultés ses besoins en eau même durant des périodes de sécheresses sévères.
Même les non spécialistes du secteur de l’eau sont conscients, aujourd’hui plus que jamais, du caractère structurel de la pénurie de l’eau. Ils ont alerté sur la pénurie d’eau. Toutefois, le citoyen lambda a jusqu’à présent été relativement épargné par les coupures d’eau.
Selon les rapports de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la Tunisie est l’un des pays les plus pauvres en eau du monde, avec une disponibilité en eau de moins de 400 m3 par personne et par an, soit bien en dessous de la norme de stress hydrique de 1.000 m3 par personne et par an.
Houcine Rhili, expert en développement et ressources hydriques, a révélé que la situation hydrique en Tunisie est «critique ». Et d’ajouter que « la consommation quotidienne d’eau est de 2,3 à 2,4 millions de mètres cubes, ce qui permet de couvrir environ 75 jours d’utilisation. Cette situation est principalement due au fait que 14 gouvernorats se fournissent directement aux barrages, tandis que le reste du pays dépend des nappes phréatiques».