Classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979, l’amphithéâtre d’El Jem, qui domine cette petite bourgade située à quelques encablures de Sousse, impressionne par son style et sa splendeur architecturale. Classé parmi les plus grands amphithéâtres romains dans le monde, ce chef-d’œuvre architectural est l’un des témoins intemporels de l’histoire de la domination de Rome en Afrique
Chaque été, une ambiance quasi-mystique règne dans l’amphithéâtre d’El Jem qui abrite, depuis 1985, un événement international de grande envergure : le festival international d’El Jem. Les murs de ce monument, figurant parmi les plus beaux amphithéâtres romains dans le monde et classé en 1979 au patrimoine mondial de l’Unesco et dont l’architecture témoigne de l’ingéniosité et de l’inventivité des Romains à l’époque de sa création, ont résonné pendant des années du son des partitions musicales des plus célèbres orchestres symphoniques dans le monde. Chaque spectacle est accompagné de jeux de lumière, qui en balayant la façade circulaire, ne font que rehausser la splendeur de cet édifice, dont la silhouette majestueuse se découpe sur l’étendue sombre du ciel sans étoiles apportant une note féérique au décor.
Une belle réplique du Colisée de Rome
Cet amphithéâtre est une réplique presque parfaite, mais dans des proportions plus modestes, du Colisée de Rome. Il incarne la domination et la suprématie qu’avaient les Romains dans tous les domaines et sur tous les aspects de la vie culturelle et sociale des cités africaines relevant de l’empire romain et dont faisait partie Carthage. Il a été édifié en 238 ap. J.C sous le règne de Jules César dans la ville d’El Jem qui se nommait « Thysdrus » à cette époque. Bien que ce soit une petite bourgade, le choix de cette dernière pour y construire un édifice aussi imposant et impressionnant à l’image de la splendeur de Rome n’est pas fortuit. Thysdrus était réputée, en effet, pour avoir des terres agricoles fertiles qui alimentaient le grenier de Rome en blé et en huile d’olive. La technique architecturale ayant permis de construire l’amphithéâtre d’El Jem est similaire à celle adoptée pour le Colisée de Rome et repose sur le principe du théâtre sur arcades. Alors que la plupart des amphithéâtres romains classiques qui peuvent contenir plus de 30.000 personnes — la capacité de l’amphithéâtre d’El Jem est de 35.000 spectateurs — sont généralement construits à flanc de côteau, adossés à des collines et érigés généralement au centre de cratères creusés de façon artificielle, l’amphithéâtre d’El Jem a été construit sur une surface entièrement plate.
Apogée et déclin
Appuyé sur un système complexe de voûtes, l’édifice, de forme elliptique et destiné à une vocation de divertissement et de loisirs, est constitué d’un mur de façade circulaire, construit principalement en pierres de grès et percé d’une série d’arcades flanquées de pilastres qui s’élèvent sur trois étages. C’est par ces arcades dont l’organisation spatiale correspondait au rang que chacun occupait dans la hiérarchie sociale que les spectateurs accédaient aux escaliers conduisant aux gradins. De là, ils pouvaient jouir du spectacle des jeux de cirque et du combat féroce des gladiateurs contre les fauves dont les rugissements, qui résonnaient dans l’arène, faisaient vibrer les murs de l’amphithéâtre.
C’est également dans cette arène que se sont déroulées les exécutions des premiers croyants chrétiens sous les yeux imperturbables des Romains, comme en témoignent des mosaïques romaines. L’amphithéâtre d’El Jem a, aussi, connu une histoire quelque peu mouvementée. En 238 ap. J.-C, un groupe d’insurgés, révoltés par les taxes trop lourdes imposées par l’empereur Maximin 1er de Rome et n’arrivant plus à faire face à la chute libre du prix de l’huile d’olive, organisent une mutinerie et décident de proclamer Gordien empereur romain dans le Colisée de Thysdrus.
Cette révolte est matée par les forces romaines loyalistes qui mettent à feu et à sang la Thysdrus et les autres villes qui se sont rebellées. Le Colisée aurait, par ailleurs, selon la légende, servi de refuge au VIIe siècle à la princesse berbère, la Kahéna, qui y aurait organisé un siège contre l’invasion arabe avant de fuir à travers des souterrains sous l’arène. Certains racontent qu’elle aurait été capturée et décapitée dans l’arène, alors que d’autres prétendent que son amant l’aurait tuée, décapitée et offert sa tête à ses ennemis.
Après l’apogée, l’amphithéâtre d’El Jem entre dans sa phase déclinante qui coïncide avec l’invasion hilalienne au XIe siècle qui ravage la ville de Thysdrus et transforme le Colisée d’El Jem en carrière de pierres. Des matériaux provenant de l’édifice auraient d’ailleurs servi à construire notamment la grande Mosquée de Kairouan.
Ayant fait l’objet de plusieurs travaux de restauration qui ont permis de préserver et conserver ses principales composantes architecturales, l’amphithéâtre d’El Jem semble avoir encore de beaux jours devant lui. En effet, un nouvel accord vient d’être signé entre l’Institut national du patrimoine (INP) et le Parc archéologique du Colisée (Rome) prévoyant de renforcer le jumelage entre le Colisée de Rome et l’amphithéâtre d’El Jem et de promouvoir la valorisation de ce dernier.