Le chemin de la gloire est pavé du sang des martyrs. L’histoire est ainsi faite. Nous en savons quelque chose. L’indépendance de la Tunisie, acquise de haute lutte en 1956 au bout de soixante-quinze années d’occupation coloniale, a été le corollaire de dizaines de milliers de martyrs tombés au champ d’honneur. Le martyre de Hassan Nasrallah avant-hier à Beyrouth confirme l’évidence.
Il était aux commandes de son parti, le Hezbollah, depuis 1992. Il avait immédiatement succédé alors au deuxième secrétaire général du parti tué par la soldatesque israélienne au Sud-Liban. Depuis, il avait profondément empreint la résistance libanaise. En l’an 2000, il avait présidé à la libération du Sud-Liban à l’issue d’un âpre combat mettant en déroute l’armée d’occupation israélienne qui y avait sévi dix-huit années durant, se permettant même l’affront d’assiéger Beyrouth, trois mois durant, au cours de l’été 1982.
En 2006, l’armée d’occupation israélienne, qui avait derechef envahi le Liban et tenté de capturer Beyrouth, y avait mordu la poussière. Les combattants du Hezbollah lui avaient infligé de lourdes pertes à l’issue de 33 jours d’intenses combats. C’est dire l’ancrage profondément militant de l’aura de Hassan Nasrallah acquise au fil des luttes et des épreuves, auprès de larges pans de l’opinion arabe. Il était considéré, même par ses pires ennemis et détracteurs, comme le chef incontesté de la résistance et symbole du leadership dans un Proche et Moyen-Orient en instance perpétuelle de décomposition.
Homme déterminé et charismatique, au verbe fluide agrémenté de référentiels rationnels autant que séducteurs, Hassan Nasrallah s’est opposé, dans le monde arabe, à l’affligeante déferlante des hommes courts et bornés qui tiennent le haut du pavé. C’était le seul dirigeant que le monde entier écoutait attentivement quand il tenait un discours. Les médias israéliens traduisaient immédiatement ses propos, toutes affaires cessantes. Et tout le monde convenait de sa sincérité et de la véracité de ses propos.
Et puis, lorsque l’armée d’occupation israélienne a commencé, le 8 octobre dernier, à exécuter son plan démentiel de génocide à Gaza, Hassan Nasrallah avait immédiatement mobilisé la puissante force de feu et de frappe de son parti au profit de la cause palestinienne. Ainsi, le front libanais a-t-il participé à la dispersion des forces d’occupation israélienne. Des milliers de martyrs libanais ont rejoint ainsi les rangs des dizaines de milliers de Palestiniens tués par l’armée d’occupation à l’issue de milliers de raids aériens et de pilonnages. Et bien que, hormis quelques parties au Yémen et en Irak, l’écrasante majorité des États arabes se soient enlisés dans la compromission sinon dans l’appui tacite et avéré aux hordes sionistes, le Hezbollah libanais s’est mobilisé au profit de Gaza et de la résistance palestinienne.
Désespéré d’en finir avec les Palestiniens opposant une résistance héroïque et déterminée à ses hordes criminelles, Benjamin Netanyahu n’a pas trouvé mieux que d’élargir les agressions aux populations civiles libanaises. Avec l’appui explicite et non voilé des gouvernements occidentaux, les États-Unis d’Amérique en prime. Et si Hassan Nasrallah est tombé en martyr au champ d’honneur, l’ultime aspiration du vrai combattant, il n’en demeure pas moins vrai que plusieurs doigts ont appuyé sur la détente. Parce que, dans la saga des grands combattants, il faut toujours chercher du côté des traîtres et des sbires de la sale besogne pour expliquer les fins tragiques. Toute la trame de ce sinistre forfait n’est pas encore élucidée dans ses moindres détails, mais ce qui est sûr, c’est que Hassan Nasrallah est tombé en martyr. Ceux qui l’ont lâchement liquidé se cachent et se voilent la face, ayant pour unique argument et état civil de leur forfaiture leur lâcheté avérée. Mais Hassan Nasrallah demeure toujours dans cette haute sphère de l’air des cimes qui l’a baigné dès sa prime enfance dans le si fascinant Sud-Liban, où les nids d’aigles se nichent parmi les cèdres millénaires.
Il est mort en combattant pour la Palestine, pour le Liban, pour el-Qods, pour la noble cause. Hassan Nasrallah, le martyr, le symbole, la légende.