Juste après le décès du Mouchir Mohamed Essadok Pacha Bey le 29 octobre 1882, l’intronisation de son frère Ali s’est passée normalement. Le nouveau bey venait de bénéficier de l’allégeance de la part des vizirs et des membres de la cour beylicale.
La cérémonie d’allégeance de Ali Pacha Bey III avait un cachet spécial. C’est que parmi l’assistance habituelle composée des vizirs, des dignitaires et notables de Tunis, des Oulémas et commandants d’armée, figurait le ministre résident français qui, tout en prêtant le serment d’allégeance, avait décoré le Bey de l’insigne d’honneur français 1ère catégorie.
Rappel du contenu du traité du Bardo
Le traité du Bardo signé conjointement par Mohamed Essadok Bey et le consul français Roustan le 12 mai 1881 énonce dans son article 4 que la France est représentée en Tunisie par un résident général qui veille sur la bonne marche des affaires diplomatiques entre la France et le royaume de Tunisie. De même, l’article 5 du traité stipule que la politique extérieure du royaume tunisien est du ressort des différents ambassadeurs français à l’étranger.
Convention de La Marsa
Cette convention a été signée conjointement par le résident général Paul Cambon, représentant la France (pays protecteur) et sa Majesté Ali Pacha Bey, représentant le royaume de Tunisie. Cet accord officiel, synonyme du complément du traité du Bardo, fut signé le 8 juin 1883.
A l’issue de cette convention, l’Etat tunisien s’engage à réorganiser l’administration, la juridiction, ainsi que les finances avec l’accord de la France.
Il s’avère, selon les différents articles du traité du Bardo et ceux de l’accord de La Marsa, que le résident général français est à la fois représentant de la République française et fait aussi fonction de ministre des Affaires étrangères du Bey et que l’Amiral-chef de la marine française est aussi ministre tunisien de la Marine.
La convention de La Marsa affiche clairement les nouvelles intentions du pays protecteur car, par la signature conjointe de ladite convention, la France passe du régime protectoral au régime colonial. Le pouvoir du Bey se rétrécit davantage au détriment de celui du résident général.
Nouvelle répartition du pouvoir
Dans son œuvre «l’histoire de Tunisie», l’historien Hassen Hosni Abdelwaheb explique avec précision la nouvelle répartition des pouvoirs au royaume à partir de l’instauration du régime protectoral. A partir du 12 mai 1881, le pouvoir du bey était bien délimité, s’étendant uniquement à l’intérieur du royaume. C’est lui qui détient le pouvoir législatif et c’est lui qui signe l’ensemble des lois et décrets. Seulement il découle de la convention de La Marsa signée par Ali Pacha Bey lui-même, que ces lois et décrets n’auront un caractère officiel qu’une fois validés par le résident général français.
Il ressort aussi de cette convention que le résident général représentant la république française assiste aux réunions du conseil des ministres en tant que ministre des Affaires étrangères et c’est lui qui assure la fonction de président de ce conseil, constitué uniquement de deux ministres tunisiens qui sont le grand vizir et le ministre de la Plume et de la Concertation (ouzir klam).
Ce conseil regroupe aussi les différents directeurs français, le secrétaire général du gouvernement (poste nouvellement créé) ainsi que le haut commandant des forces françaises et l’amiral de la marine française.Il convient donc d’affirmer qu’après avoir perdu son autorité externe lors du traité du Bardo, le royaume de Tunisie, sous l’égide du bey, n’avait pas tardé à perdre son autonomie interne suite à l’accord de La Marsa. Depuis la fameuse date du 12 mai 1881, le pouvoir du bey n’est plus absolu, il est devenu sous la coupe de l’autorité coloniale française.
Réorganisation du royaume
Au début de son règne, Ali Pacha Bey avait nommé Mohamed Aziz Bouattour en tant que grand vizir. En 1883, la France avait accordé au royaume un prêt de cent vingt millions de francs par le biais de son résident général Paul Cambon afin de permettre à l’Etat tunisien de résorber ses dettes antérieures.
En avril 1883, un nouveau poste est créé. Il s’agit du poste de secrétaire général du gouvernement, chargé de veiller sur les affaires administratives et contrôler leurs procédures. Ce porte-feuille a été attribué à un haut cadre français avec rang de ministre. Au cours de la même année ont été créées plusieurs directions centrales à Tunis avec à leurs têtes des directeurs français avec rang de ministres. Il s’agissait de la direction des finances publiques, de la direction des travaux publics, de la direction des sciences et de l’information et, juste après, la direction de l’agriculture et du commerce et la direction des postes et télécommunications.
Création de la conservation de la propriété foncière (Dafter Khana)
La direction de la conservation de la propriété foncière a été créée en avril 1885 en vue d’enregistrer les propriétés foncières rattachées à la cour foncière mixte, représentée par des juges tunisiens et français et présidée par un juge français en vue de statuer sur le contentieux juridique et foncier entre Tunisiens et étrangers.
Des signes de complaisance au bey
Il s’avère, d’après la nouvelle distribution des tâches administratives, que le pouvoir du bey avait perdu de larges prérogatives au bénéfice du pouvoir colonial français.
Pour compenser cette insuffisance, la France se souciait tout le temps d’entourer le bey de certains signes de complaisance, tels que la construction d’un lycée portant son nom : le lycée Alaoui à Tunis, la construction d’un musée portant également son nom ainsi que l’édification d’une statue d’Ali Bey ornant la salle de conférence de l’Hôtel de ville.
Ali Pacha bey décéda la 11 juin 1902 à l’âge de quatre vingt-quatre ans.
Sources
«Histoires de Tunisie» de Hassen Hosni Abdelwaheb
«L’héritage du trône chez les Husseinites» de Mohamed Salah Mzazi
Ali Pacha Bey 1er 1735-1755
Ali Pacha bey II 1759-1782