Le 16 septembre, jour de la rentrée scolaire, deux jeunes garçons ont tabassé à mort un élève devant le lycée de Mégrine. Le lendemain matin, une vidéo choc circule sur les réseaux sociaux, montrant une mère en train d’inciter ses deux petits, inscrits dans un jardin d’enfants, à répondre à la violence par la violence. Frappe contre frappe, morsure contre morsure… !
Il semble que de nos jours la violence est banalisée ! Cependant, on ne parle pas d’actes isolés. Or, il s’agit bel et bien d’un phénomène social qui doit être observé de près. «Je suis encore sous le choc du meurtre de l’élève de Mégrine, lorsque j’ai vu partager sur Facebook la vidéo de la maman qui pousse ses enfants à être violents. Malheureusement, ce discours est adopté par plusieurs mamans. Il vient rompre avec l’image traditionnelle de la mère comme première école d’apprentissage des valeurs sociétales, notamment la tolérance et le respect de l’autre», déclare Dr Mariem Touati, psychologue clinicienne et psychothérapeute de l’enfant et de l’adolescent.
Mère ou père, un modèle !
Et de poursuivre sur sa lancée: «Cette mère inconsciente appelle au désordre. Normalement, nous vivons dans une société basée sur un contrat social, dont la principale valeur est le respect d’autrui. D’après elle, la cour de jardin d’enfants ou de l’école va se transformer en une scène de combat et non un lieu de respect et d’acceptation de la différence d’autrui. Je me demande si son enfant rencontre un enfant plus fort, est-ce que c’est elle qui va intervenir et régler les choses à sa façon».
Elle ajoute que la personnalité de la mère ou du père se reflète dans le comportement de leur enfant. Donc, il faut avoir une attitude positive pour aider son enfant à se forger une personnalité solide capable de se faire respecter sans être obligé de recourir à la violence physique. «Les parents doivent transmettre à l’enfant une image positive de lui-même, ainsi, il développe sainement son estime de soi et sa confiance en lui. Dans cette ambiance saine, il va acquérir des compétences émotionnelles et sociales qui vont l’aider à avoir un équilibre psychologique et se faire respecter dans l’école et la société», explique Dr Touati.
Et si la famille était démissionnaire !
La responsabilité des parents envers leurs petits ne cesse de croître. Auparavant, dans la famille élargie, grands-parents, tantes, oncles, tous participent à la socialisation et à la bonne éducation de l’enfant. Actuellement, dans la famille nucléaire, les parents sont trop occupés et parfois démissionnaires. Malheureusement, la famille ne joue plus le rôle qui lui incombe ordinairement.
Auparavant, le phénomène de la violence était observé chez les adolescents et les jeunes. Cette violence s’explique par des causes physiologiques. Le changement hormonal rend les adolescents plus violents. A cet âge, l’enfant en quête d’une identité propre à lui adopte certains actes déviants et des méfaits. «Mais, aujourd’hui, la violence est manifeste chez les enfants en bas âge. Les moins de 12 ans sont de plus en plus agressifs. Normalement, cette phase qu’on appelle la phase de latence qui s’étend de 6 à 12 ans se caractérise par une importante diminution des activités pulsionnelles et violentes. A ce stade, l’enfant développe des compétences qui vont lui permettre de s’intégrer dans la société», a-t-elle encore expliqué. Hélas, tout est bouleversé. «Ce qu’on observe aujourd’hui est tout à fait le contraire d’un développement sain de l’enfant. Ce dernier est en train de se débrouiller tout seul. Avec une famille démissionnaire et une école qui a abandonné son rôle d’éducatrice, le petit trouve dans la société virtuelle, notamment les réseaux sociaux, Tik Tok, les jeux vidéo, des exemples à suivre. Ce phénomène s’est développé dans la période de confinement durant le Covid. Des enfants de 6 et 7 ans passaient des nuits blanches accrochés à leurs téléphones. Résultats : troubles de sommeil, une grande frustration qui se transforme en agressivité et des enfants incapables de gérer leur colère», poursuit la psychologue.
La communication de mise
D’après la théorie du psychologue canadien Bandura, l’apprentissage social est basé sur l’observation et l’imitation des comportements, attitudes et émotions des autres. Ainsi, un enfant exposé quotidiennement à des centaines de vidéos et de comportements violents va s’approprier ces comportements. Malheureusement, les délinquants et les vagabonds, qui se montrent sur les réseaux sociaux et dans les feuilletons ramadanesques, sont devenus des idoles pour les petits. «Tout doit être remis en place. Aujourd’hui, les parents sont dans l’obligation d’assumer leurs responsabilités. Ils sont les premiers accompagnateurs de leurs enfants. Ainsi, l’apprentissage des valeurs et de la bonne conduite se fait à la maison et se poursuit à l’école. Les enseignants doivent prendre la relève au sein des établissements scolaires.
Nous savons que le nombre des élèves par classe est énorme et que le travail de l’instituteur devient fatigant, mais il faut sauver cette génération et reconstruire une relation basée sur la confiance entre la famille et l’école. L’élève doit se sentir protégé et respecté dans un lieu où règne la discipline», confie notre psychologue.
D’autre part, la communication verbale est très importante. La gestuelle également. L’enfant doit être accompagné dès son bas âge, afin d’acquérir les compétences nécessaires pour se défendre, sans être forcément violent. Un simple regard, un visage ferme et des mots bien choisis suffisent pour se faire respecter.