Accueil A la une Arp – Proposition de loi relative à l’amendement de la loi électorale : Le Parlement adopte majoritairement la proposition de loi

Arp – Proposition de loi relative à l’amendement de la loi électorale : Le Parlement adopte majoritairement la proposition de loi

 

• 116 voix pour, 12 voix contre et 8 abstentions

L’Assemblée des représentants du peuple a adopté hier, vendredi 27 septembre, lors d’une séance plénière extraordinaire, la proposition de loi portant amendement de certaines dispositions de la loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014, relative aux élections et aux référendums avec 116 voix pour, 12 voix contre et 8 abstentions.

A quelques jours seulement de la présidentielle, le débat sur la proposition d’amendement de la loi électorale anime la scène médiatico-politique. A l’initiative d’une trentaine de députés, cette proposition de loi vise essentiellement à transférer les compétences du Tribunal administratif, en matière de litiges électoraux, à la justice judiciaire. Examiné en urgence lors d’une session parlementaire extraordinaire, le texte de loi amendant la loi n°2014-16 relative aux élections et aux référendums a été approuvé par la commission parlementaire de la législation générale, le 25 du mois courant. La séance plénière consacrée à la discussion de cette proposition parlementaire, s’est tenue, donc, hier, au palais du Bardo, en présence de 140 députés venus débattre du nouveau texte de loi.   

Le Parlement reçoit l’avis du CSM après la clôture des travaux 

Dans son allocution d’ouverture,  le président de l’ARP, Brahim Bouderbala,  a tenu à préciser que le Parlement a finalisé  toutes les procédures nécessaires pour permettre l’examen de ce projet de loi organique, y compris en demandant les avis de l’Isie et du conseil supérieur de la magistrature (CSM), conformément aux lois qui organisent les compétences de chacune des institutions. Bouderbala a affirmé que, contrairement à l’avis de l’Isie, il a réceptionné l’avis du Conseil supérieur de la magistrature, la veille  à une heure tardive, et l’a  transmis à la commission parlementaire conformément aux législations en vigueur. 

Prenant la parole, le président de la commission de la législation générale, Yasser Gourari, a mis l’accent sur le bon  déroulement des diverses  séances qui se sont tenues, à ses dires,  dans le respect « loin des scènes folkloriques que les Tunisiens avaient  l’habitude de voir auparavant ». Il a indiqué que les représentants du ministère de la Justice  ainsi que ceux de la présidence du gouvernement ont été également entendus par la commission. Il a ajouté que le Conseil supérieur de la magistrature a fait parvenir son avis après la clôture des travaux de la commission, soulignant, dans ce même contexte, que pour l’Isie ou pour ledit conseil, il s’agit uniquement d’avis consultatifs que la commission a le libre choix d’adopter ou non. Selon Gourari, les députés signataires de cette proposition qui sont, selon lui, de divers bords politiques et soutiennent différents candidats, disent pressentir un  danger imminent menaçant la Tunisie, les incitant à soumettre cette proposition de loi. 

A l’issue de la présentation du rapport de la commission, le débat a été ouvert et les députés ont été invités à exprimer leurs positions, par rapport audit projet de loi. 

Appel pour parer à un danger imminent 

Manel Eddida, députée indépendante et signataire de la proposition parlementaire, a souligné que cette dernière  est recevable tant sur le plan  juridique que politique. Elle a indiqué, dans ce sens, que la loi électorale de 2014, éparpille la résolution du litige électoral entre diverses institutions où interviennent trois différentes parties, en l’occurrence, les justices judiciaire, administrative et financière. « En tant que représentants du peuple, on aurait pu composer avec cette réalité, en attendant l’amendement de la loi après l’échéance électorale.  Mais l’urgence nous oblige à intervenir particulièrement en ce moment », a-t-elle ajouté. Elle a précisé, à cet égard, qu’il n’existe aucun obstacle juridique qui se dresse face à l’amendement de la loi électorale, même le jour du scrutin, tant que les conditions stipulées par l’article 55 de la Constitution sont réunies. A cet effet, la députée Eddida remet en cause l’impartialité du tribunal administratif qui, à ses dires, ne se contente pas de prononcer ses verdicts, mais « oriente aujourd’hui, les électeurs ». Selon l’élue qui s’est donc exprimée en faveur de l’amendement, la controverse qui s’est déclenchée entre l’Isie et le Tribunal administratif divisera, après les élections,  le peuple tunisien en deux camps : ceux qui défendent la légitimité du Tribunal administratif et ceux qui se rangent du côté de l’Isie. « C’est un complot étranger qui vise à punir la Tunisie qui s’attache à sa souveraineté nationale », a-t-elle martelé. Elle a conclu son intervention, en soulignant que  cette proposition vise à renforcer le traitement des contentieux électoraux.  

De son côté, le député, Mokhtar Abdelmoula, du bloc parlementaire “Que le peuple gagne”, a précisé que l’intervention des députés en ce moment pour amender la loi électorale est un devoir national sacré. « Le timing de cette intervention se justifie,  notamment lorsqu’il s’agit du danger qui menace de diviser le pays, pouvant  le plonger dans le chaos et le vide. Ceci représente un danger imminent qui menace la stabilité et l’unité de la Tunisie », a-t-il asséné. Il a, par ailleurs, ajouté que l’amendement de la loi ne touche ni les candidats ni le calendrier électoral, et ne concerne uniquement que l’ajustement du système des recours en justice. 

L’autre son de cloche

Saber Masmoudi du bloc parlementaire “Les hommes libres”, a souligné que l’examen en urgence de cette proposition de loi, au moment où d’autres projets de loi importants  sommeillent dans les tiroirs de l’ARP, peut remettre en cause l’impartialité du Parlement. Pour lui, il est impertinent de s’appuyer sur l’argument du danger imminent, qui est une situation uniquement déterminée par le Président de la République, chef de la fonction exécutive. Il a ajouté que l’implication des députés dans des campagnes électorales peut entacher la neutralité du Parlement et remettre en cause le principe de la séparation des pouvoirs, entre les fonctions législative et exécutive. Un principe consacré par la nouvelle Constitution. Il a souligné que cette controverse n’est pas fondée du moment que le Tribunal administratif a prononcé ses verdicts, tant au profit qu’en défaveur des décisions de l’Isie.

De plus, les recours déposés contre les résultats s’inscrivent, selon ses propos, dans le cadre de l’attribution consultative du tribunal. « Même en cas de recours après les élections, les juges peuvent  rendre des comptes et être mis en cause, s’ils sont suspectés de partialité », a-t-il mis en garde.

Dans son intervention, le député indépendant Hichem Hosni, a pointé du doigt la non- constitutionnalité de ce projet de loi, en raison de la non-conformité des procédures adoptées. « Cette loi inconstitutionnelle devrait mettre le Président de la République, garant de l’application de la Constitution, dans l’embarras », a-t-il martelé. Et d’ajouter : « Accorder un délai de 48 heures pour finaliser les séances et le rapport, ne peut que porter préjudice à cette proposition. Et voilà comme une des conséquences, le Conseil supérieur de la magistrature n’a pu faire parvenir son avis qu’aujourd’hui et de surcroît, celui-ci indique que ce n’est pas le moment de procéder à l’amendement de la loi électorale ».

Le député indépendant a précisé que d’un point de vue politique, cette proposition porte atteinte à l’intégrité, non seulement du Tribunal administratif mais aussi à la justice judiciaire qui sera perçue comme  une justice aux ordres. « Il est vrai que le Tribunal administratif a publié des communiqués qui témoignent de sa partialité, mais le ministère de la Justice, en tant qu’autorité de tutelle, aurait dû intervenir et procéder à un mouvement de mutation dans la justice administrative. On ne peut pas changer les règles du jeu, mais on peut changer les joueurs. Cette loi va envenimer la situation et faire le lit aux ennemis de la nation, et particulièrement les islamistes qui sont derrière les remous provoqués récemment », a-t-il alerté.

Hosni a ajouté qu’il est impossible « d’invoquer l’argument du danger imminent au moment où la Tunisie peut compter sur ses forces de l’ordre et forces militaires pour défendre le pays et le préserver contre toutes menaces ». 

La séance  plénière a été poursuivie jusqu’à la fin de la journée et les députés se sont exprimés, tour à tour, soit  pour défendre soit pour contester la proposition d’amendement. Entre ceux qui évoquent le danger imminent et d’autres qui critiquent un mauvais timing, les interventions se sont fortement polarisées, tout au long d’une journée.  Au terme des débats parlementaires, la proposition de loi a été majoritairement adoptée par 116 voix pour.

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